"Mon diagnostic m'a sauvée, je pensais être atteinte d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, alors que mes difficultés quotidiennes correspondent aux trois symptômes - inattention ; hyperactivité psychique et physique ; impulsivité - qui caractérisent le TDAH, le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité. "Avec", dans mon cas.
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C'est une épreuve de fixer mon attention
Depuis mon enfance, je suis dans la lune, très étourdie et je me disperse. C'est une épreuve de me concentrer et de fixer mon attention.
Un rien me distrait (une moto qui pétarade, une parole fugace au loin... ). Et quand cela ne vient pas d'un élément extérieur, mon attention est détournée par la frénésie de mes pensées, qui s'enchaînent à la vitesse de la lumière dans ma tête. Il y en a toujours une nouvelle qui chasse la précédente, car mes pensées sont structurées en arborescence. Je suis en permanence encombrée.
Résultat : j'ai fait la fortune des serruriers à force de claquer la porte sans prendre mes clés. Je me suis aussi mis à dos tous mes voisins, après avoir provoqué plusieurs dégâts des eaux, parce que j'oubliais le bain que je faisais couler. Même en faisant sonner une alerte sur mon téléphone, rien à faire !
Sur le chemin de la salle de bains ou de la cuisine - j'ai brûlé des dizaines de casseroles... -, je suis happée par une autre tâche, comme ranger des vêtements ou faire le virement du loyer, et je zappe la première. J'ai également eu beaucoup d'accrochages en voiture, toujours par ma faute, à cause d'oublis de priorité à droite ou de regarder dans le rétroviseur.
Pour les courses, combien de fois suis-je arrivée à la caisse sans argent ? Concentrée sur ma liste d'achats, je partais sans sac à main.
Cela ne m'a pas empêché de faire des études
Pour autant, mon trouble ne m'a pas empêchée de faire des études - je suis géographe -, sauf que j'ai ramé mille fois plus que les autres pour y arriver. Tout travail de longue haleine est un chemin de croix épuisant à cause de mon manque de concentration.
Au lieu de me focaliser sur un seul dossier, je m'éparpille sur plusieurs en même temps. Au final, je me perds en route et je mélange tout. J'ai souvent été désespérée, avec un sentiment d'impuissance et de handicap très douloureux.
En revanche, mon hyperactivité physique est mineure. Je me tortille sur mon fauteuil au cinéma ou en réunion, je trépigne dans une file d'attente et je malaxe des objets antistress, mais c'est tout.
La remarque d'une collègue m'a poussée à consulter
L'élément déclencheur pour consulter a été une remarque d'une collègue urbaniste. Elle m'a accusée de ne pas être fiable, car trop désorganisée, pas assez rigoureuse, trop lente, alors que je m'escrimais à m'adapter à notre binôme. Je m'étais concocté un planning par demi-heures, je m'envoyais des rappels, je faisais des fiches.
Surtout, quand une activité me passionne, et c'était le cas, j'arrive à me concentrer sur un temps court, aussi ça marchait. Lorsque je me sens rejetée de la sorte, mon impulsivité ressort. Je ne contrôle plus mes émotions et mes réactions sont disproportionnées. J'ai voulu démissionner. Par chance, mon boss m'a dit : "On verra demain, là, je n'ai pas le temps".
C'est pareil en amour ou en amitié, je peux tout saborder avec perte et fracas en cinq minutes pour une phrase ou un acte anodin, que je prends mal. Je ne réfléchis aux conséquences qu'après. Mon impulsivité me rend soupe au lait et je me piège moi-même.
Le diagnostic de la TDAH a changé ma vie
Depuis deux ans, je suis traitée par un inhibiteur de la recapture de la dopamine, la Ritaline®. Une renaissance ! Mes symptômes n'ont pas disparu, mais ils sont à un seuil suffisamment bas pour ne plus handicaper ma vie.
Je suis plus attentive, plus calme et plus posée. Je découvre une autre femme en moi et j'ai repris espoir en mon futur. Fonder une famille, vivre en couple, faire une carrière n'est plus seulement une utopie. Désormais, je sais que ma vie peut être belle".
