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« The Woman King » : les Amazones du Dahomey, héroïnes contemporaines

The Woman King **

de Gina Prince-Bythewood

Film américain, 2 h 24

« Tiens-toi loin de moi. » C’est la signification en langue fon d’« Agojie », le nom des redoutables femmes guerrières qui ont défendu le royaume du Dahomey, partie de l’actuel Bénin, du XVIIe à la fin du XIXe siècle. Elles sont les héroïnes de The Woman King, épopée hollywoodienne qui célèbre leur courage, à l’heure de la réhabilitation de figures féminines du passé.

Sous le règne du jeune roi Ghézo (1818-1858), le Dahomey prospère grâce au commerce triangulaire. Encore sous la férule de l’Empire oyo, le royaume protège ses fragiles frontières des assauts du terrible général Oba.

Face à lui se dressent les « Amazones du Dahomey », sœurs de combat qui, après avoir fait vœu de chasteté, sont tout entières tournées vers l’art cruel de la guerre, quitte à décapiter leurs adversaires pour mieux les effrayer… Leur cheffe, Nanisca (Viola Davis), entreprend de se libérer du joug des Oyos, tout en cherchant à développer la production d’huile de palme pour cesser la vente de prisonniers aux marchands d’esclaves européens. Mais une jeune recrue, Nawi (Thuso Mbedu), véritable tête de mule, trouble Nanisca, en qui elle réveille un trauma enfoui dans son passé…

Impressionnante Viola Davis en colosse aux pieds d’argile

On se serait passé de cette dimension mélodramatique, qui allonge inutilement la durée du film, par ailleurs d’une grande efficacité et d’une étonnante fluidité narrative. Les combats s’enchaînent dans un ballet chorégraphié avec soin, mêlant arts martiaux asiatiques et africains sans que cette hybridation tourne au pastiche. Dénué d’effets spéciaux, The Woman King s’inscrit davantage dans la lignée de Spartacus (sans en avoir l’ampleur formelle) que des récents nanars à superhéros.

Si les personnages masculins sont archétypaux, les Agojie sont au contraire pleines de nuances, à la fois déterminées et inquiètes, instinctives et réfléchies, violentes et vulnérables. Dans le rôle-titre, qui pourrait lui valoir un deuxième Oscar, Viola Davis impressionne dans son personnage de colosse aux pieds d’argile. L’actrice américaine s’est totalement investie dans The Woman King, dont elle est également productrice. « J’y ai retrouvé ma féminité, j’y ai retrouvé mon identité noire », affirme-t-elle dans le dossier de presse.

À l’heure des mouvements « MeToo » et « Black Lives Matter », le film dénonce avec la même vigueur le viol comme arme de guerre et la traite humaine. De ce point de vue, cette production, taxée d’appropriation culturelle car tournée en Afrique du Sud avec des acteurs en majorité américains, en dit peut-être davantage sur le contexte actuel des États-Unis que sur l’histoire du Dahomey. La dimension paritaire du système politique du royaume semble notamment gonflée pour l’occasion.

Les Agojie, qui ont également inspiré les forces spéciales d’un autre royaume, celui imaginaire du Wakanda, dans Black Panther, film de superhéros noir au succès planétaire en 2018, sont destinées à galvaniser le public féminin en général et les femmes noires en particulier. En témoigne la chanson du générique de fin, dont le titre est Rise up ! (« Debout ! »).