France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Tintin et le manuscrit maudit

Par Roxana Azimi

Réservé à nos abonnés

EnquêteAucune grande maison d’édition n’a souhaité publier « Dark Tintin », de Mark Alizart. Dans son essai, le philosophe propose une relecture des aventures du jeune reporter à la lumière de l’inceste que son créateur, Hergé, aurait subi enfant. Une thèse inflammable qui l’expose aux foudres de Nick Rodwell, l’administrateur très procédurier de l’œuvre du dessinateur belge.

Dark Tintin, c’est l’histoire d’un livre qui aurait pu ne jamais paraître, un manuscrit maudit que plusieurs grands éditeurs parisiens ont décliné à tour de rôle. Son auteur, pourtant, n’a rien d’un amateur. Adepte d’une « philosophie pop », préférant aux grandes vérités éternelles les mythologies qui passionnent notre époque, Mark Alizart a publié aux Presses universitaires de France (PUF) pas moins de cinq essais en six ans sur des thèmes très variés, comme la présence des chiens auprès de l’homme ou la cryptomonnaie.

L’essayiste croyait tenir à nouveau un bon sujet : Tintin, le personnage le plus populaire de la bande dessinée, qui a structuré l’imaginaire des 7 à 77 ans depuis 1929. Avec un angle qui plus est original, une relecture des aventures du petit reporter sous le prisme du viol qu’aurait peut-être subi son auteur, Georges Remi, alias Hergé, dans son enfance. « Je savais qu’en traitant ce sujet, je profanais un temple dédié à l’enfance, mais je ne m’attendais pas à ça… », s’étonne encore Mark Alizart, en reprenant une gorgée de café dans son vaste appartement du Marais, à Paris.

Tout avait d’abord démarré comme dans un rêve. « Je veux publier votre texte », lui écrit, en septembre 2020, Maxime Catroux, éditrice chez Flammarion. Le message n’est pas follement expansif, mais il a le mérite d’être clair. Un contrat est signé en décembre de la même année, assorti d’un à-valoir – modique – de 2 500 euros. La grande machine promotionnelle dont est capable Flammarion se met alors en marche.

Sujet d’une brûlante actualité

En amont de la sortie, prévue en septembre 2021 pour coller à la rentrée littéraire, une grande interview est donnée à Vogue et un article est programmé dans Livre Hebdo, la bible de l’édition. Mais, en juin 2021, patatras, Flammarion décide de tout annuler. « Un mauvais retour des libraires, des choses qui arrivent », s’entend dire Mark Alizart. Mille sabords ! Tintin est pourtant populaire. Les bonnes années, Casterman, l’éditeur historique d’Hergé, écoule au bas mot 3 millions d’albums. Les confinements successifs ont même renforcé l’appétit de lecture. Quant au sujet de l’inceste, il est d’une ­brûlante actualité après la retentissante publication de La Familia grande (Seuil, 2021), de Camille Kouchner.

Avec le recul, sans être paranoïaque, complotiste ni même revanchard, Mark Alizart a développé sa petite théorie sur l’affaire. « De source sûre », affirme-t-il, Antoine Gallimard en personne, le patron de Madrigall (la maison mère de Flammarion), aurait fait stopper Dark Tintin pour éviter de mettre en péril les fragiles relations entre Casterman, son autre fleuron, et les ayants droit d’Hergé, disparu en 1983. Il chercherait ainsi à ménager les susceptibilités de Nick Rodwell, le Britannique aux mèches grises qui, depuis son mariage, en 1993, avec la veuve d’Hergé, Fanny Vlamynck, gère d’une main de fer la succession.

Il vous reste 84.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.