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«Tous les élèves étaient en manteaux» : l'école face aux restrictions énergétiques

DÉCRYPTAGE - À l'aube du mois de décembre, le gouvernement a envoyé aux préfets une circulaire donnant des consignes en cas de coupure d'électricité.

Alors que le thermomètre frôle les 2°C au petit matin, les élèves de cinquième d'un collège public du 15e arrondissement de Paris sont frigorifiés. Dans la salle de classe, tous sont en manteaux ou avec une écharpe autour du cou. «Il doit faire entre 12°C et 15°C, ce n’est pas possible, s'insurge Pauline*, leur professeur de français. C'est déjà difficile de les motiver à cette période de l'année. Ils sont fatigués et attendent les vacances de Noël, alors imaginez ce que cela peut donner quand ils sont engoncés dans leurs doudounes.» Selon la direction de l'établissement, les chauffages étaient en panne mais ont été réparés depuis.

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Pour autant, le collège parisien n'est pas un cas isolé. À l'heure des restrictions énergétiques, le gouvernement a appelé tous les établissements publics, dont les écoles, à descendre les températures à 19°C, contre 22°C - 23°C habituellement. Certaines municipalités sont même contraintes de faire des économies drastiques supplémentaires, notamment sur la facture de chauffage. De partout sur le territoire français, et particulièrement dans les petites villes, des parents se plaignent de salles de classe glaciales, où les enfants grelottent plus qu'ils n'y travaillent. Le 1er décembre, Élisabeth Borne a envoyé une circulaire aux préfets, alertant sur des possibles coupures d'électricité dans les écoles.

Objectif : faire baisser la facture

Des restrictions qui agacent parents, professeurs et édiles. Et font frissonner les enfants. Agnès est mère de Timéo et Léa, âgés de 4 et 7 ans, à Limoges. Le lendemain des vacances de la Toussaint, elle a eu la mauvaise surprise de les récupérer très enrhumés et grippaux. «Quand je leur ai demandé s'ils avaient passé une bonne journée, ils m'ont dit qu'il faisait froid dans la classe et qu'ils étaient restés en manteau.»

Étonnée, elle demande à la directrice des explications. Cette dernière lui indique qu'ils ont laissé les chauffages éteints pendant les deux semaines de vacances. Conséquence, il faisait à peine 12°C dans la classe. Même situation à Évreux dans l'Eure où les enfants ont dû attendre presque la fin octobre pour que les chauffages soient rallumés. Raison invoquée par la mairie : le plan de sobriété énergétique.

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Avec une inflation galopante, les dépenses des mairies, départements et régions ont explosé, sans pour autant que les ressources suivent. Poussant ainsi les collectivités à rogner dans chacun des budgets. L'école y compris. L'heure est donc à toutes les petites économies. Rien que pour la région Normandie, le coût de l'énergie a été multiplié par 2,5 par rapport à l'année dernière. Si l'État accorde aux collectivités un bouclier tarifaire limitant à 25% la hausse des prix, cela reste insuffisant. «On demande aux directeurs de faire comme à la maison : éteindre les lumières, privilégier les LED, laver la vaisselle la nuit, éteindre les serveurs qui restaient habituellement en veille...», explique Bertrand Deniaud, en charge des questions éducatives pour la région Normandie, responsable de 400 collèges. À cela s'ajoutent des mesures supplémentaires comme descendre les chauffages à 8°C la nuit, repousser au maximum la mise en chauffe des bâtiments, limiter les pièces où sont allumés les radiateurs...

Avec 30% de la consommation des bâtiments communaux, les écoles sont les plus grands consommateurs d'énergie, devant les équipements sportifs et culturels, prévient le ministère de la Transition écologique. Qui plus est, lorsque les bâtiments sont des passoires énergétiques, s'agace Guislaine David, porte parole du Snuipp-Fsu, premier syndicat au primaire. Mauvaise isolation, fenêtres au simple vitrage, courants d'air... L'école laisse passer le chaud en été, et le froid en hiver.

Polaires, rénover les bâtiments : trouver des solutions plus ou moins durables

Si les autres années la situation était tenable en poussant sur le thermostat, l'hiver 2022 s'annonce plus rude. Dans la Manche, la mairie de Périers a décidé d'offrir à ses 310 élèves une polaire 100% Made In France sur laquelle sont brodées les lettres «Sauvons la planète». Pour Laurent Zameczkowski, vice-président de la Peep, la fédération des parents d'élèves dans le public, une telle initiative n'est pas durable. Elle fait même «sourire» Adrien Misson, porte-parole du syndicat des enseignants UNSA. «Il faut imaginer des mesures importantes et arrêter de faire des économies de bouts de chandelle».

Ensemble, ils refusent que les écoliers paient le prix d'une inflation non encaissée par l'État. «Un enfant ne peut pas travailler correctement avec un manteau ou avec des doigts gelés, estime Laurent Zameczkowski. L'école doit tenir ses engagements d'enseignement.» Dans le but de trouver des solutions pour l'avenir, la mairie de Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis, a, elle, misé sur la rénovation des bâtiments. «80% de notre budget d'investissement va y passer», confie au Figaro Zartoshte Bakhtiari, le maire de cette ville où 20% de la population est en situation de pauvreté. Au-delà de l'isolation qui est le premier chantier du plan Bâti-scolaire du gouvernement de l'Éducation nationale, la rénovation énergétique des écoles passe aussi par la végétalisation des cours de récréation, la recherche de nouvelles sources d'énergie plus renouvelable.

De son côté, Matignon a précisé qu'en cas de coupure de courant programmée, il n'y aura pas de service de cantine et les enfants ne seront pas reçus à l'école le matin, limitant ainsi les heures sans chauffage dans les classes.