France
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Transitions du monde viticole : entre effets subis et volontarisme ambitieux

Vous représentez les vins du Sud-Ouest, que retrouve-t-on derrière cette large région ?

La France est divisée en bassins viticoles et le Sud-Ouest est l'un des plus grands en taille. Situé entre le bassin Bordelais et le Languedoc-Roussillon, il va de l'Aveyron au Pays-Basque et remonte jusqu'à la Dordogne. Il recouvre des appellations très nombreuses, citons par exemple Fronton, Gaillac, Cahors, Saint-Mont, les Côtes de Gascogne, Madiran... Des vins avec des identités et des typicités organoleptiques très différentes, ainsi que des entreprises avec des modèles économiques eux aussi très variés. Il n'est pas pour autant question de les opposer entre eux, mais plutôt de chercher comment travailler ensemble face aux nombreuses transitions que connaît aujourd'hui le monde viticole.

On pense évidemment aux défis climatiques, est-ce cette transition que vous évoquez ?

La filière viticole est une filière en transition et le changement climatique est en effet l'une des transitions majeures qui touche l'agriculture dans son ensemble. Elle s'accompagne d'une transition agro-environnementale qui dépasse le seul cadre du climat. A cela s'adjoint une transition économique, qui conjugue évolution des modèles économiques et financiers des entreprises, transmission des exploitations avec le renouvellement des générations, ainsi que le contexte macro-économique et l'inflation. Il faut aussi y ajouter les évolutions des modes de consommation du vin du fait des transitions sociologiques en cours. Face à cela, le monde viticole lui-même est en train de changer, tant dans son organisation, sa gouvernance, la physionomie des acteurs qui le composent, que dans sa capacité à innover et à utiliser le digital. Il ne faudrait pas croire que les transitions sont uniquement subies, certaines sont également impulsées par les vignerons qui, dans un cas comme dans l'autre, font preuve d'un grand volontarisme face aux changements.

Dans ce contexte, est-ce qu'avoir une région viticole avec une grande diversité représente un atout ou une contrainte ?

C'est avant tout une réalité ! Ce n'est pas facile d'expliquer la diversité et la complexité. Pourtant, je pense que cette réalité est tout à fait adaptée au contexte actuel. Les Français consomment moins de vin - 25 millions d'hectolitres par an contre 50 millions en 1960 - et sont moins attachés à une appellation en particulier. Ils ont un comportement de « zappeurs ». Ils apprécient de découvrir de nouveaux goûts, sont aussi curieux de découvrir de nouvelles régions. Et les vins du Sud-Ouest ont une offre suffisamment large pour satisfaire ces désirs de découverte.

Comment, néanmoins, réussir à se faire remarquer par ce consommateur zappeur ?

La première étape est de définir, avec l'ensemble des acteurs, l'identité du territoire. Il s'agit d'identifier ce qui nous rassemble. Si le Sud-Ouest recouvre des réalités très variées, il n'en possède pas moins une identité commune très forte, avec des valeurs connues et reconnues. Si je vous parle du Sud-Ouest, quel imaginaire allez-vous déployer ? Sans doute celui d'une région festive haut lieu de la gastronomie et d'une certaine douceur de vivre...  Notre reconnaissance par le Conseil de l'Europe, avec l'aide d'Iter Vitis France, comme itinéraire culturel est un des premiers éléments de ce socle commun. Mais il est aussi nécessaire de rattacher notre vignoble à une centralité, c'est-à-dire à la métropole toulousaine. Elle porte des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons : la modernité, l'innovation, l'ouverture au monde, la Garonne, l'histoire avec les chemins de Compostelle, la culture. C'est pour cela que nous avons œuvré, avec la ville, pour que Toulouse soit reconnue capitale européenne du vin en 2023.

Est-ce suffisant ?

Non. La deuxième étape, est d'identifier ce qui caractérise les différents vignobles. Quelle est leur identité, leur ADN ? Notre travail sur les cépages autochtones est l'un des aspects fondamentaux de cette caractérisation car par eux, ce sont des histoires et des expériences gustatives uniques que nous proposons aux consommateurs : petit et gros manseng, malbec, négrette, mansoi, petit courbu, bouysselet, duras, braucol..... Le prix européen Paolo Benvenutti que nous avons reçu en octobre dernier pour la préservation et la valorisation des cépages autochtones est une réelle reconnaissance du travail réalisé depuis de nombreuses années grâce à l'appui de la Région Occitanie. Enfin, il faut se placer du côté du consommateur et nourrir son imaginaire. Nous devons raconter les histoires des femmes et des hommes qui font les vins.  La marque « Sud-Ouest de cœur », que nous avons lancée, doit regrouper ces trois niveaux de communication pour fédérer les consommateurs qui se reconnaissent dans ces valeurs, ces identités et ces histoires.

Le Sud-Ouest recouvre des appellations à l'identité très forte, est-ce qu'elles se reconnaissent sous cette bannière commune ?

Que vous soyez basque ou gascon, je pense que l'identification aux valeurs du sud-ouest est bien là ! Même les vignerons qui ne produisent pas d'appellation d'origine ou d'indication géographique se revendiquent du Sud-Ouest, preuve de leur attachement aux valeurs qu'il porte. Cette notion de collectif a toujours existé dans le monde viticole mais ses contours sont en train d'évoluer, car nous assistons aussi à une transition de la gouvernance. Cette transition s'inscrit dans un mouvement plus large qui touche la gouvernance en général, et que l'on observe aussi au niveau de nos institutions politiques et dans les entreprises.

Dans cette gouvernance, à quoi sert une interprofession viticole, quel est votre rôle ?

Les interprofessions sont reconnues par l'Etat et leurs missions sont définies par le code rural et la réglementation européenne, mais ce sont avant tout des organisations professionnelles qui n'existent que par la volonté des producteurs et des metteurs en marché. Nous accompagnons le développement de notre filière au travers de grands chantiers. L'innovation est au cœur de nos réflexions sur les nouvelles pratiques culturales et œnologiques ainsi que sur les nouveaux débouchés, tant pour la commercialisation que pour la consommation. Ce qui transparaît, finalement, c'est le formidable dynamisme du secteur viticole qui, poussé par les nombreuses transitions en cours, s'adapte, innove et cherche des solutions structurantes pour l'avenir.