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Transports : Mais pourquoi une telle pénurie de chauffeurs ?

Un choc de l’offre. Ce serait une demande forte des Français à l’égard des transports urbains afin de les utiliser davantage à l’avenir, un enjeu clé de la transition écologique. C’est ce que met en avant une nouvelle édition de l’Observatoire des mobilités que l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) a publié ce mardi.

Les 1.501 Français sondés, âgés de 18 ans ou plus et vivant dans une agglomération de 50.000 habitants ou plus, sont 93 % à estimer nécessaire de développer les transports en commun, soit quatre points de plus que l’an dernier, précise l’Ifop, qui a réalisé ce sondage.

4.000 conducteurs dans les transports urbains français

Le hic, c’est que ce « plus d’offres » implique aussi plus de conducteurs. Or, ils se font rares ces derniers temps. Des premières alertes avaient déjà été lancées à la fin de l’été, à l’approche de la rentrée, sur la pénurie de chauffeurs de car. La Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) faisait alors état de 15.000 postes vacants en France, « du jamais vu dans le secteur ».

La semaine dernière, c’est Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, qui appelait les opérateurs de transport – la RATP en tête – « à mettre tous les moyens à leur disposition » pour pallier le manque de conducteur de bus, qui commence à sérieusement perturber le trafic dans la région. Dans la foulée, elle annonçait le doublement à 2.000 euros de la prime régionale versée à ceux qui entreront dans une formation de chauffeur. De son côté, la RATP disait « mettre les bouchées doubles », « notamment avec une grande campagne de communication dans la première quinzaine d’octobre pour attirer davantage de conducteurs ».

« Nous comptons environ 15.000 conducteurs, et notre objectif en 2022 était d’en recruter 1.500 », rappelle ce mardi Marie-Claude Dupuis, directrice Stratégie, innovation et développement au sein de la régie parisienne. « Fin août, nous étions à 700 conducteurs recrutés », reprend-elle. Loin du compte, donc. Mais la pénurie ne touche pas seulement la régie parisienne. Marie-Ange Debon, présidente de l’UTP, évoque ; 55.000 conducteurs employés dans les transports urbains (bus, métro, tram…) en France, et entre 3 et 4.000 manquants au sortir de l’été. Essentiellement des chauffeurs de bus.

Et si on prend Keolis, l’un des principaux opérateurs en France, « on estime à 400 le nombre de postes manquants sur nos 15.000 conducteurs environ », poursuit Marie-Ange Debon.

Pyramide des âges élevée et hausse de l’absentéisme

Cette pénurie est inédite. « Jusqu’à la rentrée de septembre 2021, nous n’avions absolument pas ces pénuries, au contraire », fait remarquer Eric Hugon, secrétaire général de la CFDT Transport urbain, lui-même conducteur de bus.

Comment l’expliquer ? Il y a déjà une pyramide des âges élevée qui jouent en la défaveur du secteur. La part des salariés de plus de 55 ans représente plus de 20 % des effectifs de conducteurs et monte à 40 % si on l’élargit au 50 et plus, rappelle l’UTP. De quoi entraîner dès à présent, et plus encore à l’avenir, des besoins de recrutement accrus pour pallier les départs à la retraite.

En parallèle, l’UTP pointe le problème de l’absentéisme qui s’aggrave depuis la crise du Covid-19. Le nombre de jours moyen d’arrêt par salarié et par an était de 39 jours en 2021, contre 31,5 en 2019, note le syndicat professionnel dans le bilan social urbain qu’il dresse (hors RATP). La régie parisienne n’est pas épargnée non plus. « L’absentéisme est un indicateur que nous suivons de près, indique Marie-Claude Dupuis. Nous luttons depuis longtemps contre la triche aux arrêts de travail et venons de faire remonter au gouvernement les problèmes d’abus que nous rencontrons encore aujourd’hui sur le certificat d’isolement, qui doit permettre à la base de protéger nos salariés les plus fragiles du Covid-19. »

La concurrence des autres secteurs

Le transport urbain n’est pas le seul secteur à rencontrer des tensions sur le recrutement, ce qui, là encore, complique la donne. La restauration, les services à la personne, le BTP, la métallurgie, la logistique complètent la liste. « Ces filières se font concurrence », observe Marie-Ange Debon, en citant tout particulièrement la logistique, « en pleine croissance depuis la crise sanitaire et qui a pu attirer des conducteurs de bus avec des rémunérations plus élevées ».

Dans ce contexte, le transport public peine parfois à rivaliser, ne serait-ce parce qu’y implique bien souvent de travailler le week-end et à des horaires décalés. « Ce qui attire de moins en moins, reconnaît Marc Delayer, vice-président de l’UTP, évoquant une tendance observée depuis le Covid-19 et « qui touche tous les services publics ». Eric Hugon fait le même constat. « Cela ne se traduit pas seulement par une difficulté à recruter de nouveaux conducteurs, mais aussi à les garder, observe-t-il, en citant le réseau de Bordeaux, où il travaille, « et où 41 personnes ont démissionné depuis le début de l’année ». « Là encore du jamais vu », précise-t-il.

Le syndicaliste ne l’explique pas seulement par le refus croissant des horaires décalés et des week-ends. « Les conditions de travail se sont globalement dégradées dans tous les réseaux, déplore-t-il. Il y a d’abord une recherche accrue de productivité de la part des opérateurs depuis une décennie, avec des temps de parcours et de battement (entre deux tournées) de plus en plus réduits. » « L’une des conséquences est l’absentéisme, qui dégrade à son tour un peu plus la situation, puisque la pression s’accentue sur ceux qui restent, poursuit Eric Hugon. Si vous ajoutez des salaires qui n’ont pas évolué dans le bon sens, vous obtenez ce cocktail qui fait que le métier n’attire plus ou qu’on le quitte. »

Une vaste campagne de communication nationale à l’automne

Les salaires, c’est pourtant l’un des atouts que veut mettre en avant l’UTP dans la vaste campagne de communication qu’elle lancera cet automne, en complément de celle de la RATP. « 80 % des métiers du transport urbain sont payés 40 % au-dessus du SMIC, glisse Marie-Ange Debon. Soit une bonne rémunération pour un métier qui ne nécessite pas, pour y entrer, un haut niveau de qualifications. ajoutentte des emplois souvent stables : « 98 % sont en CDI et 94,1 % à temps plein », précise l’UTP. De son côté, Eric Hugon cite plutôt le chiffre de la Dares, donné l’an dernier. « Depuis 2013, le salaire d’un conducteur au minimum conventionnel ne fait que se rapprocher du Smic. Il n’est plus que 6 % au-dessus du Smic, contre 13 % en 2013 », rapporte-t-il.