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Twitter sera banni en Europe si Elon Musk ne rectifie pas le tir sur la modération, menace l'Union européenne

Après lui avoir laissé le bénéfice du doute, l'Union européenne montre les dents face au Twitter d'Elon Musk. Mercredi, Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, s'est entretenu avec le milliardaire américain par visioconférence, et a remis les points sur les i : si Twitter ne respecte pas les règles européennes sur la modération, il sera banni en Europe.

Thierry Breton a également très clairement signifié à Elon Musk que l'Union européenne estime que l'oiseau bleu fonce vers le bannissement s'il continue sur cette voie. « Il reste encore beaucoup de travail à faire, car Twitter devra mettre en œuvre des politiques d'utilisation transparentes, renforcer considérablement la modération du contenu, protéger la liberté d'expression, lutter contre la désinformation avec détermination et limiter la publicité ciblée », a-t-il déclaré. Le Français a également indiqué à Elon Musk que Twitter a besoin de « capacités humaines et techniques suffisantes pour se conformer aux règles européennes à venir », en référence aux licenciements et démissions qui ont touché plus de 80% des effectifs de l'entreprise en moins d'un mois, dont l'essentiel des équipes de modération, ainsi que le bureau de Twitter à Bruxelles.

La règle européenne à venir mentionnée par Thierry Breton désigne essentiellement le Digital Services Act, une nouvelle réglementation votée l'an dernier qui renforce considérablement les obligations des plateformes en matière de modération des contenus haineux et de lutte contre la désinformation, et prévoit des sanctions conséquentes en cas de manquements.

I welcome @elonmusk's intent to get Twitter 2.0 ready for the #DSA🇪🇺

Huge work ahead still — as Twitter will have to implement transparent user policies, significantly reinforce content moderation and tackle disinformation.

Looking forward to seeing progress in all these areas. pic.twitter.com/Nc7sGlb9YL

— Thierry Breton (@ThierryBreton) November 30, 2022

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L'UE voit rouge suite à la décision d'Elon Musk d'arrêter la lutte contre la désinformation sur le Covid-19

La Commission européenne attend d'Elon Musk des actions rapides. Elle mènera début 2023 un « stress test » dans les locaux de Twitter pour vérifier ce que fait vraiment le réseau social et monitorer ses progrès. « M. Musk semble vouloir beaucoup attirer l'attention. Je pense qu'il a réussi à attirer l'attention des régulateurs. [...] À mon avis, Twitter passe maintenant en tête sur la liste des préoccupations des régulateurs », a déclaré à nos confrères de Politico Věra Jourová, la vice-présidente de la Commission européenne pour les valeurs et la transparence.

La Commission européenne n'a particulièrement pas apprécié l'abandon délibéré, décidé par Elon Musk, de la lutte contre la désinformation liée au Covid-19. Dans un communiqué publié le 29 novembre, le réseau social a déclaré : « Depuis le 23 novembre 2022, Twitter n'applique plus le règlement concernant les informations trompeuses sur le Covid-19. » Or, comme Facebook, Instagram et YouTube, Twitter avait mis en place pendant la pandémie des règles spécifiques pour lutter contre les fake news sur la santé. Elle devait notamment signaler et retirer les messages de désinformation sur les vaccins, et suspendre les comptes qui relaient de fausses informations au bout de cinq rappels à l'ordre.

Cet engagement des plateformes s'était pourtant révélé largement insuffisant pour contenir les fausses informations sur la pandémie. Mais il s'agissait d'un minimum syndical que Twitter décide aujourd'hui de laisser tomber, au nom d'une conception absolutiste de la liberté d'expression chère à Elon Musk, seulement partagée aujourd'hui par la fachosphère, par la frange la plus radicale du parti Républicain américain, ainsi que par des anarchistes et libertariens. Suite à cette décision de Twitter, le ministre français de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a lui aussi manifesté son agacement. « La désinformation sur la Covid-19 et la vaccination désormais en libre accès sur Twitter. Un jalon de plus est franchi dans l'irresponsabilité », a-t-il tweeté.

Autre motif d'inquiétude pour l'UE : le retour, le week-end dernier, de 62.000 comptes précédemment bannis par la plateforme, dont de nombreux pourvoyeurs de désinformation. La plupart sont suivis par des milliers de comptes, et une poignée affiche même plusieurs millions de followers. Cette décision, prise suite à un simple sondage en ligne sur le compte d'Elon Musk, fait suite à la réintégration de Donald Trump sur le réseau social, via la même méthode.

Elon Musk assure que sa vision de la liberté d'expression inclut le respect de la loi, or l'ancien président des Etats-Unis avait été banni de tous les grands réseaux sociaux pour avoir appelé ses soutiens à l'insurrection lors de la journée du 6 janvier 2021 au Capitole, ce qui est illégal. Des enquêtes de l'administration américaine ont conclu que l'ancien président a bel et bien joué un rôle actif, ce qui a conduit une majorité d'élus de la Chambre des représentants, y compris 10 Républicains, à voter pour la destitution ("impeachment") de Donald Trump le 13 janvier 2021, à une semaine de la fin de son mandat, pour « appel à l'insurrection ». Mais Elon Musk a tout de même réintégré l'ancien président.

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Peu de marges de manœuvre à court et moyen terme

Sur la forme, l'Union européenne a donc décidé de changer de ton pour adopter la plus grande fermeté à l'égard d'Elon Musk. Problème : ses marges de manœuvre sont en réalité assez limitées à court terme. Le Digital Services Act (DSA) sera réellement très contraignant pour toutes les plateformes y compris Twitter, mais le règlement n'entrera en application qu'en 2024, au mieux.

Or, la législation actuelle ne suffira pas à l'UE pour bannir Twitter d'ici à l'application du DSA. Car le code de conduite applicable aux plateformes concernant la désinformation repose aujourd'hui sur la base du volontariat. De plus, les fake news sur les vaccins ou la pandémie ne sont pas illégales en soi en vertu de la liberté d'expression, si elles ne tombent pas sous le coup de l'insulte, l'appel à la haine ou la diffamation. Autrement dit, la désinformation reste, jusqu'à l'application du DSA, dans une zone grise de la loi dont Elon Musk pourrait profiter pendant encore au moins une bonne année.

Et encore : si le DSA entre bien en application en 2024, on ne sait pas encore si ce sera en début ou fin d'année... Sans compter que l'entrée en vigueur de ce type de règlement, parce qu'il impose une mise en conformité qui peut être lourde et coûteuse pour les acteurs concernés, s'accompagne généralement d'une période d'adaptation d'au moins un an. C'était le cas du RGPD, le règlement général sur la protection des données : il est entré en vigueur en mai 2018 avec une période de mise en conformité d'un an. Et il faut ensuite de longs mois avant qu'une plainte aboutisse sur une sanction. Si le DSA entre donc en application au deuxième semestre 2024 et qu'il y a une période de mise en conformité d'un an, Twitter ne pourrait pas être sanctionné en cas de manquement grave avant fin 2025 voire 2026.

Pour autant, cela ne signifie pas que l'UE a aucun moyen de pression. Les déclarations agressives et les coups de pression pour la mise en conformité en sont un. Le deuxième est de rappeler à Twitter qu'il a signé en 2018 un Code de bonne conduite au sujet de la désinformation, amendé en 2022, qui comprend d'inclure des ressources pour réduire la publication des fausses nouvelles et stopper leur propagation.

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