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Ukraine : Soledar, les ressorts d’une boucherie russe moderne

Malin celui qui peut dire qui a gagné et perdu à Soledar, où la fumée de la bataille ne s’est pas encore

dissipée. Vendredi, le ministère de la Défense russe a déclaré que la milice privée Wagner, sa rivale

mercenaire, avait pris le contrôle de la petite ville minière, proche de Bakhmut. Du côté de Kiev, le son de

cloche est totalement différent. « Soledar est contrôlée par l’Ukraine et nos militaires, déclare, ce samedi

après-midi, Pavlo Kyrylenko, gouverneur de la région de Donetsk (sous contrôle ukrainien). Néanmoins, des

combats rapprochés sont en cours dans la ville, ainsi qu’aux alentours, car l’ennemi tente d’avancer dans

plusieurs directions ».

« Jonché de cadavres »

Soledar abrite la plus grande mine de sel d’Europe, où travaillaient quelque 2 300 employés avant 2022,

alimentant l’intégralité des cuisines ukrainiennes en petits paquets blanc et bleu. Des rues résidentielles,

quelques sanatoriums, Soledar faisait surtout figure de banlieue de Bakhmut, 70 000 habitants. Ne pouvant

prendre cette dernière après un assaut frontal de six mois, la milice privée Wagner d’Evgueni Prigojine, le

cuisinier-gangster de Poutine, a décidé de passer par les flancs et d’envoyer des milliers de mercenaires

repris de justice à l’assaut des positions ukrainiennes, pour faire de la prise de Soledar une victoire aussi

symbolique qu’un Stalingrad moderne.

Résultat, avant le Nouvel an, Soledar est devenue un enfer. Les Russes y ont renoué avec les méthodes de

l’Armée rouge en 1943 : envoyer des groupes de huit pauvres type au casse-pipe. Ils sont mitraillés sur le

champ ? Une seconde équipe passe derrière. Puis une troisième… Jusqu’à ce que les Ukrainiens fatiguent, et

interviennent alors des forces spéciales russes. Le champ de bataille de Soledar est « jonché de cadavres »,

constate Hanna Maliar, vice-ministre de la Défense à Kiev. Les témoignages des soldats ukrainiens sont

effroyables. « Il n’y avait que 70 mètres entre l’ennemi et nous, dans la tranchée on avait de l’eau jusqu’au

genou », témoigne Anton Filatov, critique de cinéma devenu soldat.

Une question de principe

« Nous avons été arrosés de tirs de mortiers, de bombes larguées par des drones, les ondes de choc ont fait

s’effondrer la tranchée, poursuit-il. En un jour et demi, nous avons perdu la moitié de notre groupe, nous

n’avons dormi que dix minutes et décidé de nous replier. C’est là que je me suis rendu compte que j’étais

devenu bègue ». Les Ukrainiens, prompts à créer des mythes romantiques, ont fait de la « forteresse

Bakhmut » et de Soledar une question de principe. Les Russes ne passent pas. Or, après un automne de

débâcles, les Russes sont prêts à faire de la prise d’une ville insignifiante un tournant, et le patron des

brigands de Wagner voudrait damer le pion aux généraux de l’armée.

Dimanche, les Russes ont clairement investi une grande partie de Soledar. Mais les 46e et 77e

brigades ukrainiennes aéroportées, deux unités d’élite (dont une formée en Grande-Bretagne), sont

solidement bien positionnées à l’ouest dans le quartier ferroviaire, et pilonnent chaque maison ruinée où

s’abritent des soldats russes. À Soledar, devant la masse de chair déployée, les Ukrainiens ont mis un genou

à terre, mais, selon plusieurs experts, en quelques jours, les Russes pourraient avoir sciemment sacrifié près

de 4 000 soldats.