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Un apéro avec Serge Tisseron : « Je me couche tard pour jouer à “Assassin’s Creed” »

A l’avant-garde des sujets sociétaux, le « psychiatre des écrans », quand il n’écrit pas d’essai, s’adonne aux jeux vidéo, regarde des films en accéléré… Et prend aussi le temps d’une bière.

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Pour rattraper ses lacunes en matière de films de science-fiction, Serge Tisseron s’est fait une liste. « Je trouve beaucoup de films trop lents. Je les regarde en vitesse 1,5 en sous-titré et je m’en porte très bien », avoue-t-il, mi-gêné, mi-amusé de sa propre impatience. Le psychiatre assure que Le Transperceneige, film de Bong Joon-ho (2013) dans lequel les seuls survivants de l’humanité sont à bord d’un immense train circulant sur une Terre glacée, ne méritait pas plus d’égards. Explorer le rapport aux images de celui qui a inspiré la méthode « 3-6-9-12 », un programme largement adopté pour une utilisation raisonnée des écrans en famille (la télé, pas avant 3 ans ; la console personnelle, pas avant 6 ans ; Internet, après 9 ans ; les réseaux sociaux, après 12 ans), réserve quelques surprises.

A 74 ans, Serge Tisseron n’est pas sur les réseaux sociaux et se désole ironiquement de laisser encore des messages vocaux sur des répondeurs que personne n’écoute. Mais en cette soirée d’automne, attablé devant un demi de blanche au Café Titon qu’il apprécie, non loin de son domicile du 12e arrondissement de Paris, difficile de décider si le psychiatre multicarte a un temps de retard ou un temps d’avance : il semble avoir toujours voulu saisir l’époque avant même qu’elle ne surgisse, comme il explore aujourd’hui les futurs possibles en pressant sur avance rapide. « Toute ma vie, j’ai eu l’impression qu’on était à l’aube de quelque chose. Il faut juste savoir de quoi. »

Considéré par beaucoup comme le « psychiatre des écrans », il est parfois qualifié d’« acceptologue » pour sa position non diabolisatrice. Son propre rapport à son mobile semble assez distant – « Je laisse les notifications sinon je ne pense pas à regarder » –, mais il avoue avoir cédé aux affres de l’actualité en continu lorsque la Russie a attaqué l’Ukraine, se connectant plusieurs fois par jour, à contre-courant de ses propres préceptes. « Ça me remue énormément. » Et les crises à venir ? « Le moment est terrible, mais j’ai confiance en l’espèce humaine. Elle s’est sortie déjà d’immenses difficultés. » Il cite la peste et la chute de l’Empire romain, et professe : « On n’est qu’au début du surgissement de formes nouvelles d’organisation sociale, pas seulement de nouveautés technologiques, mais de nouvelles manières d’envisager les relations entre les gens. » Et il ajoute : « Il va falloir apprendre à vivre avec l’imprévu. »

Une thèse en BD

Une compétence, soutient-il, que les jeux vidéo nous apprennent. « Quand j’ai entendu des psychiatres parler d’addiction à ces jeux, au début des années 1990, je me suis dit “ils n’ont rien compris”, s’agace-t-il encore aujourd’hui. Mais depuis, leurs algorithmes sont devenus beaucoup plus piégeux. » Il consacre à ce loisir une partie de son temps, « quand la journée est finie, entre 22 heures et 1 heure du matin », et se maudit parfois face à cette nuit de sommeil déjà un peu trop entamée. « Je choisis des jeux de stratégie qui me tiennent en haleine. Je me couche tard pour jouer à Assassin’s Creed ou Age of Empires », dont il prend plaisir à expliquer par le menu la bonne méthode pour réussir en mode expert – le plus dur. Lui ne se connaît pas d’addiction, mais se souvient d’une époque où, enfant, il devait se faire violence pour s’empêcher de dessiner et enfin faire ses devoirs. En 1975, sa thèse de médecine prend d’ailleurs le parti de raconter l’histoire de la psychiatrie en bande dessinée. Son trait est expressif et cartoonesque, les phylactères sont parfois difficiles à suivre, mais la performance est là. Rebelote dix ans plus tard : dans son ouvrage Tintin chez le psychanalyste (Aubier, 1985), il devine dans les albums d’Hergé les indices d’un secret de famille sur la filiation du père du dessinateur. Deux ans plus tard, une enquête journalistique valide son intuition : le père d’Hergé et son frère jumeau sont nés d’un géniteur inconnu et probablement très illustre qui ne les a pas reconnus. Une souffrance dont a hérité l’auteur de BD. Le thème du secret de famille devient dès lors récurrent dans le travail de Serge Tisseron.

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