Cela faisait depuis décembre et la Coupe du monde au Qatar que le monde ne s’était pas autant passionné pour un ballon. Les Etats-Unis et le Canada traquent ce vendredi matin au moins un ballon espion chinois volant à haute altitude depuis plusieurs jours au-dessus de l’Amérique du nord et de sites militaires sensibles. Le Pentagone a d’abord annoncé jeudi soir la présence du ballon dans l’espace aérien des Etats-Unis, avant que le gouvernement canadien affirme quelques heures plus tard enquêter sur «un deuxième incident potentiel».
A la demande du président Joe Biden, le Pentagone a envisagé d’abattre le ballon, mais la décision a été prise de ne pas le faire en raison des risques posés par les débris pour les personnes au sol, a informé un haut responsable américain de la Défense, sous le couvert de l’anonymat. Le ballon est entré dans l’espace aérien des Etats-Unis «il y a environ deux jours» mais le renseignement américain le surveillait déjà, selon cette source, qui a ajouté que ce n’était pas la première fois que l’armée américaine constatait une telle intrusion. Cette fois, cependant, le ballon est resté dans l’espace aérien des Etats-Unis beaucoup plus longtemps. Des avions de chasse se sont approchés de l’engin au-dessus du Montana, selon la même source.
«Nous n’avons aucun doute sur le fait que le ballon provient de la Chine», a-t-il précisé. «Nous prenons des mesures afin de nous protéger contre la collecte d’informations sensibles», a assuré le haut responsable, tout en insistant sur «la valeur ajoutée limitée en termes de collecte d’informations» de l’engin, décrit comme un ballon aux dimensions assez grandes. «Nous avons considéré qu’il était suffisamment gros pour que les débris provoquent des dégâts» s’il était abattu au-dessus une zone habitée, selon la même source.
«Clairement, ce ballon est destiné à la surveillance et sa trajectoire actuelle l’amène au-dessus de sites sensibles» notamment des bases aériennes et des silos de missiles stratégiques, a certifié le premier responsable de la Défense américain, évoquant l’Etat du Montana, dans le nord-ouest des Etats-Unis.
Le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder, a précisé que le commandement de la défense aérospatiale des Etats-Unis et du Canada (Norad) surveillait la trajectoire du ballon. «Le ballon vole actuellement à une altitude bien au-dessus du trafic aérien commercial. Il ne présente pas de menace militaire ou physique pour les personnes au sol», a-t-il souligné dans un communiqué.
«Informations sensibles»
«Les Canadiens sont en sécurité et le Canada prend des mesures pour assurer la sécurité de son espace aérien, y compris la surveillance d’un deuxième incident potentiel», a fait savoir pour sa part le ministère de la Défense du Canada dans un communiqué, sans plus de précisions sur cet éventuel deuxième ballon.
Le Canada n’a pas fait référence à la Chine. «Les agences de renseignement du Canada travaillent avec leurs partenaires américains et continuent de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les informations sensibles du Canada contre les menaces des services de renseignement étrangers», s’est contenté de pointer le ministère.
Washington a évoqué l’affaire avec les autorités chinoises. «Nous leur avons communiqué la gravité de l’incident», a affirmé le responsable américain. «Nous leur avons dit clairement que nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger notre peuple sur notre territoire».
Pékin n’avait pas officiellement réagi ce vendredi en début d’après-midi (heure locale). Mais le journal Global Times, financé par le Parti communiste chinois sans toutefois être un organe officiel, a raillé l’incident. «Le ballon lui-même est une grosse cible», a tweeté le Global Times. «Si des ballons provenant d’autres pays peuvent vraiment pénétrer sans encombre dans le territoire continental américain, ou même entrer dans le ciel au-dessus de certains Etats, cela ne fait que prouver que le système de défense aérienne des Etats-Unis n’est là que pour faire joli et n’est pas digne de confiance», a-t-il ironisé.
#Comment: The balloon itself is a big target. If balloons from other countries could really enter continental US smoothly, or even enter the sky over certain states, it only proves that the US' air defense system is completely a decoration and cannot be trusted. 🧐 https://t.co/vULKDmc8p8 pic.twitter.com/YHJh6wSZIq
— Global Times (@globaltimesnews) February 3, 2023
Le président républicain de la Chambre des représentants américaine, Kevin McCarthy, a dénoncé une «action déstabilisatrice» d’une Chine qui «méprise éhontément la souveraineté des Etats-Unis». Il a appelé Joe Biden à «ne pas rester silencieux».
Un incident qui intervient alors qu’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, doit se rendre en Chine dimanche et lundi. Le déplacement était prévu avant l’incident et doit constituer la première visite dans le pays du chef de la diplomatie américaine depuis octobre 2018, au moment où les deux superpuissances cherchent à éviter que les vives tensions qui les opposent ne dégénèrent en conflit ouvert.
Parmi les nombreux sujets de contentieux figurent Taïwan, que la Chine revendique comme faisant partie intégrante de son territoire, et les activités de la Chine en Asie du Sud-Est. Aux Philippines, le secrétaire américain de la Défense Lloyd Austin a justement signé jeudi des accords visant à y renforcer la présence militaire américaine face à la montée en puissance de la Chine.
