France
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« Un empire de velours », de David Todd : doucereux impérialisme français du XIXᵉ siècle

L’historien détaille les stratégies de domination politiques et économiques, mais non coloniale, de la France, entre 1815 et 1870.

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« Un empire de velours. L’impérialisme informel français au XIXe siècle » (A Velvet Empire. French Informal Imperialism in the Nineteenth Century), de David Todd, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Joseph Felix, La Découverte, « Histoire-monde », 500 p., 24 €, numérique 18 €.

En 1869, à la fin du Second Empire, la production de champagne atteignit 18 millions de bouteilles, contre quelques centaines de milliers avant la révolution de 1789. Plus de quatre bouteilles sur cinq étaient exportées. Toute l’industrie du luxe et du demi-luxe connut, durant la même ­période, une hausse phénoménale de la production, vouée en grande partie à l’exportation. Cette « marchandisation du goût » constitua l’un des piliers de l’« impérialisme informel français » au cœur du XIXe siècle, que l’historien David Todd analyse dans un livre stimulant, Un empire de velours. « Informel », parce qu’il ne consiste pas en la conquête armée de territoires, comme ce sera le cas, après 1870, au cours de la grande phase de colonisation européenne, mais prend des formes plus douces, sinon doucereuses, de domination.

Là où l’historiographie a tendance à voir un repli sur soi de la France entre la perte de son premier domaine colonial, presque entièrement liquidé en 1815, et la constitution de son second domaine colonial en Afrique et en Asie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, David Todd voit, au contraire, le choix rationnel, mais aussi cynique, d’un soft power moins coûteux et très efficace. Celui-ci consiste à peser sur la destinée d’autres Etats en les rendant économiquement dépendants par l’emprunt, à déployer une stratégie commerciale ambitieuse d’exportation, à protéger ses ressortissants expatriés grâce à des statuts juridiques avantageux, à s’imposer comme un modèle culturel, celui du bon goût, de l’élégance et des plaisirs.

Une relecture du XIXe siècle

David Todd livre dès lors une passionnante relecture du siècle, qui en complète d’autres, politiques – l’historiographie a montré que ces mêmes années 1815-1870 ont constitué un laboratoire très riche d’expérimentations – et économiques – puisque l’idée d’un « retard français » en matière industrielle par rapport à la Grande-Bretagne victorienne est aujourd’hui nuancée, voire remise en cause. De la même manière, il démontre que la France a participé à la mondialisation du XIXe siècle, aussi vigoureusement que la Grande-Bretagne, et souvent de concert avec elle.

Pour nous en convaincre, il lit Talleyrand et les saint-simoniens, parcourt des livres de comptes, s’intéresse à des contentieux économico-diplomatiques au cours desquels la France a imposé sa loi à des Etats plus faibles, en Haïti comme en Egypte. Son analyse de la colonisation de l’Algérie dans les années 1840, comme échec d’une stratégie préalable de domination informelle, est très intéressante. Tout à sa démonstration, David Todd généralise ­cependant parfois à l’excès, car il cherche à tout prix des effets de cohérence. Ainsi, le fait d’induire du caractère monarchique de la plupart des régimes politiques de la France entre 1815 et 1870 l’idée que cet impérialisme informel ­serait conservateur dans ses objectifs et dans ses formes demanderait de plus vastes discussions.

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