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Un legs de 5 millions d'euros échappe aux musées de Strasbourg en raison de la politique municipale

Après avoir jugé mauvaises les conditions de conservation des œuvres et en réaction à l'annonce de la fermeture des musées de la ville deux jours par semaine, une généreuse donatrice renonce à sa donation. Elle s'en explique au Figaro.

Ce jeudi 29 septembre, au téléphone avec le Figaro, Marie-Claire Ballabio parle d'une voix ferme et indignée. «J'avais l'intention de donner mes oeuvres au Palais Rohan à Strasbourg, un endroit merveilleux. Mais les conditions de conservation ne sont plus optimales. Cet été, on m'a rapporté des températures très élevées. J'en ai fait part à la mairie qui a parlé d'un phénomène d'inertie.» Et la généreuse donatrice d'asséner : «La mairie n'entend pas raison alors je les quitte. Les fermetures des musées sont une raison de plus : on sait que les gens qui travaillent vont au musée entre midi et deux. Il y a eu tromperie, on m'a caché des choses. Je donne des œuvres pour qu'elles soient vues, pas pour qu'elles soient prises en otage.»

À Strasbourg, la rumeur veut que le leg soit finalement offert à la ville de Montpellier. Elle dément : «Mon héritage ira effectivement à un autre musée de mon choix. J'ai rédigé un testament en ce sens, je sais où cela ira mais je ne le dirai pas.»

Après avoir fait une première donation de collections de peintures et de dessins anciens aux musées de Strasbourg en 2019, estimée à cinq millions d'euros, l'amatrice d'art, âgée de 79 ans, a donc fait biffer de son testament lundi la capitale alsacienne. Une information révélée par La Tribune de l'Art .

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La septuagénaire, qui a fait carrière dans les assurances, comptait céder sa demeure au bord de l'Atlantique et des terrains à Rambouillet aux musées de Strasbourg.

Bertrand Gillig, président de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg est catastrophé : «Ce que nous craignons vient de se produire. Nous avions dit que prendre ces mesures en vue de réduire l'accès aux musées allait doucher les potentiels mécènes. Quelle catastrophe pour notre ville !»

Pour Alain Fontanel ancien premier adjoint des finances et de la culture à Strasbourg et élu Renaissance, «c'est une seconde perte majeur sur le plan culturel après le Centre européen du dessin de presse. L'enfermement partisan et idéologique de l'équipe de la maire EELV fait beaucoup de mal à la ville de Strasbourg». Pierre Jakubowicz élu Horizon renchérit : «Cela nous montre à quel point Strasbourg se distingue des autres grandes villes Françaises. Au Conseil Municipal, la maire nous a dit que la crise concernait la France entière. On devrait donc avoir des centaines de fermetures de musées or il n'y en a que chez nous. Strasbourg est bien la seule ville à faire de la culture sa première variable d'ajustement budgétaire.»

Quant à l'ancien maire Roland Ries, 77 ans, sorti de la politique le 4 juillet 2020 après 37 ans de mandats électifs à la ville de Strasbourg, il écrit sur son compte Facebook : «Je suppose que Mme Barseghian a conscience du mauvais pas dans lequel elle s'est fourvoyée toute seule mais au lieu d'avoir l'humilité de reconnaitre son erreur, elle persiste et signe en incriminant son prédécesseur,moi-même- qui d'évidence, n'a aucune responsabilité dans cette décision qu'elle a prise souverainement.»

Marie-Claire Ballabio ce affirme avoir pris sa décision avant l'annonce début septembre de la fermeture des huit musées de la ville deux jours par semaine et entre 13H00 et 14H00, pour faire des économies de personnel.

À regarder le très houleux conseil municipal de lundi 27 septembre, la décision de la maire EELV de fermer les musées dès le 3 octobre prochain et de réduire les subventions des grandes institutions culturelles de la ville pour les redistribuer aux pratiques amateurs et aux spectacles de rue ne passe pas. Localement, la maire Jeanne Barseghian ne serait plus soutenue que par un groupe de gens du milieu de la culture. Ces derniers critiquent certes la fermeture des musées mais serrent les rangs autour de la maire au nom de l'urgence climatique supérieure.

Au niveau national, l'émoi est unanime. À Paris, la ministre de la culture Rima Abdul-Malak a été très ferme, lundi 27 septembre. Pour elle, les décisions politiques prises à Strasbourg sont l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Et d'insister : «Surtout, quand on drape cette solution dans la vertu de la sobriété énergétique, alors qu'il ne s'agit en réalité que de la difficulté à faire des choix en matière budgétaire.» Jack Lang, éternel ministre de la Culture, président de l'Institut du Monde arabe et dont une partie de la famille vient d'Alsace s'en est mêlé lui aussi par un tweet, suivi d'un communiqué. Il s'agit selon lui d'«une décision totalement injustifiée, indigne d'une grande capitale régionale et européenne.» Avant d'ajouter : «Il faut faire des économies mais pourquoi commencer par les musées ? Préservons le savoir, la culture, l'éducation, ce qui nous élève et apporte de la joie.» De son côté, après ses déclarations au Figaro (lire nos éditions de lundi 27 septembre), la maire Jeanne Barseghian a de nouveau défendu son action et réfutée «toute idée de déclin de Strasbourg» dans les colonnes des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA), le grand quotidien régional. Au vu des réactions lourdes de conséquences comme celle de Marie-Claire Ballabio, pas sûr que cela suffise.