France
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«Un petit frère» coupé du monde

Quel beau portrait de femme livre l’ouverture d’Un petit frère, deuxième long-métrage de Léonor Serraille, en compétition au Festival de Cannes l’an dernier (la cinéaste y avait déjà reçu, en 2017, la caméra d’or pour Jeune fille). Rose (formidable Annabelle Lengronne) arrive de Côte-d’Ivoire dans la France de 1989, ses deux jeunes fils sous le bras, et s’installe chez des proches en banlieue parisienne. Bien décidée à profiter de cette nouvelle liberté (une voix off un peu maladroite, celle d’un des fils, explique qu’elle n’ouvrira pas «ses valises pleines de douleur», et nous ne saurons rien de ce qui a précédé), Rose, donc, papillonne de-ci de-là, boudant l’homme raisonnable qu’on lui présente («C’est ton vrai nom Jules César ?», pouffe-t-elle), préférant s’amouracher d’un ouvrier du bâtiment tunisien qui travaille posté sur le toit en face de l’hôtel où elle est engagée comme femme de chambre. Il faut la voir alanguie sur le tapis du salon, dans l’appartement où elle est hébergée, gober des chocolats au retour d’une nuit de fête pour s’enticher résolument de ce personnage, à qui la comédienne prête un entêtement joyeux, une gaîté résolue, en totale contradiction avec la gravité de son entourage. On attend avec avidité que soit révélé ce que la vie lui réserve, et comment elle s’en débrouillera.

Las ! Ce n’est pas le programme d’Un petit frère qui, lancé sur des rails moins allègres et tout occupé à écrire une grande fresque familiale, choisit de dérouler ensuite deux autres «chapitres» consacrés aux deux fils. Le problème est que Rose y disparaît presque entièrement, comme si le film la punissait d’y avoir pris ses aises, et que les deux frères ploient sous le poids des intentions du scénario. Jean, auquel le néanmoins convaincant Stéphane Bak prête ses traits, est le frère aîné, écrasé par les attentes qui pèsent sur ses épaules – être le meilleur, ne pas se plaindre, tel qu’annoncé en partie 1. Ernest, le cadet (Ahmed Sylla, qui fait ce qu’il peut avec un rôle tout juste esquissé) tire son épingle du jeu, comme généralement les cadets. Voilà à peu près ce que l’on peut en dire, les étapes de son parcours étant laissées à notre imagination. Le film souffre de cet excès de démonstration, alors qu’étrangement, le hors-champ de la France des années 90 n’y apparaît souvent que comme un après-coup, peinant à trouver sa place dans une construction dont il est, pourtant, une pièce importante.

Un petit frère de Léonor Serraille, avec Annabelle Lengronne, Stéphane Bak et Ahmed Sylla ... (1h56).