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Une étude donne un coup de sabot dans l’histoire officielle du cheval des plaines américaines

Les manuels sur l’histoire des Amériques vont certainement avoir besoin d’une réédition. En tout cas un bon coup de dépoussiérage sur la partie qui concerne les indigènes amérindiens et leurs relations avec les chevaux. Selon les diverses chroniques établies par les Européens, les premiers contacts entre les équidés et les peuples autochtones dateraient de la révolte des Pueblos, en 1680.

Un récit auquel les Comanches, Lakota ou Pawnee n’ont jamais adhéré. Car pour eux, comme le rappelle le chef Joe American Horse, chef de l’Oglala Lakota Oyate, « les chevaux font partie de nous depuis bien avant que d’autres cultures ne viennent sur nos terres, et nous faisons partie d’eux ». Ce membre éminent de la communauté amérindienne a cosigné avec 87 scientifiques un article qui vient de paraître dans la très prestigieuse revue Science. Cette étude bat en brèche un pan de cette histoire des plaines américaines que certains tenaient pour acquis.

Déjà là en 1600 mais toujours d’origine ibérique

Grâce à des fossiles d’animaux dont l’ADN, fascinante machine à remonter le temps, ces chercheurs ont pu démontrer que le cheval était bien présent dans l’Ouest américain dès le début du XVIe siècle. « Le modèle, tel qu’il est consensuellement admis sauf par certains des peuples indigènes, c’est de dire qu’au moment de la révolte des Pueblos le peuple amérindien prend la main littéralement sur leurs chevaux. Nous avons daté des restes archéologiques de chevaux, associés à des contextes natifs amérindiens, au carbone 14 vers 1600. Cela veut dire qu’on doit avancer le contact entre le cheval et les Amérindiens d’un siècle à peu près, C’est important parce que cela montre la limite de l’approche historique quand il y a un génocide impliqué, quand il y a une colonisation », indique Ludovic Orlando du Centre d’anthropologie et de génomique (CNRS-UT3) de Toulouse.

A portrait of the possible future. In Toulouse 2 days ago, French geneticist @LudovicLorlando and Lakota researcher Yvette Running Horse Collin discuss the results of their collaboration--a model, maybe, of how to end decades of distrust between geneticists and indigenous people. pic.twitter.com/inMKsaCoJV

— 𝙲𝚑𝚊𝚛𝚕𝚎𝚜 𝙲. 𝙼𝚊𝚗𝚗 (@CharlesCMann) March 30, 2023

Depuis plus d’une dizaine d’années, avec son équipe de généticiens, il a séquencé l’ADN de plus d’un millier de chevaux ayant vécu aux quatre coins de la planète, qu’ils soient contemporains ou vieux de 12.000 ans. Grâce à la molécule, qui ne ment jamais et ne souffre pas des torsions faites à l’histoire, il a réussi ainsi à démontrer en 2018 que le cheval de Przewalski que l’on pensait être le dernier survivant à la domestication a en fait quitté la vie sauvage il y a 5.500 ans.

Une petite révolution, à l’époque, qui a poussé certains spécialistes à montrer sur leurs grands chevaux. Une voix qui dénotait mais qui a convaincu par contre Yvette Running Horse Collin, doctorante issue de la communauté Lakoda, de s’adresser à lui. C’est ainsi qu’est né ce projet sur l’histoire du cheval des plaines américaines, à la croisée entre scientifiques du monde occidental et nations indigènes, de part et d’autre de l’Atlantique.

L’impact de la colonisation, même sur l’ADN animal

« La science archéologique présentée dans notre recherche illustre tous les bienfaits qu’il y a à développer des partenariats de collaboration sincères et équitables avec les communautés indigènes », insiste Carlton Shield Chief Gover, archéologue Pawnee et coauteur de l’étude qui laisse encore des questions en suspens.

Car s’ils ont découvert que le cheval était bien un compagnon des peuples autochtones en 1600, le séquençage a montré que ces chevaux du début du XVIIe siècle n’avaient pas été ramenés par les Vikings au XIe siècle, ils n’étaient pas non plus en Amérique depuis tout temps. Mais ils sont bien d’ascendance ibérique. Alors comment sont-ils arrivés là ? Depuis quand ?

S’il faudra attendre que de nouveaux fossiles puissent apporter un début de réponse sur la date de leur présence dans les plaines américaines, une chose est par contre certaine.
Une fois arrivés, comme les hommes, la colonisation ne les a pas épargnés. Les équipes de scientifiques ont en effet aussi séquencé les chevaux des peuples indigènes aujourd’hui et en plus de leur ascendance ibérique, on trouve désormais des traces anglaises. « C’est assez saisissant de se rendre compte que la colonisation n’a pas fait qu’impacter les humains, les ''génocider'' et soumettre. Elle s’est inscrite en remaniant, en réécrivant le patrimoine génétique de leur animal fétiche. La colonisation, ce n’est pas qu’une affaire d’homme à homme, c’est une affaire d’humains à environnement », conclut Ludovic Orlando. Un nouveau cheval de bataille en perspective.