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Une fusion d'étoiles à neutrons intrigue les astrophysiciens

Le signal n’a duré que 50 secondes, mais il n’a pas fini de faire parler de lui. Il s’agit d’un sursaut gamma (ou GRB pour "Gamma Ray Burst" en anglais), un flash de lumière très énergétique. Il a été détecté le 11 décembre 2021 par le télescope spatial Swift, spécialisé dans la traque des GRB. "GRB 211211A" a jailli d’une galaxie située à 1,1 milliard d’années-lumière de nous. C’est un sursaut long, en comparaison des sursauts courts qui ne dépassent pas deux secondes. Mais selon une étude menée par la Northwestern University (Etats-Unis), et publiée dans la revue Nature mercredi 7 décembre 2022, ce sursaut long a toutes les caractéristiques d’un court. Ce qui laissent forcément les astrophysiciens un peu perplexes…

Les sursauts gammas témoignent toujours d'événements d'une violence extrême

Qu’ils soient longs ou courts, les GRB témoignent toujours d’événements d’une violence extrême. Ainsi, les GRB longs sont émis lors de l’effondrement d’une étoile massive sur elle-même pour former un trou noir. Les courts sont associés à la fusion d’étoiles à neutrons, donnant là encore un trou noir. Mais GRB 211211A bouscule cette classification : il résulterait de la fusion de deux étoiles à neutrons… "Pour comprendre comment les auteurs de la publication en sont arrivés à cette conclusion, il faut savoir que la durée d’émission des rayons gamma n’est pas la seule information dont nous disposons pour remonter à leur origine, explique à Sciences et Avenir Frédéric Daigne, de l’Institut d'Astrophysique de Paris (IAP) et spécialiste de l’origine des sursauts gammas. Il y a aussi leur localisation. S’il s’agit de l’effondrement d’une étoile massive, on s’attend à les trouver dans les régions centrales de galaxies jeunes, qui forment beaucoup d’étoiles massives qui meurent très rapidement, du fait de leur masse. En revanche, la fusion de deux étoiles à neutrons peut se produire un peu n’importe où. Car elle intervient souvent des centaines de millions d’années après la formation du couple d’étoiles à neutrons. Il a pu migrer n’importe où dans sa galaxie hôte avant de fusionner, y compris dans des régions très pauvres en étoiles. C’est le cas de GRB211211A qui est apparu à la périphérie de sa galaxie hôte."

Cette localisation hétérodoxe est donc le premier indice que quelque chose ne colle pas avec ce sursaut long. En voici un deuxième, plus troublant encore : lorsque les sursauts gamma sont relativement proches de nous, comme c’est le cas ici, il est possible d’observer d’autres rayonnements associés à l’événement, et explicitant son origine, comme la lumière éclatante d’une supernova, l’explosion d’une étoile massive arrivée en fin de vie. "Or aucune supernova n’a été vue par Swift dans la foulée de GRB211211A. En revanche, les équipes ont trouvé la trace d’un rayonnement dans le domaine visible et infrarouge qui est typique de l’émission d’une « kilonova ». Ces phénomènes lumineux sont produits par de la matière éjectée après la fusion entre deux étoiles à neutrons."

Mieux comprendre l'origine de l'or

GRB211211A semble donc bel et bien la manifestation de la fusion de deux étoiles à neutrons. Il reste à comprendre comment ce phénomène a pu déboucher sur un sursaut aussi long ? Que ce soit l’effondrement d’une étoile massive ou bien une fusion d’étoiles à neutrons, le GRB associé provient toujours de l’interaction entre le trou noir et la matière présente autour de lui. Il est émis dans la foulée d’un puissant jet de particules éjectées à la vitesse de la lumière au moment de la formation du trou noir. "Or la durée de vie de ces jets dépend de la quantité de matière dans l'environnement du trou noir. Dans le cas d’une fusion d’étoiles à neutrons, le trou noir formé est plus petit, la quantité de matière est plus faible et la durée pour qu’elle finisse par être avalée par le trou noir est plus courte que dans le cas de l’effondrement d’une étoile massive…"

Voilà pourquoi on s’attend à des sursauts courts. Il y a toutefois des hypothèses pour changer ces signaux courts en longs. Par exemple, on peut imaginer que lorsque les deux astres entrent en collision, une partie de la matière est immédiatement éjectée, et une autre est expédiée à grande distance, mais pas assez loin pour échapper à l'attraction du trou noir. Elle finit par retomber, réalimentant le trou noir en matière et permettant une nouvelle éjection. "C’est un scénario possible, mais d’autres vont sûrement suivre dans les mois à venir du côté des spécialistes de la modélisation. Et ce d’autant plus que les auteurs de la publication ont estimé, à partir des archives de Swift, que ces sursauts longs atypiques pourraient représenter 10 % des sursauts longs. C’est un chiffre à prendre avec précaution, mais cela signifie que ce n’est pas un événement isolé." Le sujet est d’autant plus important que la fusion d’étoiles à neutrons constitue peut-être la source principale des éléments les plus lourds dans l’Univers, tels que l’or...