France
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« Une heure de ferveur » de Muriel Barbery : ma fille, cette inconnue

Une heure de ferveur

De Muriel Barbery

Actes Sud, 256 p., 20,80 €

En 2020, Muriel Barbery publiait Une rose seule dans laquelle une jeune Française, Rose Arden, découvrait le Japon après la mort de son père Haru Ueno, un riche marchand d’art. Sans l’avoir connu, elle suivait le chemin initiatique, de jardins zens en temples bouddhistes, qu’il avait conçu pour elle à Kyoto au terme duquel lui était révélé le testament. Surgissaient autour de Rose les proches d’Haru qui, chacun à sa manière, levaient un coin du voile sur leur ami et leur culture. Avec Une heure de ferveur, l’écrivaine en livre le préquel sans qu’il soit nécessaire pour prendre plaisir à sa lecture d’avoir lu le précédent.

A l’heure de sa mort, Haru se dit que sa vie a tenu à trois fils : l’art, l’amitié et Rose, sa fille qu’il n’a jamais rencontrée. Fils d’un modeste brasseur de saké des montagnes, il a un talent exceptionnel pour voir la beauté, bâtir la renommée d’autrui et charmer toutes et tous. Entre lui et Keisuke Shibata, un artiste potier, grandit au fil des décennies un lien à l’épreuve de tous les obstacles de l’existence.

Paternité interdite

Pourtant, Haru ne lui révèle pas son secret. Il a eu une brève liaison avec Maud Arden, une Française aussi froide que sa chevelure est incendiaire, dont il a appris la grossesse une fois repartie en France. « Il n’a aucun doute que l’enfant est de lui et aucun doute non plus que ce sera une fille. En une fois, il se découvre père désirant l’être – père sans famille d’une enfant étrangère – et il en est bouleversé en même temps qu’il l’accueille. » Dans une lettre, il propose à Maud son soutien. « Quelques semaines s’étirent dans la brume et, enfin, Haru reçoit une réponse : L’enfant est de toi. Si tu cherches à me voir ou à le voir, je me tue. Pardonne-moi. »

Avec une délicatesse identique, Muriel Barbery revient à la source d’Une rose seule. Dans un Japon épris de ses formes artistiques traditionnelles, elle dépeint un petit monde cosmopolite uni par un sens aigu de la beauté et des amitiés indéfectibles. En son épicentre, Haru vit dans une solitude absolue sa paternité interdite. A défaut de mots, il obtient des images de Rose, des photos volées d’elle, de sa mère éteinte et de sa grand-mère souriante chez qui elles s’installent en Touraine. Au fil des années, la fillette grandit et les sentiments d’Haru se métamorphosent, entre frustration et plénitude, joie et mélancolie. Dans ce récit lent émaillé de contes anciens et de haïkus, Muriel Barbery immerge ses lecteurs dans un certain Japon, de puissantes réflexions sur la vie et sur le sens que peut donner à l’existence la paternité, même plus fantasmée que vécue.