France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Une journée fasciste » ou comment les Freinet ont fait école

L’historienne Laurence De Cock se penche sur la vie de ce couple d’enseignants qui s’essaie à de nouvelles pédagogies et doit se battre contre l’extrême droite avant de pouvoir développer sa méthode et trouver encore d’autres moyens d’inclure tous les élèves.

Article réservé aux abonnés

Livre. Tout commence par une image sidérante : celle d’un instituteur sortant dans la cour de l’école, revolver au poing, jurant de défendre ses élèves jusqu’au bout. Nous sommes le 24 avril 1933 à Saint-Paul-de-Vence (Alpes Maritimes). Célestin Freinet, instituteur déjà célèbre pour ses innovations pédagogiques, est à bout de nerfs. Une partie des habitants organisent depuis plusieurs semaines une campagne de dénigrement contre lui qui culmine, ce jour-là, par une manifestation sous les fenêtres de l’école communale.

Une journée fasciste, de l’historienne Laurence De Cock, revient sur l’acmé de « l’affaire Freinet », qui sera débattue jusqu’à l’Assemblée nationale. A Saint-Paul-de-Vence, raconte-t-elle, les tensions sont attisées par le maire, proche des ligues d’extrême droite, et par les services de police et de renseignement. Tous voient en Célestin Freinet et en sa femme Elise de dangereux bolcheviks qui veulent endoctriner les enfants.

Peu après cet épisode, Célestin et Elise Freinet ouvriront leur propre école privée. Un lieu dédié aux « fils du peuple », où ils continueront de développer leur pédagogie, imprégnée de leurs convictions politiques. Le bras de fer administratif se poursuivra jusqu’à l’arrivée au pouvoir en 1936 du Front Populaire et d’un ministre de l’éducation, Jean Zay (1904-1944), qui fait très vite adopter des réformes inspirées de « l’éducation nouvelle » dans laquelle s’inscrit le couple Freinet.

Une école émancipatrice

Que nous raconte aujourd’hui l’histoire de ces deux enseignants proches du communisme et du syndicalisme révolutionnaire ? D’abord, que la pédagogie est une affaire politique et que l’institution a toujours eu du mal à l’admettre, en vertu d’une « neutralité » de l’école que les instituteurs militants, comme le couple Freinet, n’ont cessé de questionner. L’autoritarisme du maître et la répétition des exercices en vigueur depuis Jules Ferry, dénonce par exemple Célestin, conviennent aux classes bourgeoises. Ces méthodes ne fonctionnent pas avec les enfants pauvres, qui arrivent fatigués, en ayant peu ou mal mangé. Les outils d’apprentissage développés par le couple, qui passent par la collaboration et l’enquête, sont, défendent-ils, plus adaptés pour qui veut inventer une école émancipatrice pour tous.

Le lecteur trouvera aussi dans cet ouvrage le portrait nuancé – donc émouvant – d’un instituteur engagé, de ceux qui ne laissent rien passer et exaspèrent les hiérarchies, à multiplier les courriers pour dénoncer telle ou telle défaillance, au nom de la dignité de l’école publique. Un homme volontiers procédurier, parfois hautain, voire colérique et même opportuniste – lorsque, interné sous Vichy, il mendiera sa libération dans des courriers au maréchal Pétain, avant de s’engager dans la résistance. Mais qui ne cessera d’essayer, de tâtonner, de faire circuler ses découvertes et d’imaginer des supports nouveaux (l’imprimerie ! le cinéma !) pour que l’école devienne enfin un lieu de liberté, et de joie.

Il vous reste 3.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

Découvrir les offres multicomptes
  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.