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«Une vie difficile» : l’Italie pas jolie sous l’œil de Dino Risi

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Qu’est-on prêt à sacrifier pour ne pas faire le deuil de ses rêves ? Ça aurait pu s’appeler «Illusions perdues», ou encore «l’Envers du miracle italien» – ce moment où, tournant le dos aux années de privation, le pays euphorique se convertissait au consumérisme florissant du boom économique. Mais Dino Risi optera pour la frontalité paradoxale d’Une vie difficile (1961), comme un écho à la Dolce Vita de Federico Fellini, qui l’année précédente, plantait déjà ses crocs aux flancs grêles d’un système dont on devinait la pourriture et l’implacable vacuité sous l’élégance baroque.

Et c’est peu dire que l’existence du pauvre Silvio Magnozzi (Alberto Sordi au zénith de son génie), dont on suit le parcours chaotique de la fin de la guerre à l’orée des années 60, n’a rien d’une sinécure. Pauvreté, échecs, humiliations successives et même prison… Rien en lui sera épargné. Comme si l’époque amnésique, pressée de solder les années les plus sombres de son histoire, faisait payer au petit journaliste traîne-misère son passé de partisan antifasciste, son intégrité et son désir aveugle de rester vaille que vaille fidèle à ses idéaux, quitte à mettre en péril son couple et la stabilité économique de sa famille. Comme si son refus intransigeant de toute compromission – à laquelle il finira toutefois par céder pour garder son épouse – était la fausse note qui perturbait l’image harmonieuse et la béatitude frelatée d’une Italie prospère mais corrompue, que l’œil acéré de Risi étudie au scalpel. Comédie politique et drame désenchanté où le rire grinçant tutoie la mélancolie, un film immense, sidérant, auquel Jean-Baptiste Thoret offre un écrin éblouissant (copie splendide, bonus, comme toujours, excellents).

Une vie difficile de Dino Risi, Coffret 2 Blu-ray. Studiocanal, Collection «Make my Day» de Jean-Baptiste Thoret. 24, 90 euros.