France
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Visites mémorielles, formations, testing… ce que contient le plan du gouvernement contre le racisme et l’antisémitisme

Un «ensemble de mesures fortes» pour lutter contre «une haine qui sait se réinventer». Ce lundi matin, dans les sous-sols de l’Institut du monde arabe à Paris, Elisabeth Borne est venue présenter, aux côtés d’une dizaine de ministres et de représentants d’associations, un plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Elaboré de concert avec une trentaine d’acteurs de la société civile (associations, lieux de mémoire…) et institutions indépendantes (Arcom, Défenseuse des droits…), il se veut le prolongement de celui présenté en 2018 par Edouard Philippe, avec des objectifs plus avancés, pour la période 2023-2026.

Concrètement, le gouvernement présente 80 mesures qui devront être déployées rapidement dans toute la France, divisée en cinq grands axes, allant du fait de nommer la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations et de mesurer son impact à un travail de formation, d’éducation, d’accompagnement et de sanctions. Un paquet de mesures qui «ne sont pas symboliques» mais «établies à partir et sur des avancées concrètes», assure Isabelle Rome, la ministre chargée de l’Egalité, qui a piloté le plan. Des dispositifs particuliers seront présentés dans les prochains mois en faveur de l’égalité femmes-hommes et des personnes LGBT, pas concernées par ce plan, selon le Parisien.

«Pour se rendre compte, il faut voir par soi-même»

Parmi les mesures phares annoncées lundi, un accent particulier est mis sur l’éducation, avec notamment l’instauration d’une visite obligatoire dans un lieu mémoriel pour tous les élèves durant leur scolarité. «Pour se rendre compte, il faut voir par soi-même, plaide Elisabeth Borne. C’est dès le plus jeune âge que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations se joue. C’est dans notre jeunesse que les théories du complot foisonnent. C’est en faisant savoir qu’on empêche l’histoire de bégayer.»

En parallèle, une journée de formation sera obligatoire pour tous les enseignants et personnels des établissements scolaires tous les cinq ans afin de «faire face aux préjugés et développer les bons réflexes en cas d’incident». Un dispositif similaire doit être mis en place pour les agents de la fonction publique, les encadrants sportifs ou encore pour les 45 000 bénévoles des Jeux olympiques 2024.

Pour prendre conscience de l’ampleur du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations, plusieurs outils ont été présentés. Parmi eux, un «testing renforcé» concernant les discriminations à l’embauche ou encore dans l’accès au logement. «Il n’y a pas d’outil magique», concède Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, mais «le testing est important» : «En général, les victimes savent quand elles sont victimes d’un délit. Quand on se fait voler sa voiture ou agresser, on le sait. Quand on est discriminé, on peut ne pas le savoir ou n’avoir qu’un sentiment dont on ne sait pas s’il est conforme à la réalité. Le testing est un début de solution pour révéler le réel et ensuite agir.» Poursuivant ce même objectif, des questions concernant les actes racistes ou antisémites vécus doivent aussi être ajoutées dans les enquêtes annuelles réalisées par le ministère de l’Intérieur, celui de l’Education nationale, de l’Observatoire de la vie étudiante et de l’Union nationale du sport scolaire.

Un dépôt de plainte facilité

Alors que «1,2 million de personnes subissent chaque année des discriminations racistes ou antisémites», comme l’a rappelé Isabelle Rome, pourtant très peu d’auteurs sont condamnés. En 2021, seules 7 721 affaires à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ont fait l’objet d’une suite judiciaire. Pour y remédier, le gouvernement souhaite mieux accompagner les victimes, notamment en facilitant le dépôt de plainte, via une anonymisation partielle ou le dépôt hors des commissariats et gendarmeries. Par ailleurs, le dispositif Pharos – qui permet de signaler les faits illicites sur Internet – doit être renforcé et des mandats d’arrêt pourront être émis contre les auteurs de discours racistes en ligne.

«Les haineux se planquent derrière la loi totémique de 1881 qui régit la liberté de la presse. On veut qu’ils puissent être jugés en comparution immédiate plutôt que d’attendre un an ou deux tranquillement lovés et cachés derrière cette loi faite pour les journalistes», dénonce Eric Dupond-Moretti. Le ministre de la Justice tacle au passage l’extrême droite en notant que «ces fléaux sont partout, parfois même à l’Assemblée nationale». Enfin, une peine aggravée doit être prévue en cas d’injure raciste non publique commise par un dépositaire de l’autorité publique.

Absence de mesure sur le contrôle au faciès

Dans ce paquet de mesures consensuelles, on peut malgré tout noter l’absence de l’évocation du contrôle au faciès, regrettée par plusieurs associations et par la Défenseuse des droits, Claire Hédon. «Le contrôle au faciès est un phénomène extrêmement enkysté en France, mais le ministère de l’Intérieur est bloquant sur le sujet, ça fait déjà des années que cela dure, dénonce Dominique Sopo à Libération dans la foulée de la présentation. C’est un angle mort qui est problématique non seulement dans le quotidien de certains, mais aussi pour la crédibilité de l’Etat qui semble avoir du mal à se regarder en face. Nous avions demandé que des mesures sur ce sujet soient intégrées au plan.» Gérald Darmanin était absent de l’aréopage de ministres mobilisés.

Aucun montant, ni durant l’heure et demie qu’a duré la présentation ni dans les documents le détaillant transmis à la presse, n’a été annoncé pour que toutes ces mesures puissent voir le jour. Au Parisien, Isabelle Rome a tout juste évoqué le chiffre de 40 millions d’euros pour une première vague de formations de 731 000 agents dès cette année. Rien pour le reste, si ce n’est que chaque ministère s’engage… à s’engager.

Pour s’assurer que ces engagements soient tenus, «un suivi extrêmement scrupuleux» sera malgré tout mis en place, a assuré la ministre de l’Egalité. Les acteurs concernés doivent se réunir sous son autorité une fois par semestre et un rapport d’étape sera rédigé en 2025. La Commission nationale consultative des droits de l’homme doit par ailleurs évaluer la mise en place du plan chaque année.