VOD de la semaine — « The Balcony Movie » de Pawel Lozinski

Le documentariste Pawel Lozinski est féru des dispositifs et des sujets un peu singuliers. En 2009, il montre les réactions de patients malades du cancer au moment où ils subissent une chimiothérapie (« Chemia »). Un regard presque religieux sur la maladie. Dans « The Balcony movie », comme le titre l’indique, il filme les passants depuis son balcon. Le principe avait déjà été initié dans « Tishe ! » par le Russe Viktor Kossakovski, qui avait braqué sa caméra sur la rue pendant un an, de la fenêtre de son appartement de Saint Pétersbourg. Mais « Tishe » signifie silence et ce documentaire était dénué de paroles. Dans « The Balcony Movie » c’est le contraire. Invisible derrière sa caméra, Pawel Lozinski interpelle les gens, discute avec eux et devient presque l’ami de certains d’entre eux. Notamment cet homme sorti de prison qui revient à plusieurs reprises, auquel le cinéaste offre une chemise pour qu’il puisse faire des photos d’identité. Une mini-comédie humaine finit par se dessiner en filigrane sur un petit bout de trottoir, où tous les sujets sont abordés et discutés par les passants qui, tout compte fait, se livrent assez facilement : divorces, deuils, naissances, travail, famille, tout y passe. Certains de ces interlocuteurs sont éphémères, d’autres deviennent des familiers, comme cette vieille dame, sorte de gardienne d’immeuble, qui entretient les allées du quartier. On la voit balayer les feuilles, la neige, ou bien tondre les pelouses. Ainsi se forme une communauté provisoire autour du balcon et de la caméra. Du dispositif a priori arbitraire, il résulte une vraie fascination pour ces personnages scrutés de haut, en rejoignant par son principe « Fenêtre sur cour ». Quand on reproche à un film d’être voyeuriste, on oublie souvent que c’est l’essence du cinéma. Et, comme le remarque justement un passant, ici il y aurait justement matière à une fiction, qui prolongerait ou renouvellerait le thème du thriller de Hitchcock. Il suffirait d’introduire un indice, un mystère, reliant quelques uns de ces citadins polonais, et de là pourrait découler une intrigue plus ou moins sophistiquée. Regarder des anonymes défiler à la queue leu leu suffit déjà à échafauder l’embryon d’une fiction.