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Voyage au pays de l’enfance avec Aya

Voyage au pays de l’enfance avec Aya
Marguerite Abouet a grandi mais elle garde au fond d’elle Akissi d’Abidjan, l’une des héroïnes de l’expo du quartier jeunesse aux Chais Magelis.

Photo Julie Desbois

Par Christelle LASAIRES - ch.lasaires@charentelibre.fr, publié le 27 janvier 2023 à 19h01.

Le quartier jeunesse a grandi. Marguerite Abouet propose un voyage dans le quartier de son enfance, dans sa culture et son univers malicieux. Une expo dépaysante. A faire aussi, des animations avec les enfants.

J’ai l’impression d’être de retour à Yopougon. » Au milieu de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’à demain dimanche, au quartier jeunesse des Chais Magelis, Marguerite Abouet fait visiter le quartier d’Abidjan où elle a grandi et qui lui a inspiré ses deux personnages Aya et Akissi. « J’aurais voulu être Aya, mais elle est trop parfaite, c’est plutôt ma mère, indépendante, humaine, tolérante, toute jolie, qui travaillait dans le quartier des affaires (elle...

J’ai l’impression d’être de retour à Yopougon. » Au milieu de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’à demain dimanche, au quartier jeunesse des Chais Magelis, Marguerite Abouet fait visiter le quartier d’Abidjan où elle a grandi et qui lui a inspiré ses deux personnages Aya et Akissi. « J’aurais voulu être Aya, mais elle est trop parfaite, c’est plutôt ma mère, indépendante, humaine, tolérante, toute jolie, qui travaillait dans le quartier des affaires (elle était directrice chez Singer). Je n’ai jamais dit à ma mère qu’Aya c’était elle. Je n’ai pas envie d’avoir des problèmes », se marre la scénariste partageant ses souvenirs avec les visiteurs. Une forme de consécration pour elle dont la série Aya a connu un succès colossal : plus de 350 000 exemplaires et traduite dans quinze langues. « Ma mère s’occupait de tout, même de ce qui ne la regardait pas. Elle entrait chez les gens, se transformait en sage-femme après le boulot. » C’est toute sa vie que Marguerite Abouet livre en grand format et en couleurs chaudes comme l’Afrique.

Les enfants peuvent dessiner sur les murs, s’exercer à faire des tresses ou jouer à reconnaître les épices à l’odeur.
Les enfants peuvent dessiner sur les murs, s’exercer à faire des tresses ou jouer à reconnaître les épices à l’odeur.

Photo Julie Desbois

« Akissi, en revanche, c’est moi enfant. Dans cette expo, on retrouve toutes les bêtises que je faisais. » Devant les cases de ses bandes dessinées agrandies sur de grands panneaux et des vraies photos d’elle petite, Marguerite Abouet raconte son enfance. heureuse. « Je me revois en train de marcher, de jouer, de me cacher, d’essayer de traverser les rues sans mourir. Il y avait tellement de circulation qu’on se demandait toujours si on allait revenir vivant à la maison. » Sa vie se passait dehors. « J’en avais marre de jouer avec des poupées qui ne servaient à rien. » Alors avec ses copines, elles prenaient les vrais bébés des voisins. « Les femmes les laissaient traîner, on les habillait avec n’importe quoi, on les faisait manger n’importe comment. Après, ils étaient malades et on était punies. »

Les portraits de famille de Marguerite Abouet.
Les portraits de famille de Marguerite Abouet.

Julie Desbois

C’est tout cet univers de l’Afrique des années 80 que l’on retrouve dans ses BD et dans cette exposition. Dans une ambiance bigarrée, on voyage dans la culture populaire et les contes traditionnels africains, tout en abordant des sujets forts que l’éducation, les traditions, le mariage forcé, l’homosexualité… Marguerite Abouet, première femme africaine à vivre de la bande dessinée - « un art encore considéré comme de la rigolade chez moi »- voulait montrer et expliquer aux jeunes le métier méconnu de scénariste.

Les couleurs de l’expo sont chaudes comme celles de l’Afrique.
Les couleurs de l’expo sont chaudes comme celles de l’Afrique.

Photo Julie Desbois

Première femme africaine à vivre de la BD

Si on rigole avec les personnages de Marguerite Abouet, on parle sérieusement aussi. La scénariste est une femme d’engagements, qui a ouvert des bibliothèques dans les quartiers populaires de Côte d’Ivoire. « Tout ce qui concerne les enfants me passionne. C’est la base pour moi. » Elle est aussi très concernée par le combat pour l’égalité des femmes. « Je travaille avec beaucoup de jeunes femmes en Afrique qui, aujourd’hui, sont réalisatrices, scénaristes. Il y a dix ans, c’était impensable. » Il en fallait une pour ouvrir la voie.

Le tome 7 d’Aya de Yopougon vient de sortir, douze ans après le dernier.
Le tome 7 d’Aya de Yopougon vient de sortir, douze ans après le dernier.

Repro CL

Je n’ai jamais dit à ma mère qu’Aya c’était elle. Je n’ai pas envie d’avoir des problèmes.

Une salle est aussi consacrée aux dessinateurs de ses BD, Clément Oubrerie, Mathieu Sapin, Donatien Mary et Singeon… à qui elle confie ses croquis exposés sous vitrine. Juste à côté, les commissaires de l’expo ont disposé une télé, comme celle qui servait de salle de cinéma dans le salon à Yopougon. « Nos pièces étaient décorées avec ce que l’on voyait à l’écran dans les films français ou dans Dallas. » Tous les voisins venaient profiter de cette ouverture sur le monde. Marguerite et ses frères en profitaient pour exercer leur sens du commerce. « On faisait payer l’entrée. »

Akissi, l’autre héroïne de Marguerite Abouet.
Akissi, l’autre héroïne de Marguerite Abouet.

Repro CL

Après une adaptation au cinéma d’Aya en 2013, Marguerite Abouet vient de sortir le tome 7, douze ans après le dernier. Et elle travaille actuellement à l’adaptation en Afrique de la série française Dix pour cent, dans laquelle les vedettes de cinéma jouent leur propre rôle avec autodérision. « Mais comme on négocie tout chez nous, on l’appellera Dix pour cent ! »

Rencontre avec Marguerite Abouet ce samedi à 11h à la salle Nemo au cinéma de la Cité de bande dessinée.

On peut aussi consulter les BD sur place.
On peut aussi consulter les BD sur place.

Photo Julie Desbois