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Zarifa Ghafari, la résistance des Afghanes

On ne peut vraiment pas dire que la vie de Zarifa Ghafari ait commencé sous les meilleurs auspices. Née en 1994, elle avait 3 ans quand les talibans ont interdit aux filles d’aller à l’école, 6 lorsque les frappes aériennes américaines ont débuté. « J’ai atteint la majorité dans les temps qui ont suivi 2001, alors que les armées occidentales, les organisations humanitaires et des milliards de dollars soutenaient un gouvernement prétendument démocratique », note-t-elle d’ailleurs dans son livre (1). De quoi vous abattre à tout jamais ou, au contraire, vous forger un moral d’acier.

À 28 ans, Zarifa Ghafari a développé un fort caractère. Un atout non négligeable pour traverser les tempêtes de la vie. Et, malgré son âge, elle a déjà affronté de nombreux défis dans son existence : tentatives d’assassinat, clandestinité, exil, hostilité… Tout au long de cet itinéraire anti­conformiste, elle est restée rebelle.

Les voies de l’émancipation

Tout commence alors qu’elle n’est encore qu’une petite fille. Son père se trouve avec des amis dans un des salons de la maison. « J’ai voulu aller le rejoindre, mais ma mère m’en a empêchée en me disant : “Tu es une fille, tu n’as pas le droit d’entrer.” C’est la première fois que j’expérimentais directement le fait d’être une fille et que ma vie serait différente », raconte Zarifa Ghafari à l’Humanité. Le début d’un long combat venu à maturation, petit à petit, et qui se poursuit encore aujourd’hui. « Au départ, je pensais que cela ne concernait que moi et mes sœurs. Mais j’ai réalisé que mon histoire était la même que celle de toutes les femmes en Afghanistan, victimes de tant de crimes, ayant vécu tant de crises pour lesquelles elles ne sont pas responsables. Et, pourtant, elles n’ont jamais baissé les bras. Alors je me suis dit que cette lutte dépassait ma simple personne. »

Persuadée que les Afghanes « méritent une vie meilleure », mais « ont besoin de donner de la voix », elle décide d’endosser le rôle de porte-parole. Zarifa Ghafari va alors chercher toutes les voies de l’émancipation, à commencer par celle de l’éducation. Là encore, un parcours semé d’obstacles particulièrement au sein de sa famille où – malgré une mère éduquée – on ne tient pas à ce qu’elle poursuive ses études. Elle parvient néanmoins à s’inscrire à l’université de Chandigarh en Inde, ville nouvelle imaginée par Nehru et conçue par Le Corbusier.

La religion est utilisée comme une arme par les extrémistes pour tout détruire.

De retour en Afghanistan, son féminisme – une « construction progressive », comme elle dit – se renforce. Sans doute la mort de Farkhunda Malikzada, accusée à tort d’avoir brûlé un coran et lynchée par la foule à Kaboul, le 19 mars 2015, y est-elle pour quelque chose. Un an plus tard, Zarifa Ghafari s’investit pour la cause des femmes au sein même de l’administration publique. Une approche qui l’amène à créer une radio, plus apte à toucher les femmes qu’un site Internet ou un journal. Une radio pour faire le lien non pas avec les filles modernisées de la capitale mais celles qui, dans les campagnes, subissent le joug des hommes, le poids de la tradition et l’arbitraire de la religion. Non pas à Kaboul, mais à Maydan Shahr, dans la province de Wardak. Le nom de la station ? Peghla ce qui, en pashto, signifie « jeune fille ». Qu’on imagine le courage d’une telle initiative dans une ville conservatrice et où, en 2016, les talibans contrôlaient déjà une bonne partie de la province. Malgré les menaces, le pari a été réussi. Les auditrices téléphonaient à la station lorsque les hommes de la famille étaient sortis !

En 2018, le gouvernement central a décidé d’organiser un concours afin de recruter les maires de onze provinces, y compris Wardak. Une aubaine pour Zarifa Ghafari. Franchissant les obstacles, elle devient la plus jeune maire d’Afghanistan. Les islamistes ont barré l’accès à son bureau et ont tenté de la tuer trois fois. Son père a été assassiné. Malgré cela, contre vents et marées, elle a lutté contre la corruption, œuvré pour la paix et tenté d’éduquer les femmes. En août 2021, à l’arrivée des talibans au pouvoir, elle a dû partir, trop menacée.

Réfugiée en Allemagne (pays qui agit réellement pour accueillir les Afghanes en danger contrairement à la France), elle n’en poursuit pas moins son combat. Elle est parvenue à ouvrir, à Kaboul, un centre d’éducation et de formation professionnelle pour les femmes où l’on donne des cours aux veuves et aux orphelines. Elle a également monté un service de consultation obstétrique et une pharmacie. Enfin, elle distribue des sacs de nourriture à près de 5 000 veuves dans tout l’Afghanistan. Le taliban d’aujourd’hui n’est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. En si peu d’années, elle a appris que,  « depuis le roi et jusqu’aux talibans en passant par les moudjahidin, la religion a été utilisée comme une arme par les extrémistes pour tout détruire, faire taire, tuer ». Un témoignage qui incarne la résistance continue des Afghanes face à l’obscurantisme.

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