France : après les émeutes, les questions

Eclairages

Par A. Barthelby

Alors que les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel se sont enfin calmées, l’heure semble être au questionnement en France. Est-ce que les politiques d’intégration ne fonctionnent plus du tout ? Est-ce que le modèle même de l’intégration à la française doit être revu ? Est-ce que la France est prête à un virage politique majeur afin de faire évoluer la citoyenneté vers des formes plus proches des pratiques anglo-saxonnes ?

Voici quelques questions qui surgissent actuellement dans le champ des réflexions politiques. Ce phénomène est tout à fait normal au sortir d’une crise où les invisibles laissent exploser leur colère. Il serait d’ailleurs préoccupant que de tels événements ne suscitent pas un questionnement en profondeur des politiques actuelles.

Émeutes, couvre-feu, locaux incendiés… la France s’embrase après le mort d’un adolescent. P – Maroc Hebdo

Ce fut d’ailleurs le cas en 2005, après les émeutes qui avaient suivi la mort de deux jeunes qui étaient poursuivis par des policiers. Les gouvernements d’alors, sous l’impulsion de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy qui devait le succéder, avaient défini une nouvelle politique des villes et des banlieues. Cette nouvelle politique s’était traduite par l’injection de fonds massifs dans les infrastructures et les services publics dans les quartiers sensibles des grandes villes françaises.

Plusieurs dizaines de milliards d’Euros ont ainsi été injectées dans les quartiers difficiles afin de les désenclaver géographiquement. La même chose a été faite pour les écoles, avec une attention particulière à l’intégration des enfants issus de l’immigration immédiate. Mais malgré cela, la revendication est restée la même, l’inclusion ne fonctionne pas assez en France et le racisme structurel y est toujours prépondérant et dominant.

Il y a certainement du vrai dans ce constat, mais il est néanmoins trop simple de considérer uniquement la problématique sous l’angle du racisme structurel simple, comme l’a pu faire la presse anglo-saxonne notamment. En effet, cette dernière a donné une lecture des émeutes qui est restée extrêmement ancrée dans le “bias” ou le penchant des politiques multiculturalistes pratiquées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Ces politiques se concentrent sur la volonté d’une représentativité des minorités dans les institutions et les offices publics.

‘Un citoyen se doit de montrer son visage’: Nicholas Sarkozy

Si nous devons résumer ce modèle, nous pourrions dire que la pratique de la citoyenneté multiculturelle implique que chaque individu puisse être rendu visible et reconnu pour ce qu’il est, avec ses différences et ses particularités propres, et que l’Etat n’a aucun droit de dicter à l’individu ses croyances, ses comportements ou ses pratiques culturelles. Bien au contraire, l’État se doit d’être un espace où chacune des pratiques culturelles différenciées est représentée, respectée et valorisée.

Le modèle français est radicalement différent de cela, et à la volonté de la représentation de toutes les différences mentionnées, on préfère une invisibilité des différences. Ainsi, la notion même de République s’articule autour de cette aveuglément de l’État à la différence culturelle et religieuse, et une certaine interprétation des textes de loi sur la laïcité indique clairement que le domaine des croyances, des pratiques et des signes culturels et religieux relève de l’espace privé et ne se doit absolument pas d’être un critère de distinction dans l’espace public. Le débat autour du voile avait d’ailleurs été résumé de la sorte par Nicolas Sarkozy à l’époque : dans une République, un citoyen se doit de montrer son visage.

Il y a une logique objective et rationnelle à ce refus de la visibilité de la différence, logique qui voudrait que seuls les critères que la République considère comme objectifs et neutres devraient entrer dans l’équation de la pratique de la citoyenneté. En d’autres termes, l’invisibilité permet l’égalité. Ou plutôt, sans invisibilité il n’y a pas d’égalité possible.

Ce point est fondamental pour comprendre une différence philosophique qui produit des formes de citoyenneté radicalement différentes. D’un côté, le modèle laïc à la française est fondé dans l’impératif de l’égalité, alors que le modèle multiculturaliste anglo-saxon est fondé dans l’impératif de la justice. La question du modèle qui devrait prévaloir est ainsi, en réalité, une décision subjective.

Pour les grands théoriciens de la justice que sont John Rawls et Amartya Sen, il est clair que c’est la question de la justice qui doit prévaloir dans les sociétés modernes. Cette priorité de la justice sur l’égalité découle du fait sociologique que l’égalité est économiquement impossible, et ceci en raison d’une multiplicité de facteurs : différences de classes sociales, différences religieuses, différences culturelles, différences raciales, différences de genre, différences linguistiques… Ce sont quelques exemples des différences qui rendent l’égalité impossible, d’où la nécessité de la justice réparatrice ou rectificative.

facteurs de rectification et que l’égalité est produite par la simple assimilation des individus à ces institutions. Nous voyons là une conséquence directe de ce que fut la Révolution française elle-même, et notamment le fait qu’elle ait entériné la séparation de l’Etat et du religieux dans la gestion des affaires publiques. Certains courants de la pensée laïque menèrent d’ailleurs une guerre sans merci contre l’Eglise et avaient pour objectif la déduction totale du religieux de l’espace public.

Mais cette séparation de fond ne s’est en réalité jamais traduite par une séparation de fait. L’Histoire de France est intrinsèquement liée à celle de l’Eglise catholique, et les institutions républicaines sont elles-mêmes issues des institutions de l’Eglise. Et la confrontation de la laïcité avec des cultures venues en dehors de la sphère de la chrétienté s’est toujours heurtée à ce bagage historique. Ceci explique par exemple pourquoi les populations issues des pays de l’Europe méditerranéenne ou de l’Europe de l’est se soient beaucoup plus facilement intégrées que les populations issues du Maghreb.

Les logiques de « l’identity politics » Le problème de la laïcité et celui du modèle républicain ne s’arrête pas là. Il est également indéniable que la dimension des différences religieuses et culturelles se joue également sur un autre terrain, celui de l’histoire coloniale française, ou plutôt, sur le terrain de l’incapacité de la France à affronter son passé colonial et esclavagiste de manière constructive et dans un esprit de réparation et de justice. En refusant ce débat, l’espace politique français ne laisse pas la place à l’expression des voix contradictoires et différentes, et notamment aux voix qui s’élèvent pour affirmer que les injustices actuelles trouvent leurs sources dans les injustices historiques, que les exclus d’aujourd’hui sont les descendants des dominés de l’histoire.

Mais est-ce que changer de système, cela suffira ? Est-ce que faire tabula rasa de la laïcité pour aller vers des politiques à l’anglo-saxonne est forcément la voie du progrès ? Pas forcément. Il y a dans le modèle anglo-saxon des problèmes tout aussi structurels et complexes, en réalité. L’obsession de la représentation, par exemple, produit souvent une situation où l’espace politique se retrouve entièrement pollué par les logiques de « l’identity politics », ce qui empêche l’émergence d’autres discours et d’autres enjeux (notamment les enjeux économiques et sociaux).

Est-ce que, par exemple, nous sommes arrivés à Maurice dans cette situation où toute la pratique politique a été réduite à « l’identity politics »? Cette question est extrêmement pertinente pour nous, et notamment pour les jeunes qui souhaitent dépasser les différences identitaires pour enfin devenir un peuple. Après tout, nous voyons là une contradiction viscérale de l’esprit mauricien, qui peut si facilement se déclarer appartenir à la République de Maurice tout en étant enchaîné à la politique des identités.

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Mauritius Times ePaper Friday 14 July 2023

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