« Un artiste regarde une œuvre » (1/6). Six peintres ou plasticiens livrent leur coup de cœur artistique. Aujourd’hui, la Française transmédia et féministe nous parle de la célèbre sculpture, exposée au Louvre.
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Depuis les années 1960, la plasticienne Mireille Porte, dite Orlan, née en 1947, à Saint-Etienne, interroge dans ses créations le statut du corps féminin. Nous lui avons demandé de nous parler d’une œuvre inspirante pour elle. Elle a choisi d’évoquer la sculpture sans tête du Musée du Louvre, la « Victoire de Samothrace », dont le drapé a nourri son travail.
Quelle est votre histoire avec cette monumentale sculpture grecque de l’époque hellénistique ?
J’ai pris conscience récemment que cette œuvre est fossilisée en moi, dans mes souvenirs d’enfance. C’était en 2007, à l’occasion de ma grande rétrospective au Musée d’art moderne et contemporain de ma ville natale, Saint-Etienne. Un jour où je partais travailler pour monter l’exposition, je me suis trompée de sortie sur l’autoroute et je me suis retrouvée dans le quartier de mon enfance, avec la voie de chemin de fer en contrebas, et au-dessus l’école maternelle où j’étais allée enfant. J’ai garé ma voiture, et je me suis promenée pour réveiller mes souvenirs.
En faisant le tour de l’école, qui avait été entièrement détruite pendant la guerre, puis reconstruite de manière très cheap, quelle ne fut pas ma surprise de voir sur la façade au crépi blanc-gris une niche dans laquelle avait été mise une sculpture retrouvée après le bombardement : une copie en plâtre de La Victoire de Samothrace. Quand je l’ai reconnue, je me suis dit « Mais c’est bien sûr ! ». C’est d’elle, inconsciemment, qu’est venue l’inspiration de beaucoup de mes œuvres sur le drapé. Je n’avais jamais fait le rapprochement avant.
Lire aussiPourquoi choisir de rendre hommage à cette sculpture en particulier, plutôt qu’à une autre œuvre ? Qu’incarne-t-elle pour vous ?
Plusieurs œuvres ont influencé ma démarche, comme La Vierge à l’enfant, de Jean Fouquet, l’autoportrait photographique d’Herbert Bayer, où il semble retirer une pièce de son corps, et les sculptures du Bernin. Mais La Victoire de Samothrace fut un de mes premiers modèles de femme. Un exemple de femme extraordinaire, qui a de la force, du dynamisme. Elle est dans l’élan, décidée, active. Elle marche, mais ses ailes peuvent aussi la faire décoller d’un instant à l’autre vers ce à quoi elle aspire. En revenant de mon exposition à Saint-Etienne, je me suis précipitée au Louvre pour revoir cette sculpture. Elle est exposée en aplomb de l’escalier principal, du haut de ses 5 mètres, elle est magistrale, rayonnante.
Qu’aimez-vous en particulier dans cette déesse Niké ?
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