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Haut-Karabakh: Erdogan rencontre Aliev, des milliers de réfugiés continuent d'affluer en Arménie

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré ce lundi son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev dans l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, frontalière de la Turquie et nichée entre l'Iran et l’Arménie.

Avec notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer

Officiellement, la rencontre devait lancer la construction d'un gazoduc de 85 km entre l'est de la Turquie et le Nakhitchevan. Mais il a surtout été question du Haut-Karabakh, où l'armée azerbaïdjanaise a mené la semaine dernière une offensive militaire et poussé les séparatistes arméniens à accepter un cessez-le-feu. La Turquie, alliée de Bakou, s’en est réjouie et espère avancer ses pions.

Vu d’Ankara, soutien indéfectible de Bakou, la victoire de l’Azerbaïdjan contre les séparatistes arméniens est aussi une victoire pour la Turquie, d’autant plus aimée qu’elle a été rapide. C’est sur ce point qu’a insisté Recep Tayyip Erdogan à l’issue de sa rencontre avec Ilham Aliev. Le président turc a qualifié cette victoire de « motif de fierté » pour son pays, tout en avançant qu’elle ouvrait de « nouvelles opportunités pour une normalisation » dans la région.

Le chef de l’État turc, qui a amorcé ces dernières années un rapprochement avec l’Arménie, a profité de cette visite dans l’enclave du Nakhitchevan pour appeler Erevan à saisir « la main pacifique qui lui est tendue ».

Alors qu’Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian ont prévu de se rencontrer dans la ville de Grenade, en Espagne, le 5 octobre en présence de plusieurs dirigeants européens, Recep Tayyip Erdogan pousse à une résolution de la question du Haut-Karabakh qui inclurait la Turquie et la Russie, et exclurait les Occidentaux. Quant Ilham Aliev, il a prétendu que les droits des Arméniens du Haut-Karabakh seraient « garantis ». Tous les habitants du Nagorny Karabakh, « quelle que soit leur ethnie, sont des citoyens de l'Azerbaïdjan », a déclaré Ilham Aliev.

Le Nakhitchevan, un lieu aussi symbolique que stratégique

Par Daniel Vallot

C’est un territoire de 5 000 km2, soit la taille d’un département français, qui est encadré par trois pays : l’Arménie, l’Iran et la Turquie.

En revanche, il n’a aucune frontière avec le pays dont il fait partie, à savoir, l’Azerbaidjan. Cela date du début des années 1920 lorsque Staline et Lénine décident de redessiner les frontières du Caucase – et comme à leur habitude les dirigeants bolchéviques ne manquent pas une occasion de compliquer la cartographie et d’imbriquer les peuples et les souverainetés – ce qui sera à l’origine de multiples conflits lorsque l’URSS implosera.

Depuis son indépendance l’Azerbaïdjan ne cesse de réclamer un corridor terrestre jusqu’au Nakhitchevan pour désenclaver un territoire d’autant plus important à ses yeux que la famille Aliev au pouvoir à Bakou depuis l’indépendance, en est originaire.

Pour la Turquie, le territoire est également très important car il permettrait d’assurer une continuité territoriale avec l’Azerbaïdjan, son principal allié dans la région. Les deux dirigeants ont prévu d’inaugurer un nouveau gazoduc et une base militaire azerbaidjanaise, ce qui donne une idée assez précise des enjeux portés par ce territoire.

Certains observateurs estiment qu’après le Haut-Karabakh, le Nakhitchevan sera le prochain objectif militaire de l’Azerbaïdjan, ce qui impliquerait toutefois un conflit direct, cette fois, avec Erevan, puisque l’intégrité territoriale de l’Arménie serait cette fois mise en cause.

Mais actuellement, la Russie est accusée par l'Arménie de ne pas la soutenir. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a implicitement reproché à Moscou son manque de soutien, en qualifiant d' « inefficaces » les alliances actuelles de son pays, notamment avec la Russie. Des paroles rapidement critiquées côté russe. « Nous sommes catégoriquement contre les tentatives de faire porter une responsabilité sur la partie russe et les forces russes de maintien de la paix », a ainsi martelé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, rejetant tout « reproche » sur des manquements supposés.

Il y a eu un retournement du rapport de force. L’Azerbaïdjan a pu se renforcer et acheter une certaine neutralité de la part de la Russie.

Afflux de réfugiés

Pendant ce temps, l'afflux sur le sol arménien de réfugiés du Nagorny Karabakh s'est poursuivi lundi avec d'immenses files de véhicules signalées sur l'unique route reliant Stepanakert à l'Arménie. Au total, ce sont 6 650 personnes « déplacées de force » de cette enclave qui sont entrées depuis dimanche en Arménie après la défaite des combattants séparatistes, selon le dernier bilan du gouvernement arménien.

Un réfugié passe devant une file de véhicules attendant après avoir traversé la frontière et arrivé au centre d'enregistrement du ministère arménien des Affaires étrangères, près de la ville frontalière de Kornidzor, le 25 septembre 2023.
Un réfugié passe devant une file de véhicules attendant après avoir traversé la frontière et arrivé au centre d'enregistrement du ministère arménien des Affaires étrangères, près de la ville frontalière de Kornidzor, le 25 septembre 2023. AFP - ALAIN JOCARD

Et le nombre d'entrées en Arménie ne cesse d'augmenter, rapporte notre correspondante à GorisTaline Oundjian. Au premier point humanitaire qui se trouve au village frontalier de Kornidzor, les personnes qui arrivent pour s'enregistrer se succèdent. La population est épuisée, un brin soulagée de se sentir enfin en sécurité, mais dépitée d'avoir dû tout laisser derrière eux sans savoir précisément où ils pourront être relogés.  

Le gouvernement arménien se dit être prêt pour accueillir 40 000 personnes, mais les autorités s'attendent à ce que la grande majorité des 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh quitte le territoire car la population ne se sent pas en sécurité. Ils craignent de se retrouver face aux forces azerbaïdjanaises et une cohabitation pacifique leur semble impossible. 

Dans la ville de Goris, tout proche de la frontière, les hôtels ont ouvert leurs portes à tous les réfugiés tandis que la salle des spectacles de la ville s'est transformée en centre d'hébergement d'urgence. L'exode est en cours alors que de nombreux chercheurs et organisations des droits de l'homme alertent depuis des mois sur les craintes d'une épuration ethnique dans la région. 

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