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La conditionnalité de l’aide publique au développement, un débat récurrent en France

Invité de TF1 et France 2 dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron a dit vouloir « mieux conditionner l'aide publique française au développement à une politique responsable en matière migratoire ». Autrement dit, pouvoir utiliser l'aide financière française comme levier pour peser sur les décisions d'États africains en matière d'immigration.

Les arrivées sur l'île italienne de Lampedusa et le message du pape pour un meilleur accueil des migrants ont remis la question de l'immigration au cœur du débat européen. Mais aussi côté français. Invité de TF1 et France 2 dimanche soir, Emmanuel Macron s'est longuement exprimé à ce sujet. Le chef de l'État a dit vouloir « mieux conditionner l'aide publique française au développement à une politique responsable en matière migratoire ». Autrement dit, pouvoir utiliser l'aide financière française comme levier pour peser sur les décisions d'États africains en matière d'immigration.

L’aide publique au développement, c'est l'ensemble des apports financiers que la France octroie à d'autres pays, des dons et des prêts, une aide principalement bilatérale. L'année dernière, elle s'élevait à 15 milliards d'euros, un peu plus de 0,5 % du revenu national brut français (RNB). Cette aide publique doit augmenter dans les années à venir et atteindre 0,7 % du revenu national brut.

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Conditionner l’aide, un débat récurrent

Emmanuel Macron a donc évoqué la conditionnalité de cette aide à une « politique migratoire responsable ». Ce n’est pas la première fois que cette possibilité est mise sur la table. En 2019 déjà, Edouard Philippe, alors Premier ministre, évoquait directement cette idée. À l'époque, plusieurs associations avaient dénoncé un « chantage à l'aide au développement ».

Mais le maire du Havre n'est pas le premier à avoir voulu utiliser l'aide française pour réduire l'immigration. La question est apparue avant même les années 2010, et ce que l'on a appelé ensuite la « crise migratoire ». À l'époque, Nicolas Sarkozy voulait trouver un moyen d'exercer une pression sur les pays africains. Objectif : qu'il y ait plus de réadmissions. C'est-à-dire que les personnes en situation irrégulière soient de nouveau accueillies par leur pays d'origine.

Ce moyen de pression s'est matérialisé par des « accords de gestion migratoire ». Des accords bilatéraux avec des pays africains à partir de 2006 : Sénégal, Gabon, Congo, Bénin et Tunisie pour ne citer qu'eux. Dans ces textes, plusieurs volets : la lutte contre l'immigration irrégulière, le développement des voies légales d'immigration et puis une troisième clause appelée « migration et développement ».

Et c'est dans cette dernière que certains voient un moyen de pression. L'État français s'engageait, à travers l'Agence française de développement (AFD), à aider économiquement les diasporas, faciliter la mobilité entre les pays ou encore réduire les frais de transferts de fonds. Les mesures étaient multiples.

Et pour certains, il s'agissait en fait de conditionnement déguisé de l'aide publique au développement. C'est le cas du Mali par exemple qui avait refusé de signer l'accord en l'état. Conditionner l'aide publique au développement a en effet entraîné beaucoup de tensions diplomatiques. L'État français a donc tenté d'autres moyens pour faire pression sur les pays africains, toujours dans le même objectif de réduire l'immigration.

Ce fut le cas lors de la « crise des visas » il y a deux ans entre la France et plusieurs pays du Maghreb. Paris avait restreint la délivrance de visas en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Le but : les inciter à faire des efforts pour lutter contre l'immigration illégale, mais aussi les contraindre à en faire plus en matière de réadmissions. Il avait fallu attendre plus d'un an pour que Paris et Alger retrouvent une relation consulaire normale. Encore aujourd'hui, cette crise des visas continue de brouiller les relations entre la France et ces pays du Maghreb. 

Le débat est relancé au niveau européen

Dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron a donc relancé le débat et évoqué directement la possibilité de conditionner l'aide publique au développement. Et le président veut cette fois-ci le faire avec les autres pays européens. L'année dernière, l'aide publique au développement de l'Union européenne, c'était 70 milliards d'euros.

Mais là encore, cette aide n'est pas vraiment conditionnée à la politique migratoire des bénéficiaires, même si le débat est récurrent chez les 27. Au-delà de son aide publique au développement, l'Union européenne essaye de peser sur la politique migratoire des pays africains. En juillet dernier, Bruxelles a signé un partenariat avec la Tunisie. Un accord qui prévoit 150 millions d'euros d'aide budgétaire, mais qui engage aussi Tunis à « mieux contrôler l'immigration irrégulière ».

De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce partenariat, comme celle de Ghazi Ben Ahmed, le président du think tank Mediterranean Development Initiative. Dans une interview à Jeune Afrique, il parle de « détournement » de l'aide financière de l'UE.

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