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Mayotte: les écoles et la santé pâtissent du manque d'eau

Notre séléction – « Mayotte a soif ». C'est avec ce slogan que les Mahorais disent, ce mercredi matin 27 septembre, leur ras-le-bol. Le ministre des Outre-mer, Philippe Vigier, est attendu dans l'archipel pour la deuxième fois en un mois. Mayotte, est le 101e département français et aussi le plus pauvre de France. Déjà frappé par l'insécurité, il connaît aussi une grave crise de l’eau qui frappe de plein fouet le système de santé et les écoles.

La pluie manque depuis des mois à Mayotte et les réservoirs de l’archipel s'assèchent. Depuis début septembre, les autorités ont donc durci les mesures de restriction d'eau : la population est privée d’eau courante deux jours sur trois. Et cela perturbe toute la vie quotidienne. Faoulati Sandi, habitante de l'île, raconte la débrouille pour stocker l’eau entre les coupures : de grandes bassines plastiques dans la douche, des seaux à côté des toilettes, veiller à ce que les enfants ne boivent pas l'eau du robinet…

L'Agence régionale de santé (ARS) a en effet donné pour consigne de faire bouillir l’eau qui sort des conduits après les coupures. « Certains jours, elle est boueuse », rapporte Faoulati Sandi. « Quand l'eau revient, je dois faire attention. Parfois, on ne l'utilise même pas pour se doucher parce qu'elle est sale, elle n'est pas potable. »

Conséquence : dans les magasins, le tarif des packs d’eau en bouteille s’envole, malgré le blocage des prix décidé par la préfecture.

Pas d'eau, pas de cours

La crise de l'eau affecte aussi la vie des écoliers. Une école sans eau au robinet, ce sont des dizaines d’enfants qui vont aux toilettes sans pouvoir tirer la chasse et sans pouvoir se laver les mains. Ce n’est pas tenable. La semaine dernière, plusieurs collèges et lycées ont fermé leurs portes en raison d'une eau reconnue impropre à la consommation par l'ARS. Le recteur d'académie, Jacques Mikulovic, assure que ces établissements ont rouvert depuis.

Sur les 188 écoles de l'île, pas de moins de 80 subissent des coupures. Elles ont bien reçu des cuves pour stocker l'eau, mais certains réservoirs ne sont pas encore raccordés. Et d'autres ont été vandalisés pour voler l'eau, a indiqué le rectorat.

« Le problème, c'est que nos cuves ont été dimensionnées pour 24 heures de coupure d'eau, et là, nous sommes arrivés à 48 heures de coupure », explique Jacques Mikulovic, le recteur d'académie. « Nous avons donc décidé d'accueillir les enfants seulement le matin pendant les coupures, plutôt qu'une journée de classe et une journée sans rien. Et l'idée l'après-midi, c'est que nous puissions tenter de compenser, au moins mal, un certain nombre de contenus d'enseignement pour les écoles primaires via la télévision locale. » Mais tous les élèves n'ont pas des parents capables de les aider à faire le travail scolaire à la maison, s'inquiète Ousseni Zaidou, du FSU-SNUipp, syndicat de professeurs du primaire. Le Covid l'a montré : l'école à distance est un accélérateur des inégalités.

Dans la commune de Koungou, Faoulati Sandi, elle, a carrément changé son fils d’école. « Je l'ai sorti de là-bas parce qu'il n’avait école que deux demie-journées dans la semaine. C'est inacceptable ! Les bases de l'enseignement, c'est au CP », s'insurge-t-elle. Et la mère de famille rappelle que dans certaines écoles à Mayotte, il y a déjà des « rotations ». « Comme les classes sont surpeuplées, les instituteurs sont obligés d'enseigner à une partie des élèves le matin et à l'autre partie l'après-midi. Et maintenant, il y a la crise de l'eau qui s'ajoute. »

Le système éducatif mahorais est déjà en souffrance en temps normal, confirme le syndicaliste Ousseni Zaidou du FSU-SNUipp. « Six à dix mille enfants ne sont pas scolarisés à cause du manque de bâti. Dans les salles de classes il y a parfois jusqu'à 30 ou 35 élèves », rapporte-t-il. « Et le niveau scolaire est très bas », confirme le recteur d'académie. « Il ne faudra pas qu'on soit surpris si, après cette crise de l'eau, les résultats sont encore plus mauvais », avertit Ousseni Zaidou.

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Des coupures même à l'hôpital

La santé, déjà malmenée par le manque criant de personnel et par l’insécurité, est un autre service public impacté par la pénurie d'eau. « À l’hôpital, on nous avait dit qu'on n'aurait pas de coupures, mais on en a eu », témoigne cette praticienne du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui a préféré rester anonyme. « Nous avons eu un épisode d'eau boueuse dans plusieurs services. Pour nos instruments qui nécessitent de l'eau dans les circuits, on ne peut pas s'assurer de la qualité de l'eau. Certains services nous ont remonté aussi une pression d'eau trop faible, ce qui pose un problème pour la stérilisation du matériel », liste-t-elle. « Ce qui nous inquiète vraiment, c'est qu'on n'est qu'au début de cette crise, on ne sait pas comment cela va évoluer. »

L'Agence nationale de santé publique à Mayotte est aussi inquiète. « L'archipel vit chaque année une épidémie de gastro-entérites entre juin et septembre », explique Youssouf Hassani, responsable de Santé publique France à Mayotte. Depuis plusieurs semaines, l'organisme a détecté une augmentation des ventes d'antidiarrhéiques et des solutions de réhydratation orale. « On a vu aussi que le pic de gastro-entérites était légèrement au-dessus de ce qu'on a connu au cours des trois dernières années », précise-t-il, avant de s'interroger : « Est-ce que c'était le pic et que maintenant ça va baisser ? Est-ce qu'il y aura une nouvelle augmentation ? On surveille de près la situation. »

Sur le terrain, les soignants confirment aussi de nombreux cas de patients souffrant de problèmes gastriques. « En douze ans de travail ici, j'ai rarement vu ça », estime un infirmier à domicile dans le sud de l'île.

L'Agence nationale de santé publique à Mayotte surveille aussi les maladies transmises par l’eau. « Il y a un risque que la typhoïde ou l'hépatite A, endémiques à Mayotte, se mettent à flamber, voire que réapparaisse le choléra. », explique Youssouf Hassani. 

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