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[Feuilles d’hivernage] Noro, Paoscoto…: Ces localités du Rip où la « séet » (mariée) rejoint le domicile conjugal en pleine journée

Par Salla GUEYE

Sokhna est une jeune restauratrice. En pleine discussion avec ses clients devant son service sis sur une grande avenue au cœur de Nioro, elle commente les fortes pluies de la veille qui ont « complètement gâché » le mariage d’une de ses copines à Keur Ndary Ndiaye, village situé dans la commune de Paoscoto. En ce jeudi matin pluvieux du mois de juillet, son amie, Aïssatou, devait rejoindre le domicile conjugal. Une « séet » (mariée) en plein jour !

« Vous ne le saviez pas ! » s’exclame-t-elle, ébahie par notre réaction. Elle poursuit en éclatant de rire : « ici, c’est notre habitude. Certes, il y en a qui débarquent chez leur mari la nuit, mais la majeure partie des nouvelles mariées rejoignent leur domicile conjugal le matin ».

Dans une tradition bien de chez nous, il faut franchir tout un parcours d’obstacles sur fondement d’us et coutumes afin de convaincre les beaux-parents mais aussi les amies de la mariée à la lâcher. Le plus souvent, face à un protocole enraciné dans les rites, les négociations, sur fond de surenchères, pouvaient aller jusqu’à 3 heures du matin, pendant que le mari prenait son mal en patience et… rongeait son frein.

Mais dans le Rip, cette légende bien ancrée dans notre société ne semble pas faire l’unanimité.

« C’est vrai qu’il y a des protocoles à respecter, mais pour la plupart des cas, la nouvelle mariée rejoint son mari en pleine journée. D’habitude, elle quitte le domicile familial à 6h voire 7h du matin, en tout cas avant la levée du jour. Mais aujourd’hui, les gens ont tendance à le faire en pleine journée », affirme Bineta Ba, rappelant le cas le plus récent de sa sœur qui est arrivée chez son mari vers 10h.

Enseignante dans un établissement scolaire public de la place, elle fait savoir qu’« avec le ‘’raamé’’ (drapée dans un pagne traditionnel, la nouvelle mariée entre dans la chambre du conjoint en rampant) et d’autres rituels, cela peut prendre énormément de temps».

Les raisons d’une pratique culturelle


Même si elle arrive le matin, les choses ne sont pas aussi faciles pour l’épouse. Celle-ci doit enchaîner pour les activités liées à la cérémonie de bienvenue (« ceet »), puis la nuit de noces. « En réalité, à part l’heure d’arrivée, rien ne change. Avant de quitter ses parents, la mariée est bien préparée et à son arrivée, elle reçoit des conseils des ainés. C’est ce qui se passe dans presque tout le pays », explique-t-elle.

Ndèye Coumba Diallo est une mère de famille de 35 ans. Occupée à allaiter son enfant dans un magasin d’alimentation, elle raconte sa « dure journée » lors de son mariage, il y a une dizaine d’années. « Ce jour-là, j’ai quitté mon village, Darou Salam, vers 6h du matin, tout juste après la prière de l’aube (‘’ṣalāt aṣ-Ṣobḥ’’), et je suis arrivée ici (Nioro, Ndlr) peu avant 7h. Mais avec les protocoles et les rites à respecter, j’ai dû entrer dans ma chambre aux environs de 10h. J’étais très fatiguée, en plus du stress, car je devais enchainer la cérémonie de bienvenue toute la journée », se souvient-elle.

Journaliste et mère de famille, Absa Sow parle d’une tradition bien respectée à Nioro, même si, dit-elle, ce ne sont pas toutes les familles qui l’appliquent. Toutefois, la rédactrice en chef de la radio communautaire Rip Fm évoque une nécessité d’adaptation des us et coutumes à la modernité. « D’après des informations que nous avons reçues, les gens ont commencé à l’appliquer pour raisons humaines. Sachant que le marié a déjà des invités, passer la nuit chez lui, peut lui coûter des dépenses supplémentaires. Les gens se disent que comme c’est dans la même localité ou bien dans une localité tout proche, pourquoi pas ne pas amener la mariée le matin », soutient notre interlocutrice.

Pas d’impact sur la validité du mariage


Pour Serigne Makhady Bessane, imam et chef de village de Diamaguène Sérère, c’est vers le début des années 2000 que cette pratique est adoptée dans plusieurs localités du Saloum, mais cela n’a aucun impact sur la validité du mariage. « L’acte le plus important, c’est la célébration de la cérémonie nuptiale en présence d’un groupe de témoins, c’est-à-dire trois personnes au minimum, aux yeux de l’Islam. Mais aussitôt après l’union est scellée, la nouvelle mariée est préparée pour rejoindre son mari, à n’importe quelle heure », enseigne-t-il, admettant que la nuit est recommandée du fait du sens de la discrétion.

Selon lui, si des familles ont commencé à amener la « séet » la journée, c’est pour ne pas engendrer des charges supplémentaires pour la famille du marié. « C’est ce qui fait que la délégation de la mariée débarque le matin, parfois même, vers 10h, en plein jour. Et comme ça, les accompagnantes pourront rentrer dans la soirée à la fin des festivités », ajoute le religieux.

Toutefois, l’imam Bessane souligne que les filles, dont il donne la main, sont amenées chez leur mari le même jour. « Si c’est un jeudi soir, aussitôt après le dîner, elle est préparée et transportée chez son conjoint », dit-il.

LeSoleil