Senegal
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Soro DIOP, un homme, une aile et des racines

Si j’avais fouillé dans mes cartons non encore déballés depuis 2013, j’aurais pu trouver des éléments physiques constitutifs d’une mémoire de fraternité, de confraternité et d’amitié d’une dizaine d’années. Du Soleil au Groupe Avenir Com, je n’ai connu Grand Soro comme un faisceau de lumière qui irradie autour de lui. Un homme bon. Un bon cœur. Une générosité sans calcul. Soro DIOP était entier. Avec une aile et des racines.

Quand Soro passait par mon bureau et écoutait du Coltrane, les Eagles, Lionel Richie, Eros Ramazzotti, Paco de Lucia, Chopin, Bach, Ravel, entre autres concertos et musiques pop, il m’appelait Bab’S. Quand il repasse, s’arrête et entend du Mbaye Dondé MBAYE ou des panégyriques sur le Prophète (SAW), il me sert du Sadikh ou du Khalifa. Et s’il entend du Yande Codou, Khady Diouf Diahanor, il me renvoie au Sine ou me promet un panier de haricots ou un plat de ngourbane. C’est la dialectique Soro : d’un point à un autre, il savait naviguer allègrement, nommant avec justesse les situations, les faits et gestes. Un intellectuel généreux. Un amoureux de la pensée bien structurée. C’était cela aussi l’éclectisme qui le caractérisait, lui, riche de la culture des deux rives du Fleuve Sénégal et des apports féconds et fécondants. Aimant les voyages et les cultures, il était ouvert et solides de son carnet d’adresses, son portefeuille relationnel. Il n’aimait pas s’enfermer dans les courants ou les carcans. Il refusait les clivages. Il était une très belle plume. Un journaliste politique. Il savait sublimer les succès et taper sur les échecs. Non sans assumer ses « amitiés politiques ». Chef du Desk politique, il se montrait transversal, contribuait à l’animation de toutes les rubriques du journal.

Dans les coulisses de la rédaction, l’écho de ses fous éclats de rire retentissait et sa voix rauque montait au ciel faisant sauter les tuiles. C’étaient les folles années des « fous du Quotidien ».

L’image de Soro, un vendredi d’été et de ramadan, trainant ses valises derrière lui et tournant le dos aux locaux du journal alors sis à la Cité Djily Mbaye est encore restée. Mais il est passé très rapidement à autre chose. Sans rancœur. Il savait prendre de la hauteur. Soro était de loin plus âgé que nous. Il était notre « grand Soro ». Mon cousin à plaisanterie. Mais ne mettait jamais en avant la question de l’âge. Ce qui comptait, c’est l’intellect et le débat d’idées. Jusqu’à « la raison de la déraison ». Loin du contentieux et des confrontations hostiles, il préférait vaincre par une suprême élégance du cœur. Un croyant qui pratiquait et conseillait le bien, le pardon, les liens qui doivent enjamber les embuches et vicissitudes du temps.

Nos dernières rencontres, il y a un an, au Building administratif, c’était au sortir d’une saisissante et inspirante discussion avec le ministre Sidiki KABA, autour des 13 chapitres de L’art de la guerre de Sun TZU. Je travaillais au centre-ville, au Bureau d’Information Gouvernementale (BIG). Le lendemain, je passe à son bureau pour lui offrir un exemplaire de ce fameux ouvrage. Encore une fois, nous avions discuté de la vie comme une conduite automobile, les virages. A réussir. Ou à rater.

Soro DIOP était un philosophe pragmatique, argumentant et réfléchissant entre ciel et terre. Comme ce vol qui a transporté son corps jusqu’à Bakel. Avant un dernier voyage par route jusqu’à Kanel où il repose.

Sa mort me rappelle la disparition brusque de son jeune frère Daffé DIOP. Lui aussi homme de bien, constant dans sa foi et ses relations. Des années durant, de la mosquée omarienne où il effectuait sa prière de l’aube, sur le chemin de son travail, il m’envoyait un texto tous les matins.

Puisse Dieu, qu’ils servaient, inonder leur tombe de lumière, les absoudre et les élever au rang céleste des véridiques et des serviteurs humbles.

DIOP Babacar

laroudiop@yahoo.fr