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Violence à l’assemblée Nationale : Les psychosociologues s’expriment

Jeudi dernier, l’Hémicycle a été le théâtre d’une brutalité hors du commun. Affrontements entre parlementaires, un spectacle de boxing digne du Ring de Vienne, l’un des plus célèbres boulevards d’Europe. Cette situation a été le prétexte pour tendre le micro aux esprits compétents.

Recrudescence ou prolongement de la violence à l’Assemblée !

Ibrahima Diop, Sociologue : «Il n’y a pas de recrudescence de la violence, la recrudescence signifie qu’il y avait cessation et qu’il y ait reprise. La violence est une constante à l’Assemblée nationale, il y a les forces d’ordre physique qu’on notait depuis longtemps. La violence est une constante à l’Assemblée nationale, auparavant il y avait une violence, mais cette violence était quelque part endiguée, contenue parce qu’il y avait un monopartisme et, en fait, une possibilité des acteurs de pouvoir exprimer un avis contraire qui ferait accepter une certaine violence. Maintenant cette violence était au départ de type verbal, parce qu’on se rappelle les batailles entre Me Ousmane Ngom et Abdou Rahim Aly. Maintenant, cette violence, depuis un certain temps, est devenue de type physique, une violence qui a une base sexuée. Voilà le caractère innovant de l’émergence de cette violence-là qui pose problème. On peut se demander s’il s’agit d’une reprise ou d’une continuation, d’un prolongement, de la violence sociale en termes de rapports de force d’ordre sexuel, bref on est en présence d’un prolongement de la violence physique basée sur le genre dans l’espace parlementaire. Parce que à présent, la violence sur les femmes est une constante qui se manifeste au niveau des institutions républicaines censées l’enrayer. Aujourd’hui, tout le dispositif qu’on a eu sur des questions de parité et tout le travail qui a été fait en termes de contenu réglementaire, médiatique, de sensibilisation, est-ce que c’est aussi simple que ça, c’est la grande question. Bref, au total, est-ce que tout le dispositif qu’on a eu pour gérer, régler et analyser la parité, est-ce que tout ceci est efficace? Le niveau d’efficacité se mesurerait par rapport à l’appel qu’on va homologuer la loi sur la parité, c’est là où on va assister à une violence basée sur le genre et de manière manifeste. On aurait pu se demander si on est en présence d’une inefficacité par rapport au dispositif d’équité. Et il faut interroger tout ce dispositif institutionnel et règlementaire. Est-ce que ça a une valeur positive».

Point de violence à l’Assemblée !

Yamar NDAO, psychologue, sociologue : «On condamne tous avec fermeté ces scènes de violences à l’assemblée nationale par des élus du peuple qui disposent d’immunité. Je pense que la violence dans toutes ses formes n’a jamais réglé une situation compliquée où il s’agit de combat d’idées et non de rapport de forces physiques d’un homme envers une femme. Ce qui est scandaleux en est que l’homme a été créé pour protéger la femme. Alors cette violence n’a point sa place dans la société, dans la rue ou encore dans cette institution étatique et symbolique».

‘’Violence parlementaire’’ et ‘’violence au foyer et dans la rue’’

Ibrahima Diop, Sociologue : «Il n’y a aucune différence, il s’agit, comme je le disais tantôt d’un prolongement, d’abord les institutions sont des espaces sociaux qu’on crée, tout ce qui se passe dans la société globale trouve son prolongement dans les espaces, dont ces institutions. Maintenant, aussi bizarre que cela puisse paraître, cela se déroule au niveau parlementaire et c’est ce qui est paradoxal. Mais ce paradoxe est un enseignement réservé, parce que les phénomènes sociaux se déroulent pratiquement dans nos bureaux, nos administrations, nos espaces universitaires, etc. Donc ça atteste qu’il y a encore du travail à faire. Maintenant comment faire pour rompre, pour couper la logique de prolongement de ce qui se passe au niveau social et qui a tendance à s’exprimer dans les espaces formalisés et républicains ? Et alors qu’il ya en règle générale, quatre types de réaction : la réaction des hommes qui disent que ‘’Oui c’est bien’’ , la réaction d’une partie des femmes qui ne dit que ‘’Woyy’’ qui est une logique militante, une réaction des femmes qui disent que ‘’Non ce n’est pas normal’’ et une réaction des hommes qui disent que ‘’Non ce n’est pas normal’’ , donc on est en présence d’une interprétation conflictuelle du phénomène selon la position politique et selon la position morale et intellectuelle. Mais, le système (le germe) qui permet d’interpréter, c’est-à-dire les outils qui permettent à l’esprit d’interpréter et qui se traduit en termes de position, ce système-là doit être déconstruit, démantelé et orienté et c’est à ce niveau-là qu’il y a une action de sensibilisation pour qu’il y ait au moins au niveau des institutions de la République mais au niveau de notre administration un fameux code de conduite connu et une possibilité de dénonciation pour que les gens se calment. Il faut que la sanction, les possibilités de dénonciation entraînant des sanctions soient vraiment formalisées et accessibles, pour que tout tiers, la victime mais aussi le témoin, même l’acteur qui ne serait pas témoin pourrait ester en justice pour qu’il y ait sanction. Sinon on aura la poursuite de ces phénomènes. Il faudrait que cela cesse et là, je dis bien, j’en interpelle la conscience personnelle de Monsieur le Président de la République, Macky Sall. Ici, c’est le même niveau que le territoire, la défense de la patrie, c’est la défense des hommes qui sont dans cette patrie-là. Si on n’est pas en mesure de défendre les personnes qui sont dans la patrie, les Sénégalais, ce n’est pas la peine. Il faut que le Procureur s‘auto saisisse, à défaut que le Ministre de l’Intérieur instruise le Procureur pour qu’il s’auto saisisse et là, la responsabilité du Chef de l’Etat est vraiment engagée. Il faut qu’il y ait une dynamique de communication pour qu’il y ait une compréhension profonde de cette situation, pour que nous puissions nous lever pour dire plus jamais ça. Et ce, en mettant en place un dispositif de dénonciation et de sanction directe et automatique. La logique de la méritocratie doit être la règle d’or dans notre société. Bref, il faut une véritable dynamique de reconstruction sociale autour de ça».

Pour Yamar NDAO, psychologue, sociologue : «Pas de grandes différences. Ce sont des Hommes de la société qui se retrouvent à l’assemblée. La violence est partout pareille car provoquée par une non maîtrise adéquate de ses émotions, comme la colère. Servira-t-il à quelque chose de frapper quelqu’un pour régler un problème ? Je pense que jamais. Dans le cadre institutionnel, de nouvelles règles et de nouvelles normes doivent être revues pour plus de sanctions aux immunités parlementaires». Khadim Ndiaye, Etudiant en Sociologie : «Que ce soit dans les foyers, la rue ou n’importe où, je peux dire que la paix intérieure doit être primordiale, parce que les gens n’ont plus cette aptitude de l’esprit du dépassement, il n’y a plus le pardon, le frère ne pardonne pas sa sœur, les couples sont tout le temps en train de se disputer et tant d’autres problèmes. Le matérialisme est devenu cette chose qui fait que chacun ne pense qu’à lui-même. L’éducation fait défaut, les ambitions sont aujourd’hui démesurées, c’est pourquoi il y a ces violences extrêmes qui entraînent souvent des blessés ou des morts, le sentiment se manifeste à travers les actes posés et je pense que c’est l’illustration la plus parfaite».

Conséquences de la ‘’violence parlementaire’’ sur le comportement des jeunes

Ibrahima Diop, Sociologue : «Ça va avoir des répercussions, s’il n’y a pas de sanction. Mais pas une sanction de type il a fait ça alors il a telle ou telle sanction, non, que l’on puisse réglementer certaines choses et de manière définitive, que l’on puisse se dire à partir de là, que désormais qui adopte tel ou tel autre comportement à l’égard des personnes vulnérables, puisse faire l’objet de sanction directe. Puisque pour qu’il y ait sanction, il faut qu’il y ait dénonciation d’abord. Lorsqu’on allait vers la 14 e législature, il s’agissait de poser un parlement ou une Assemblée nationale de développement. Lors des élections législatives passées, le débat s’est posé, mais autant dans la forme que dans le contenu de la campagne, on était plus sur des questions de personne, de personnalité qu’à des questions de type institutionnelle, programmatique et de projet de société. Donc je dis bien que cette Assemblée nationale ne peut pas donner des résultats pertinents, utilisables, utiles et bénéfiques pour notre société, parce que c’est plus un espace de type conflictuel qu’un espace programmation et de projet de développement». Khadim Ndiaye, Etudiant en Sociologie : «Ce comportement violent des parlementaires va forcément influencer les jeunes, qui, de près suivent avec intérêt tout ce qui se mijote dans leur pays, ils sont aujourd’hui de plus en plus imprégnés des affaires étatiques, ils sont donc impliqués et ils ne trouvent plus de repères, de bons exemples». Yamar NDAO, psychologue, sociologue : «Il y a ce qu’on appelle la reproduction sociale c’est-à-dire que psychologiquement une personne peut se permettre de légaliser la violence et la pratiquer car une autre personne plus « crédible » dans le pays l’a fait. C’est comme dans une maison, si le papa ou la maman insulte devant tous les enfants. Ces derniers qui prennent leurs parents comme des figures d’imitation peuvent insulter à leur tour des gens dehors dans les maisons et même envers leurs propres parents. La force intellectuelle a forgé le monde depuis son premier jour, alors c’est cette force qui peut répondre à une personne qui incite à la violence. Comme le disent les wolofs : ‘’mbaam soula wékhé nga fayou yeen niaar nieupp ay mbaam ngeen’’. En religion, il est plus recommandé de pardonner et de demander même que l’on pardonne à quelqu’un qui a causé du tort. Tout ce que tu ne veux pas qu’on te le fasse ne le fait pas à autrui. Il est commun de savoir que la violence physique est à l’homme ce que la violence verbale est à la femme mais peu importe, le respect n’a pas de genre et la maîtrise de soi doit être une logique d’apprentissage éternel pour tous».

Mamadou Sow (stagiaire)