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L’invité: Achevons de numériser la presse genevoise!

L’invitéAchevons de numériser la presse genevoise!

 

Philippe Amez-Droz - Chargé de cours à Medialab UNIGE

Publié aujourd’hui à 08h43

Un simple clic sur la plate-forme de la Bibliothèque nationale e-newspaperarchives.ch, et toute personne un brin curieuse de la valeur patrimoniale des journaux suisses sera comblée d’aise. Et pourtant un brin frustrée si elle est Genevoise, car, pour comprendre le présent et appréhender le futur, il est nécessaire d’accéder à la mémoire de tout le passé. Et, dans l’immédiat, ce passé genevois reste encore largement à numériser.

Si l’on clique Genève sur la plateforme de la Bibliothèque nationale, nulle trace encore de feu le quotidien «La Suisse» (dont l’auteur de ces lignes fut l’un des rédacteurs) ni du quotidien «Le Courrier». Bien présente, la «Tribune de Genève» est partiellement numérisée (éditions de 1879 à 1920).

Passé consigné, passé témoignage, passé expérience ou encore passé référence. Comme l’écrit l’historien québécois Jacques Mathieu (in «La mémoire dans la culture», Les Presses de l’Université Laval, 1995, p. 21), «il y a là une sorte de mouvement culturel général qui devrait être mieux observé dans le rapport des sociétés à leur passé».

Accessible, feu le «Journal de Genève» offre un baume compensatoire. Dès 2008, en partenariat avec la Bibliothèque nationale suisse et la Bibliothèque de Genève, et l’appui financier de la Fondation Sandoz et de la Banque Mirabaud, «Le Temps» avait été pionnier dans la mise à disposition en accès libre sur internet du premier grand journal suisse intégralement numérisé, le «Journal de Genève»: 520'000 pages, de 1826 à 1998. Les autres titres historiques du «Temps», la «Gazette de Lausanne» (1798-1998) et «Le Nouveau Quotidien» (1991-1998) ont également été mis en ligne à cette occasion.

«La mise en ligne de tous les journaux patrimoniaux genevois devrait être effective en 2025»

En temps de crise, de doute sur les enjeux sociétaux, la compréhension et l’interprétation des erreurs du passé constituent les vertus de la mémoire critique. La numérisation de la presse patrimoniale genevoise bénéfice du soutien de quelques donateurs (grande fondation privée, Loterie Romande, SIG, Tamedia), de l’appui de la Ville de Genève et, soutien déterminant, de la Bibliothèque de Genève. Fondée en 2019 et présidée par l’ancienne conseillère d’État Martine Brunschwig Graf, l’Association pour la numérisation des journaux patrimoniaux genevois (ANJG) supervise cette mission de mémoire qui n’est pas un long fleuve tranquille. Les problèmes techniques, liés aux volumes archivés dans des conditions pas toujours optimales, nécessitent savoir-faire, compétence et… patience.

Si tout se déroule bien, la mise en ligne de tous les journaux patrimoniaux genevois sera effective en 2025 avec plus de 2 millions de pages numérisées.

Par vagues ou tranches successives, ce patrimoine numérisé permet déjà aux chercheuses/chercheurs, étudiantes/étudiants, simples curieuses/curieux de prendre la mesure des débats d’idées dans le canton de Genève. D’étudier les grands et petits faits de la République à travers le prisme d’un traitement journalistique très différent de celui d’aujourd’hui. Plumes éditoriales, chroniqueurs, billettistes ou localiers, annonces: les styles et contenus reflètent les époques ainsi qu’un air du temps au parfum évanescent. La numérisation des archives du «Courrier» et de la «Tribune de Genève», titres fort heureusement bien vivants et ancrés dans le présent, comme celles de feu «La Suisse», doit être soutenue et même accélérée. Il n’en va pas que du patrimoine de la presse écrite, mais bien de la compréhension de notre cohésion sociale, de notre identité. Le philosophe américain George Santayana (1863-1952) a raison d’affirmer: «Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter.»

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