Mali
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S. E. M. Driss Isbayene, ambassadeur de sa majesté le Roi du Maroc au Mali, à propos du tremblement de terre qui a endeuillé son pays : “La réponse des autorités marocaines comme de tous les Marocains était à la mesure de la catastrophe”

S. E. M. Driss Isbayene, ambassadeur de sa majesté le Roi du Maroc au Mali

Trois semaines après le violent séisme (magnitude 7 sur l’échelle de Richter) qui a frappé son pays, faisant plus de 2946 morts et plus de 5674 blessés, l’Ambassadeur de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Mali, S. E. M. Driss Isbayène, a accepté de se confier à Aujourd’hui-Mali. Dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, il dit tout sur le tremblement de terre qui a mobilisé tout le peuple autour de son Roi comme ce fut le cas lors de la Grande Marche verte de 1975 visant à affirmer l’appartenance du Sahara marocain sous la férule de son Prédécesseur, Feu le Roi Hassan II. En l’occurrence, le leadership du Roi Mohammed VI, la solidarité nationale et internationale, l’assistance aux victimes, la reconstruction dans la résilience sont quelques-uns des sujets abordés avec le diplomate marocain. Sans tabou.

Aujourd’hui-Mali : Excellence, le Maroc a été violement touché par un séisme puissant d’une magnitude 7 sur l’échelle de Richter, qui est le plus violent de l’histoire du Royaume, avec un bilan triste actuel de 2946 morts et plus de 5.674 blessés. Beaucoup de pays amis du Maroc dont le Mali, ont présenté leurs condoléances à Sa Majesté le Roi, au peuple du Maroc, aux victimes du séisme. Que pouvez-vous en dire aux lecteurs de “Aujourd’hui-Mali” ?

Driss Isbayene : D’abord, j’aimerais vous remercier de l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à travers votre respectable Hebdomadaire sur cette tragédie qui a endeuillé le Maroc. L’occasion m’est permise ainsi de remercier aussi tous les amis maliens du Maroc qui ont exprimé leurs soutien, solidarité et compassion à l’égard des victimes du séisme. Sa Majesté le Roi Mohammed VI – Que Dieu L’assiste – a reçu les condoléances de Son Excellence, le colonel Assimi Goïta, président de la Transition et chef de l’Etat, comme de beaucoup d’autres chefs d’Etat des pays frères et amis. Sa Majesté avait [je cite le communiqué du Cabinet Royal du 9 septembre] “exprimé les remerciements les plus sincères du Royaume du Maroc à l’égard des nombreux pays frères et amis qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple marocain dans cette situation difficile et dont plusieurs ont exprimé leur disponibilité à apporter aide et assistance dans ces circonstances particulières”.

Comment le Maroc a réagi à cette catastrophe d’une telle ampleur quand on sait que le séisme a frappé des zones montagneuses déjà difficiles d’accès en temps normal et qu’il fallait réagir vite pour secourir les survivants ; apporter l’aide de premier secours ?

On peut dire que la réponse des autorités marocaines comme de tous les Marocains était à la mesure de la catastrophe. Car, dès que le séisme a frappé, les structures nationales de crise se sont mises en mouvement pour évaluer la situation, monitorer son évolution et organiser la riposte d’urgence. Les autorités locales, les forces de l’ordre et les équipes de la protection civile ainsi que des départements ministériels concernés se sont mobilisés immédiatement.

Quelques heures après le séisme, et sur Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, – Que Dieu L’assiste, les Forces armées royales ont déployé d’urgence des moyens humaines et logistiques importants, aériens et terrestres, ainsi que des modules d’intervention spécialisées à base d’équipes de recherche et sauvetage et d’un hôpital médico-chirurgical de campagne.

S. E. M. Driss Isbayene, ambassadeur de sa majesté le Roi du Maroc au Mali avec notre confrère Alou B Haidara

On sait que le Maroc a une expérience dans la gestion des catastrophes naturelles et qu’il en a même fait profiter à beaucoup d’autres pays amis. Le Maroc a vécu dans son histoire récente, deux autres séismes, celui d’Agadir en 1960 avec plus de 12 000 victimes et celui d’Al-Hoceima au nord avec plus de 600 victimes.  Le récent séisme, d’une magnitude plus forte (7 sur l’échelle Richter) et localisé dans les hauteurs du Grand Atlas, a obligé les autorités marocaines à innover et à agir vite dans leurs actions. Quelles étaient alors les premières mesures d’urgence ?

Les premières mesures d’urgence ont porté notamment sur : (i) la mobilisation des moyens et des équipes de recherche et de secours à l’effet d’accélérer les opérations de sauvetage et d’évacuation des personnes blessées ; (ii) l’approvisionnement en eau potable des zones touchées ; (iii) la distribution des kits alimentaires, des tentes et des couvertures au profit des sinistrés ; (iv) le déblayement des routes d’accès et l’acheminement de l’aide d’urgence.

Au plus haut niveau de l’Etat, il a été décidé, également, de nombreuses actions d’urgence, notamment la prise en charge des personnes en détresse, particulièrement les orphelins et les personnes vulnérables, notamment en termes d’hébergement, d’alimentation et tous autres besoins de base ; l’encouragement des opérateurs économiques à reprendre rapidement leurs activités au niveau des zones concernées ; et la constitution de réserves et stocks de première nécessité (médicaments, tentes, lits, aliments…)

Comment ont été traduites toutes ces actions sur le terrain quand on a vu que les Marocains, par leur grande solidarité envers les victimes et les régions sinistrés, se sont mobilisés à tous les niveaux, rappelant, pour ce moment tragique, un élan de patriotisme digne de celui de la Grande Marche Verte de 1975, pour la récupération du Sahara marocain ?

C’est totalement vrai quand vous faites cette comparaison, car, j’ai moi-même vécu cette épopée de la Marche verte étant encore un adolescent et le Marocain a confirmé qu’il peut faire preuve de solidarité et de citoyenneté sans égale. Comme une seule femme, un seul homme, les Marocaines et Marocains, particuliers, sociétés civiles ont fait preuve d’une solidarité immédiate et d’un sens aigu du nationalisme sans précédent. Des quatre coins du Royaume, toutes et tous se sont mobilisés spontanément pour organiser des opérations citoyennes de collecte de produits de première nécessité et des dons en nature, les acheminant jusqu’aux zones sinistrées, par leurs propres moyens. Et comme Sa Majesté le Roi, qui s’est rendu au chevet des victimes au centre hospitalier de Marrakech, faisant don de son sang, la population marocaine s’est mobilisée en masse, dans des queues interminables et jusqu’à ce jour, afin de faire don de son sang au profit des victimes du séisme.

Qu’en est-il alors de la solidarité internationale ? On sait que le Maroc a, judicieusement, évité une précipitation et une aide désordonnée internationale, évitant la répétition de certaines tragiques expériences dans les pays des Caraïbes, notamment. 

C’est vrai que le Maroc peut s’enorgueillir de voir que les offres d’aide affluaient de tous les pays du monde, mais il s’est efforcé de garder le cap et de rester concentré sur une démarche ordonnée et cohérente.  Tout en exprimant sa gratitude à ces manifestations sincères de solidarité, le Maroc a tenu à procéder, d’abord, à une évaluation minutieuse des besoins spécifiques sur le terrain, conscients qu’un déploiement massif et non-coordonné des aides serait contreproductif. Et c’est sur la base de cette évaluation que les autorités marocaines ont accepté, pour le moment, les offres de soutien manifestés par quelques pays [Espagne, Qatar, Royaume Uni et Emirats arabes unis], proposant de mettre à disposition des équipes en matière de secours et de sauvetage. Cette décision était opérationnelle et non pas politique. Elle est sans rapport avec la qualité des relations, mais tient surtout à l’adéquation avec les besoins de l’étape.

Trois semaines après la catastrophe, où en est-on, aujourd’hui, dans la gestion des conséquences de ce séisme ?

Après que les autorités marocaines aient recensé les victimes, qu’on ait enterré nos morts, qu’on ait secouru et soigné nos blessés et qu’on ait géré les premières phases d’urgence, le Maroc entre, maintenant, dans une nouvelle phase qui est celle de la reconstruction dans la résilience.

Je rappelle que dès les premiers jours de la catastrophe et devant cet élan de solidarité nationale et internationale, et sur les Très Hautes instructions de Sa Majesté le Roi – Que Dieu L’assiste – un compte spécial appelé “Fonds spécial pour la gestion des effets du séisme au Royaume du Maroc” a été créé auprès de Bank Al Maghrib (la Banque centrale du Maroc) en vue de recevoir les contributions volontaires de solidarité des organismes privés, publics et des citoyens. Initialement ouvert aux contributions internationales, aussi.

Aujourd’hui, les gouvernements, les collectivités locales, les ONG, les entreprises privées et les particuliers qui proposent d’apporter leur soutien aux sinistrés du séisme sont appelés à destiner leurs contributions à la phase de reconstruction des zones touchées dont le plan a été adopté et activé (projet concernant l’habitat, la santé, l’éducation…)

J’imagine Monsieur l’Ambassadeur qu’à ce stade, les autorités marocaines ont déjà planifié des programmes de relogement et de reconstruction en faveur des sinistrés et des régions affectées.

Certes, Sa Majesté le Roi – Que Dieu L’assiste – a présidé des séances de travail, les 9, 14 et 20 septembre, consacrées à l’activation du programme d’urgence pour le relogement des sinistrés et la prise ne charge des catégories les plus affectées par le séisme d’Al Haouz. Le plan d’action et de résilience s’appuie sur la Vision Royale d’une réponse “forte, rapide et volontariste” qui “respecte la dignité des populations, leurs us et coutumes et leur patrimoine”. Les mesures ne tendent pas seulement à réparer les dégâts du séisme, mais à lancer un programme intégré et ambitieux pour la reconstruction et la mise à niveau générale des régions touchées, aussi bien en termes de renforcement des infrastructures que de rehaussement de la qualité des services publics.

Ainsi, la première version du programme de relogement porte sur environ 50 000 logements totalement ou partiellement effondrés, au niveau des six provinces touchées (Marrakech, Al Haouz, Taroudant, Chichaoua, Azilal et Ouarzazate). Il consiste, d’une part, en des actions d’urgence de relogement provisoire et, d’autre part, à l’octroi d’une aide d’urgence de 30 000 dirhams [1,8 million de F CFA] aux ménages concernés.

Le programme consiste, aussi, en des actions immédiates de reconstruction, à déployer avec les opérations préalables d’expertise et de stabilisation des terrains. Une aide financière directe de 140 000 dirhams [plus de 8 millions de F CFA] sera affectée pour les logements totalement effondrés et 80 000 dirhams [4,8 millions de F CFA] pour couvrir les travaux de réhabilitation des habitations partiellement effondrées.

Pour le programme de reconstruction et de mise à niveau des régions sinistrées, il bénéficiera d’un budget prévisionnel global estimé à 120 milliards de dirhams [plus de 7200 milliards de F CFA], sur une période de cinq ans, la première version du programme intégré et multisectoriel couvre les six provinces et préfecture affectées par le tremblement de terre, ciblant une population de 4,2 millions d’habitants.

Votre mot de la fin Excellence

Je profite de cette occasion que vous m’offrez, à travers la vitre de votre illustre hebdomadaire, de remercier aussi les membres de la Communauté marocaine établie au Mali pour leur contribution aux efforts de tous pour alléger le fardeau de la catastrophe sur les victimes du séisme et pour leurs messages de solidarité.  J’en appelle, aussi, toutes les âmes charitables et solidaires à privilégier les contributions financières via le Compte spécial 126 dédié à la gestion du séisme. Mais si certaines veulent contribuer par des dons en nature aux sinistrés du tremblement de terre, ceux-ci peuvent être acheminés au Maroc via le circuit normal et selon la procédure en vigueur dans ce domaine.

Propos recueillis par El A.B. HAIDARA

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