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Selon Gaspard Koenig ("Humus"), les vers de terre peuvent nous sauver

Gaspard Koenig, 40 ans, est un romancier et essayiste prolifique. Prônant les idées libérales, il a créé un groupe de réflexion Génération libre en 2013 et, en 2020, il réalisait un grand voyage à cheval de 2500 km à travers l'Europe, de Bordeaux à Rome, sur les traces du périple effectué par Montaigne en 1580 !

Avec Humus, son retour au roman a fait mouche, son livre étant repris dans plusieurs listes pour les prix littéraires.

Aussi documenté que très agréable à lire, Humus suit un peu les traces des romans de Houellebecq : parler du monde d'aujourd'hui, du grand sujet qu'est l'écologie, décrire nos sociétés, mais avec un certain cynisme et une vue pessimiste sur les humains.

Son sujet, ce sont les vers de terre, appelés plus exactement les lombrics. Le romancier nous apprend tout sur ces petites bêtes de nos jardins, si peu aimées. Si on les mettait tous sur une balance, ils pèseraient plus lourd que les hommes, les éléphants et les fourmis réunis ! Il y en a entre une et trois tonnes à l'hectare dans les sols que l'homme n'a pas encore trop détruits.

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Changer le monde

Le livre démarre avec deux étudiants en agronomie à AgroParisTech, angoissés comme toute leur génération par la crise écologique. Ils refusent le défaitisme et se mettent en tête de changer le monde.

Arthur est fils de bourgeois et Kevin, fils d'ouvrier agricole. Un professeur leur apprend que ces vers sont essentiels à la terre mais qu'ils sont menacés par l'agriculture intensive et les pesticides. Or, sans les vers, plus de vie… Il existe cinq mille sortes de lombrics. Et leurs mœurs sont étonnantes, s'accouplant, par exemple, l'un contre l'autre pendant des heures.

Les deux amis vont se séparer bien vite et choisir chacun une voie différente pour lutter pour la planète et ses terres.

Arthur choisi une écologie plus radicale, revenant sur le terrain de ses grands-parents à Saint-Firmin pour démontrer que, grâce aux lombrics qu'il replace dans le sol, on peut faire revivre une terre épuisée par trop d'exploitation. Il tient un blog militant, joliment intitulé "En vers et contre tous".

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Voies opposées

Kevin, lui, imagine une machine qui peut transformer, grâce aux lombrics, les déchets qui s'accumulent dans nos pays en bon engrais, c'est le vermicompostage. Bientôt, il fait équipe avec Philippine, jeune femme ultra ambitieuse et efficace qu'il a rencontrée sur les bancs de HEC, la grande école de commerce. Avec elle, il voit grand, très grand, sur la scène du nouveau capitalisme vert. Ses machines, alternatives aux incinérateurs polluants, veulent être une réponse au réchauffement climatique et à la gestion des déchets : "On va recycler une dizaine de millions de tonnes de déchets par an. Sans dépenser un gramme de carbone", s'enthousiasme-t-elle.

Gaspard Koenig a bien étudié son sujet, n'hésitant pas à nous donner des mots nouveaux pour nous, comme la géodrilologie, la science des vers de terre.

Peu à peu, il apparaît que les deux voies, celle d'Arthur et celle de Kevin mènent toutes les deux à des impasses. Gaspard Koenig quitte alors la réalité observée pour se faire romancier plus sombre, nous promenant des cellules anarchistes aux salons ministériels et aux villas de San Francisco, pour nous raconter les paradoxes de notre temps.

Arthur doit se battre contre une nature moins sympathique qu'il ne l'avait cru, contre un voisin qui ne veut pas le voir réintroduire des haies, contre des règlements administratifs absurdes. De quoi se radicaliser…

Kevin, entraîné par Philippine, part vendre son vermicompostage à de grands investisseurs, y compris dans la Silicon Valley. On croise l'astronaute Thomas Pesquet, les dirigeants de l'Oréal, un ministre ravi de saluer en Kevin un fruit de la méritocratie républicaine. Mais ce monde de l'argent est aussi celui, montre Koenig, du cynisme et du mensonge.

Humus est un vrai grand roman, passionnant, qui alerte sur notre environnement menacé, mais c'est aussi un livre qui se termine par une satire apocalyptique sur les impasses qui bloquent les solutions.

Humus | Roman | Gaspard Koenig | L'Observatoire, 384 pp., 22 €, numérique 15 €

EXTRAIT

"On pouvait à la rigueur excuser les vraies crapules, ceux qui assumaient jusqu’au bout leur mépris de la société et de ses règles. Mais personne ne tolérait les repentis, à la fois nocifs et idiots, malfaisants et crédules."

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