Burkina Faso
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Dr Vincent Zoma étudie le transit routier du Mali et du Niger via le Burkina Faso

Ceci est un écrit du Dr Vincent Zoma de l’université Joseph Ki-Zerbo du département de Géographie intitulé Défis et perspectives du transport et de l’intégration régionale dans l’espace UEMOA : Cas du transit routier du Mali et du Niger via le Burkina Faso.

Depuis les années des indépendances, les dirigeants africains ont reconnu l’importance de l’intégration régionale pour faire face aux défis de la mondialisation (V. Zoma, 2015). Nonobstant cette reconnaissance, selon l’Organisation Mondiale du Commerce (2018), la participation de l’Afrique dans les échanges à l’échelle mondiale reste moins de 1%. Même si, plusieurs raisons expliquent cette faible participation à l’échelle mondiale et surtout la faiblesse des échanges intra-africains, l’intégration régionale ne peut donner de résultats probants si le transport qui soutient ces échanges comporte des déficiences.

La suite après cette publicité

En outre, « c’est une urgence, quand il est officiellement énoncé que le coût du transport peut représenter jusqu’à 77 % de la valeur des flux destinés aux territoires enclavés » (B. Steck, 2015, p.455-456). Pour les États membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ses pays sans littoral (le Burkina Faso, le Mali et le Niger) sont particulièrement concernés par les problèmes du transport routier international de marchandises.

Le manque d’accès direct à la mer les éloigne du marché mondial et les rend tributaires des pays voisins. Cependant, malgré sa situation de pays sans littoral, le Burkina Faso constitue un pays de transit pour le transport international de marchandises du Mali et du Niger. Le présent article vise à analyser les principales entraves du transit routier de marchandises de ces deux pays via le Burkina Faso en vue du renforcement de l’intégration de l’UEMOA. Ainsi, une enquête a été réalisée dans des communes frontalières (Koloko, Faramana et Kantchari) concernées par ce transit du Mali et du Niger via le Burkina Faso.

En plus, des entretiens ont été réalisés avec la police, la gendarmerie et la douane, avec les syndicats des conducteurs routiers, des transporteurs, des agents des services en charge du transport international de marchandises de ses trois pays, ainsi qu’avec les départements des transports, des infrastructures et de l’aménagement du territoire de l’UEMOA. L’analyse des données permettent d’appréhender plusieurs contraintes et perspectives du transit routier de marchandises en lien avec l’intégration régionale.

Plusieurs contraintes du transit routier et de l’intégration régionale

Le transport routier fait face à des contraintes qui entravent l’intégration régionale de l’UEMOA. En effet, l’un des obstacles à l’intégration régionale est la non-application des textes en matière de facilitation du transport régional. Les différents rapports de l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) montrent que les textes pour la facilitation des échanges communautaires ne sont pas appliqués. Le manque de volonté politique des États est le principal frein à la libre circulation dans la région où les tracasseries routières persistent.

Elles sont matérialisées par la corruption, les nombreux barrages de contrôle ou de sécurité qui se transforment souvent en des barrages de racket, en témoignent 80% des conducteurs (selon notre étude) qui se plaignent de ce fléau. Pour les 20% de conducteurs, ce fléau est devenu presque ‘‘la normale’’ en Afrique de l’Ouest si bien que cela ne leur dit plus rien. Le 26e rapport de l’OPA (UEMOA, 2017) souligne qu’en moyenne, sur un corridor de l’UEMOA, un camion en règle est contrôlé 20 fois par voyage et la moyenne des perceptions illicites tout au long d’un corridor de l’espace UEMOA est de 26 562 FCFA.

Le manque de volonté politique à appliquer les textes en matière de facilitation du transport régional amplifie les tracasseries qui sont devenues l’un des véritables obstacles à l’intégration régionale. Ce fléau influence les délais d’acheminement des marchandises (encore long) et le prix de revient du transport routier élevé dans les pays de l’UEMOA.  Cette situation entraine un faible dynamisme des échanges intracommunautaires.

De 2012 à 2016, les échanges intracommunautaires de marchandises de l’UEMOA qui s’effectuent par la route sont insignifiantes, seulement 8 % (UEMOA, 2017). Il ne saurait avoir une intégration sans un bon dynamisme des échanges intracommunautaires. Ainsi, face à ces multiples contraintes qui entravent le secteur du transit routier de marchandises, des éléments de perspectives dont le but est de parvenir au renforcement de l’intégration régionale sont analysés.

Quelles perspectives pour l’intégration régionale grâce au transport ?

Sans une réelle volonté politique pour l’application des textes communautaires, l’intégration régionale demeurera un mythe.  Les multiples rapports de l’OPA et des structures de lutte contre la corruption devraient faire l’objet d’investigation judiciaire de sorte que les auteurs des tracasseries et leurs complices soient sévèrement sanctionnés. Il serait souhaitable d’offrir des possibilités juridiques à chaque citoyen membre de l’Union de pouvoir porter plaintes contre des situations de tracasseries devant les juridictions compétentes dans le pays de l’UEMOA qu’il souhaite.

Lire également 👉« Ma thèse en 180 secondes » : Vincent Zoma, champion du Burkina Faso

En plus, dans notre siècle, marqué par le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), leur utilisation serait un atout pour la facilitation du transport régional. Ces technologies permettront d’impliquer plusieurs acteurs du transport, de collecter, de traiter rapidement certaines opérations portuaires et sur les corridors, de participer à une plus grande transparence dans le transport régional. Au-delà des projets déjà existant et qui souvent sont très onéreux et prennent du temps dans la mise en œuvre, il est nécessaire que les populations victimes des tracasseries aient la possibilité d’utiliser les technologies courantes de la communication pour rapporter leurs preuves.

Avec cette possibilité, un passager, un chauffeur ou tout autre acteur du transport qui est victime ou témoin de telles pratiques, pourrait par exemple filmer ou enregistrer légalement la tracasserie et s’en servir comme une preuve pour exiger que justice soit rendue. L’encadrement de cette stratégie par la législation communautaire est nécessaire afin qu’elle soit supranationale; mais il faut une réelle volonté politique en amont pour impulser cette stratégie.

En somme, l’intégration régionale qui devrait être un socle pour le développement des pays sans littoral demeure encore un mythe. L’absence d’une véritable volonté politique des États de l’UEMOA à veiller à l’application des conventions régionales qu’ils ont librement ratifiées est à la base de l’amplification et de la persistance du fléau des tracasseries routières dont le corolaire est l’augmentation du coût de revient du transit routier de marchandises. Cette augmentation contribue à l’affaiblissement du dynamisme des échanges intracommunautaires pourtant indispensable pour le renforcement de l’intégration régionale.

Ainsi, il faudrait une réelle détermination des autorités politiques des États de l’Union. Cette volonté politique mettrait fin aux tracasseries routières et stimulerait les autres mesures non moins essentielles. Il s’agit entre autres de l’utilisation des TIC, du renforcement des capacités des acteurs, du développement du transport multimodal. Mais, il faudrait au préalable repenser les approches de l’intégration régionale dans l’optique de combiner l’approche classique avec la prise en compte des dynamiques locales.

Références bibliographiques

ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC), 2018, Examen statistique du commerce mondiale 2018, Genève, 215 pages.

STECK Benjamin, 2015, « Introduction à l’Afrique des ports et des corridors : comment formuler l’interaction entre logistique et développement », in « L’Afrique : environnement, développement, sociétés » (Pierre André, Georges Lanmafankpotin et Samuel Yonkeu, dir.), Cahiers de géographie du Québec, volume 59, numéro 168, décembre 2015, pp.447-467.

UEMOA, 2003, Traité modifié de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Ouagadougou, 41pages.

UEMOA, 2017a, 26ème rapport des Pratiques Anormales (OPA) : rapport annuel de l’année 2016, Ouagadougou, 14 pages.

UEMOA, 2017b, Rapport annuel sur la surveillance commerciale 2017, Ouagadougou, 41 pages.

ZOMA Vincent, 2015, Aménagement du territoire et intégration régionale: cas de l’UEMOA, Mémoire de master recherche en géographie, Université de Ouagadougou, 65 pages.

Dr Vincent ZOMA

Université Ouaga Joseph KI-ZERBO/ Département de Géographie,

E-mail: [email protected]

Écouter l’article

publicite

publicite