Burundi
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Le charbon manque, les usagers remontés

A Bujumbura, le charbon de bois se raréfie de plus en plus. Certains points de vente sont vides. Là où ce combustible existe encore, les prix ont explosé. Ce qui donne du fil à retordre aux ménages qui l’utilisent majoritairement pour cuire. Reportage.

Zone Bwiza, 4ème avenue, commune Mukaza. Moins de dix sacs de charbon de bois restent sur un point de vente. Innocent Kabura, un vendeur, essaie de les gérer rationnellement pour ne pas épuiser rapidement son stock. « C’est difficile. Je n’ai reçu que sept sacs alors que les demandeurs sont nombreux », raconte-t-il. Et le prix a été revu à la hausse. « Pour un sac qui était vendu à 40 mille BIF, il se vend aujourd’hui à 60 mille BIF ou 65 mille BIF. »

Interrogée, sa patronne indique que son commerce ne marche plus : « La situation nous dépasse. Le charbon n’est plus disponible. Les grossistes nous disent qu’ils ont des difficultés de trouver du charbon dans le pays. Ils reviennent souvent avec des camions à moitié remplis. »

Cette mère indique qu’elle avait fait une commande de 40 sacs, mais elle n’en a reçu que dix. Pour être à même de payer son vendeur et le propriétaire de la parcelle où est installé son stand, un demi-sac est désormais vendu à 35 mille BIF. « Une hausse de 10 mille BIF en l’espace d’un mois». Elle n’a pas espoir d’être servi de nouveau : « Récemment, j’ai passé presque deux semaines sans aucun sac. »

La situation est identique à la 1ère avenue dans la zone Bwiza. Sur ce stand, il n’y a qu’une vingtaine de sacs. « Et je pense que les gens vont rafler ces quelques sacs qui restent ici. Car la demande est très forte alors que nous n’avons pas de produits suffisants », assure le détaillant.

Un calvaire pour les ménages

Dans les familles, la situation est compliquée. « Aujourd’hui, nous avons pris la décision de faire la cuisson une seule fois par jour. Il me serait très difficile d’avoir 7 mille BIF pour le charbon de bois seulement », souligne Thomas, un père de famille de Nyakabiga. D’habitude, il utilisait 3500 BIF pour l’achat de ce combustible. Ce père de quatre enfants est dépassé : « En tout cas, si la situation perdure, je ne vois pas comment je vais continuer à subvenir aux besoins de ma famille. Pire, les prix montent, et le salaire reste le même. »

Inès Sinzinkayo, de Kanyosha, au sud de Bujumbura, se lamente aussi : « Le charbon de bois est devenu une denrée rare et chère. Aujourd’hui, pour une journée, je dois dépenser 5 mille BIF alors qu’avant, j’utilisais 2 mille BIF. » Cette mère de famille ajoute que, pour en avoir, il faut faire la queue pendant des heures.

La pénurie du carburant est une des causes de ce manque du charbon de bois à Bujumbura

Idem au nord de Bujumbura. Les prix sont passés du simple au double. « Avant, on pouvait avoir du charbon à 500BIF, ne fût-ce que pour cuire le haricot, mais maintenant cela revient à 1000BIF », se lamente Candide, une mère rencontrée à la 6e avenue au quartier Mirango I à la jonction avec la RN1. Comme au sud ou au centre de Bujumbura, le charbon se raréfie de plus en plus. « Avant, on était beaucoup approvisionné par des vélos. Mais, aujourd’hui, ils ne viennent plus », se lamente un vendeur qui confie qu’il ne lui reste que quelques sacs : « Je dois gérer de façon que mon stock ne s’épuise pas avant qu’on approvisionne de nouveau.»

Pour avoir un peu de sacs, ce jeune homme indique qu’ils ont recours aux camions transportant les briques de Kayanza ou de Bukeye. « On leur demande de mettre de côté deux ou trois sacs. Et on les paie».
Beaucoup de sources affirment que les prix montent du jour au lendemain : « Un sac moyen qui coûtait 28 mille BIF est aujourd’hui à 35 mille BIF. Le grand sac qui coûtait entre 40 et 45mille BIF s’achète aujourd’hui entre 60 et 70 mille BIF »
Pour ceux qui traversent la RN1, ils doivent y ajouter les frais de transport à hauteur de 2 ou 3 mille BIF par sac et selon la distance.

Dans le quartier Taba et Gisandema, zone Gihosha, commune Ntahangwa, un sac de charbon coûte entre 55 mille et 60 mille BIF alors qu’auparavant, il coûtait, au plus, 45 mille BIF.

Manque de carburant et taxes à la pelle

Les grossistes qui approvisionnent Bujumbura en charbon, eux aussi, ne savent pas à quel saint se vouer. Leur business n’est plus rentable. « C’est vraiment très difficile, ces derniers mois », raconte Mélance, un d’entre eux. Joint par téléphone, il indique que leur travail est perturbé. Et il assure que le manque de carburant en est la première cause : « Tu peux passer trois jours sur une station-service sans être servi. Pour ne pas arrêter le travail, tu es obligé de t’approvisionner en carburant chez les vendeurs ambulants. Pour avoir un bidon de 20 litres, tu débourses entre 80 mille et 100 mille BIF.»

Mélance fait savoir que cela entraîne une augmentation de plus de 1500 BIF sur un litre : « Pour avoir un litre, on payait 2350 BIF. Aujourd’hui, quand on s’approvisionne sur le marché noir, on doit débourser entre 4 mille BIF ou 4500 BIF. Ainsi, un camion qui faisait six tours par semaine ne fait plus qu’un ou deux tours. »

Ce grossiste évoque aussi la mesure d’interdiction des vélos en mairie de Bujumbura : « Beaucoup de ménages des zones périphériques comme Kamenge, Kinama, Kanyosha, Musaga… étaient approvisionnés en charbon par des vélos en provenance de la province Bujumbura. »
Il signale aussi que durant les mois de fortes précipitations, certains coins deviennent inaccessibles : « Les routes deviennent impraticables pour les camions. Et là, difficile de s’y aventurer pour charger le charbon. »

Ce dernier soutient que les grossistes en charbon paient aussi beaucoup de taxes : « Avant le mois d’août 2021, la taxe communale par sac était entre 200 et 300 BIF. Mais, aujourd’hui, c’est 1000BIF. Nous devons aussi payer l’OBR à hauteur de 1200 BIF par sac alors qu’à cette date, on payait 400BIF. A cela, il faut ajouter la taxe municipale de 400BIF par sac. »
Et ce n’est pas tout comme dépenses. « Avant, on louait un camion de type Fuso à 400 mille BIF. Actuellement, c’est entre 550 mille et 700 mille BIF». Selon lui, tous ces différents facteurs font que le prix du charbon explose.

L’Abuco s’inquiète aussi

Pierre Nduwayo : « Nous demandons à l’Etat de revoir à la baisse les différentes taxes. »

Pour l’association burundaise des consommateurs (Abuco), il faut voir comment faciliter le travail aux grossistes de charbon de bois. Pierre Nduwayo, son porte-parole, demande à l’Etat de revoir à la baisse les différentes taxes : « Il faut aussi rendre disponible le carburant afin que ces grossistes trouvent ce produit facilement. » M.Nduwayo trouve aussi important de trouver une alternative au charbon de bois pour cuire. « Cela permettra aussi de protéger nos forêts», conclut-il.