Cote d\'Ivoire
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Côte d’Ivoire-AIP/« Le RSTI connaît une adoption croissante » à Agboville, affirme le chef d’agence CNPS (Interview)

Agboville, 25 oct 2023 (AIP) – Présenté officiellement en octobre 2021 aux populations d’Agboville, le Régime social des travailleurs indépendants (RSTI) connait une adoption croissante avec une augmentation significative des inscriptions, selon le chef d’agence de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), Boni De Caubloh Yannick. Il signale cependant que le chantier reste énorme avec des défis à relever. Entretien.

AIP : Qu’est-ce que c’est que le RSTI ?

M. Boni : Le RSTI (Régime social des travailleurs indépendants) est un système de couverture sociale mis en place par l’État de Côte d’Ivoire. C’est un dispositif innovant et flexible afin de favoriser l’inclusion des travailleurs indépendants dans le système de prévoyance sociale en vue de leur fournir une sécurité contre les risques de perte de revenu financier, une protection sociale pour les travailleurs indépendants.

En effet, avant l’avènement du RSTI en 2019, près de sept millions de travailleurs indépendants en Côte d’Ivoire ne bénéficiaient d’aucune protection sociale car exclus du champ d’application des régimes d’assurance sociale. Aujourd’hui, sous l’impulsion de l’Etat de Côte d’Ivoire, cette injustice est corrigée. Le travailleur indépendant peut bénéficier de couverture sociale au même titre que le fonctionnaire ou le travailleur salarié. Alors qu’est-ce qu’un travailleur indépendant ? Un travailleur indépendant en Côte d’Ivoire est une personne qui exerce une activité professionnelle sans être liée à un employeur par un contrat de travail, c’est-à-dire que le travailleur indépendant est à son propre compte, il est son propre patron. Il peut donc se faire immatriculer à la CNPS et bénéficier de couverture pour divers risques tels que la maladie, la maternité, la vieillesse.

AIP : Deux ans après sa présentation officielle à Agboville, comment se comporte le produit RSTI?

M. Boni : Deux ans après sa présentation, le RSTI connaît une adoption croissante. Nous avons vu une augmentation significative des inscriptions, indiquant une prise de conscience de l’importance de la protection sociale parmi les travailleurs indépendants d’Agboville, mais le chantier est encore énorme. Notre population cible est en majorité agricole et donc localisée dans les zones rurales reculées. Aussi, un peu plus de la moitié n’a aucun niveau d’instruction, il faut donc adapter le message pour une adhésion totale des travailleurs indépendants. Les défis auxquels la CNPS et ses assurés sont confrontés sont colossaux. Cela peut inclure la complexité administrative, à ce niveau un effort de simplification a été consenti par notre institution pour s’adapter à nos travailleurs indépendants lorsqu’ils veulent s’immatriculer à la CNPS. En plus, la difficulté à prévoir des revenus stables est à prendre en compte.

Sans oublier le manque de sensibilisation ou d’information sur leurs droits et obligations en matière de protection sociale. Là-dessus, la direction générale de la CNPS a mis les moyens à notre disposition pour faire passer le message, à aller dans les hameaux les plus reculés pour apporter la bonne nouvelle, dire aux travailleurs indépendants qu’ils peuvent bénéficier de prestations sociales au niveau de la CNPS en cas d’accident, de maladie et plus tard avoir une pension de retraite.

AIP : Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face avec ce service de prévoyance sociale pour le secteur informel ?

M. Boni : Les défis qui se présentent à nous sont, comme je l’ai dit, énormes. Quelques chantiers qui sont essentiels pour ma part. D’abord, la sensibilisation car beaucoup de travailleurs du secteur informel n’ont pas connaissance des avantages à souscrire à la CNPS, certains ignorent toujours l’avènement du RSTI ou ne comprennent pas comment il fonctionne. Il est donc crucial d’investir dans des programmes de sensibilisation et de communication. Ensuite, l’identification et l’enregistrement des travailleurs indépendants. En effet, beaucoup de travailleurs du secteur informel n’ont pas de documents officiels ou d’identifiants formels, ce qui complique leur enregistrement dans le système. La CNPS réfléchit à la mise en place d’une attestation sur l’honneur avec présence de témoins pour certifier de l’état civil du travailleur indépendant. Enfin l’existence de méfiance envers les institutions. Une certaine méfiance vis-à-vis des institutions gouvernementales ou formelles peut exister, rendant les travailleurs réticents à s’inscrire ou à partager des informations.

Par ailleurs, d’autres défis nous attendent au niveau de la capacité financière des travailleurs indépendants. Les revenus dans le secteur informel sont souvent faibles, ce qui rend difficile pour beaucoup de s’engager à des cotisations régulières et la collecte des cotisations. En effet, contrairement au secteur formel où les cotisations peuvent être déduites directement des salaires, dans le secteur informel, la collecte est plus complexe en raison de revenus irréguliers et souvent non déclarés.

AIP : Quelles stratégies avez-vous mis en place pour atteindre les zones reculées ?

M. Boni : Avant de détailler la stratégie mise en place, permettez-moi de vous faire un bref état des lieux pour cerner les enjeux au niveau de la couverture des populations en zone rurale. Selon une Enquête nationale sur travailleurs indépendants (ENTI) qui a été réalisée en 2019, un peu plus de 40% des travailleurs indépendants vivent dans des zones rurales. Ces zones sont pour la plupart enclavées, avec diverses problématiques. En effet, nous notons dans certaines zones un accès limité aux services de base. Les habitants de ces zones peuvent avoir du mal à accéder aux services essentiels tels que les soins de santé, l’éducation, l’eau potable et l’électricité en raison du manque d’infrastructures adéquates.

De plus, l’on peut constater le faible développement économique. En raison de l’isolement et du manque d’opportunités, les zones rurales enclavées ont souvent des économies moins développées. L’agriculture de subsistance et les activités traditionnelles peuvent dominer. Pour finir, il peut exister un manque d’infrastructures de transport. Les routes et autres infrastructures de transport peuvent être peu développées ou inexistantes dans ces régions. Cela rend la circulation des biens, des personnes et des services plus compliquée.

La CNPS, consciente de l’importance de sa mission, c’est-à-dire couvrir toute la population des travailleurs indépendants, a opté pour la proximité avec l’ouverture prévue d’agence dans toutes les grandes localités. A notre niveau au sein de l’agence d’Agboville, nous avons mis en place des équipes mobiles qui se déplacent dans les zones éloignées pour sensibiliser et inscrire les travailleurs. De plus, nous collaborons avec des organisations locales pour étendre notre portée. L’idée, c’est de mettre à la disposition des travailleurs indépendants, des points d’accès locaux ou ces travailleurs peuvent obtenir des informations supplémentaires ou recevoir une assistance pour faire les demandes de prestations. Ces points d’accès peuvent être des sous-préfectures, centres de santé, des bureaux de la poste, des écoles ou des lieux communautaires où les gens se rassemblent régulièrement.

Nous organisons régulièrement des campagnes de sensibilisation, des campagnes médiatiques, et des sessions d’information pour éduquer les acteurs sur les avantages de la prévoyance et l’importance de se protéger contre les risques futurs. La communication se fait aussi dans les langues locales pour toucher le maximum de populations.

AIP : Comment mesurez-vous l’impact du RSTI sur les acteurs du secteur informel?

M. Boni : Nous utilisons divers indicateurs tels que le nombre d’inscriptions, le taux de cotisation, et les retours des adhérents. Nous pourrons plus tard aller plus loin comme évaluer l’amélioration de la qualité de vie et la réduction de la vulnérabilité financière des adhérents. Le projet étant naissant, et comme toute nouveauté, il fait aussi face à une certaine méfiance des populations cibles. A nous de redoubler d’effort pour convaincre du bienfondé du RSTI.

AIP : Les cotisations sont-elles régulières? Qu’est-ce qui est prévu pour ceux qui ne sont pas à jour ?

M. Boni : Si la plupart de nos adhérents respectent leur calendrier de cotisations, certains rencontrent des difficultés. Pour ceux qui ne sont pas réguliers, des pénalités pourraient être appliquées, mais nous offrons également des plans de paiement flexibles pour aider ces individus. En tout état de cause, nous informons le travailleur indépendant dès son enrôlement, que s’il n’est pas à jour il ne peut pas bénéficier de prestations.

AIP : Certains ont-ils déjà bénéficié des prestations du RSTI ?

M. Boni : Oui, plusieurs adhérents ont bénéficié des prestations offertes par le RSTI. Les demandes les plus fréquentes concernent les congés de maternité.

AIP : Quels sont les secteurs d’activité de vos clients RSTI et lequel est en vogue ?

M. Boni : Nos clients RSTI proviennent de divers secteurs. Afin de leur apporter une offre de service sur mesure, des catégories socioprofessionnelles ont été définies. Nous en avons 11 qui sont les exploitants agricoles, commerçants, artisans, transporteurs, religieux et assimilés ,artistes et professionnels des médias ,libéraux et mandataires sociaux, consultants ,exploitants miniers, sportifs, ivoiriens de la diaspora.

Vous observez la présence des religieux et des ivoiriens de la diaspora dans les catégories socioprofessionnelles. Pour ces derniers qui ne font pas d’activité professionnelle, nous les assimilons à des travailleurs indépendants dans ce nouveau régime pour qu’ils puissent bénéficier des prestations. Quant à la catégorie des ivoiriens de la diaspora, le RSTI leur offre la possibilité de pour voir assurer leurs vieux jours et faciliter leur retour au pays lorsqu’ils seront à la retraite. Cette catégorie ne cotise que pour la retraite.

Pour revenir à votre question, il faut préciser que trois secteurs d’activités dominent à 95% à Agboville. Ce sont les exploitants agricoles, les commerçants et les artisans.

(Interview réalisée par Esther Yao)

(AIP)

ena/cmas