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Jean-François Revel commente la féminisation des mots

Canal académies: Jean-François Revel de l'académie française est né en 1924 à Marseille, mort le 30 avril 2006 à Paris.

[ Publié / Modifié il y a 5 minutes ]

Le sexe des mots: Jean-François Revel commente la féminisation des mots
Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.

Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux , relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?
Absurde!
Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Goumont est une plume brillante». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.

Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.

Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.

L’Intelligent d’Abidjan

Jean-François Revel est né en 1924 à Marseille, dans une famille d’origine franc-comtoise. Il a fait ses études secondaires à l’École libre de Provence, puis préparé à Lyon, au lycée du Parc, l’École normale supérieure, où il a été reçu en 1943. Il participe à la Résistance et, de ce fait, en 1944, après la Libération, est chargé de mission au commissariat de la République de la région Rhône-Alpes pendant quelques mois.

Agrégé de philosophie, il a été nommé successivement à Tlemcen (1947-1948), au lycée français et à l’Institut français de Mexico (début 1950-fin 1952), à l’Institut français ainsi qu’à la Faculté des lettres de Florence (1952-1956). Revenu en France à la fin de 1956, il fait partie du cabinet du sous-secrétariat d’État aux Arts et Lettres avant de prendre un poste d’enseignant au lycée Faidherbe à Lille (1957-1959) puis au lycée Jean-Baptiste Say à Paris. Il quitte l’Université en 1963.

Sa carrière littéraire commence en 1957 ainsi que sa carrière journalistique. Il a en outre assumé les fonctions de conseiller littéraire et de directeur de collection chez René Julliard, Jean-Jacques Pauvert, Robert Laffont jusqu’en 1978, date à laquelle il devient directeur de l’hebdomadaire L’Express, dont il était l’un des éditorialistes depuis 1966. Il démissionne de la direction de L’Express en 1981 puis devient, en 1982, chroniqueur au Point, poste qu’il occupe jusqu’en 2006.

Il a collaboré également, en qualité d’éditorialiste, à des stations de radio : Europe n° 1 (1989-1992), R.T.L. (1995-1998).

Élu à l’Académie française, le 19 juin 1997, au fauteuil d’Étienne Wolff (24e fauteuil).
Mort le 30 avril 2006 à Paris.
Source: canalacademies.com