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Abus sexuels : à Lourdes, les évêques misent sur un changement de culture « sur le temps long »

Ils sont une centaine de laïcs, clercs et religieux qui, pendant dix-huit mois, ont élaboré 60 propositions pour lutter contre les violences sexuelles et spirituelles dans l’Église. Chacun de ces groupes de travail - missionnés après la publication du rapport Sauvé - était composé à deux tiers de laïcs et comprenait toujours un évêque. Appelés à se prononcer sur leurs propositions, les évêques de France, réunis en Assemblée plénière à Lourdes, ont partiellement dévoilé le résultat de leurs votes, vendredi 31 mars. Le détail du scrutin point par point n’a pas été révélé.

« Certaines des mesures proposées nous ont paru confirmer ce qui avait déjà été décidé, d’autres étaient plus neuves ; nous avons jugé certaines peu réalistes, dans l’état de nos forces », a reconnu Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), dans son discours de clôture. « Beaucoup surtout dépendent pour leur mise en œuvre d’autres que nous, que nous avons donc décidé d’appeler à s’impliquer »

« Sur bien des sujets, nous renvoyons la responsabilité à d’autres »

Officiellement, les évêques ont acté leur consensus sur des sujets tels que la généralisation des bonnes pratiques face à des cas d’abus, le cadre de la confession et l’accompagnement spirituel (qui ont été parmi les principaux lieux d’agressions), l’accompagnement des prêtres et des évêques, les moyens de contrôle des associations de fidèles… Un point de discorde assez net s’est toutefois dessiné autour de l’analyse faite par le groupe de travail n° 8, consacré à l’analyse des causes des violences sexuelles. Si leur réflexion sans concession sur le cléricalisme a été jugée « très stimulante » par le président de la CEF, les propositions élaborées par l’équipe - généralisation de la prédication des laïcs, ouverture du diaconat féminin… - ont été rejetées sur le fond.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort a insisté sur le climat de « sérénité discrète, impalpable mais réelle » de cette assemblée de printemps. Certains laïcs, qui ont eux-mêmes salué le travail de collaboration effectué à Lourdes, semblent toutefois perplexes à l’issue du processus. Car si les évêques ont, à de nombreuses reprises, souligné la qualité de leurs préconisations, ils n’ont réalité mis au vote qu’une petite partie d’entre elles. « « Certains sont peut-être déçus. Sur bien des sujets, nous renvoyons la responsabilité à d’autres (…) mais ce n’est pas pour nous en débarrasser », a insisté Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le président de CEF, dans son discours de clôture. « C’est au contraire pour que les réflexions partagées et les décisions suggérées puissent entrer concrètement dans les faits et devenir la norme des comportements de tous ».

Le « terrain » prié de s’emparer des mesures

Concrètement, sur les 60 propositions, les évêques ont adopté une dizaine de mesures les concernant directement et touchant à leurs missions. Pour les autres thèmes, ils ont appelé les instances concernées (séminaires, prêtres, conseils presbytéraux, cellules d’écoutes…), à s’emparer, sur le terrain, des mesures des groupes de travail, jugeant cette méthode plus « efficace ».

Ce choix s’est imposé pour deux types de propositions, selon des observateurs du processus. Celles qui ne rentreraient pas dans le périmètre de ce que peut décider une conférence épiscopale : c’est le cas de la suggestion de relancer auprès du Saint-Siège la réflexion sur diaconat féminin. Et celles qui, selon les évêques, n’avaient pas vocation à être décidées « d’en haut » par la CEF, sans concertation avec les prêtres ou les responsables concernés, au risque de les braquer : c’est le cas par exemple des mesures sur l’accompagnement des prêtres, notamment celles censées « favoriser leur équilibre de vie » (encouragement à ce qu’ils ne vivent pas seuls ou qu’ils bénéficient de formations tout au long de leur carrière). « Ces mesures nous semblent sages mais elles ne porteront les fruits espérés que si les prêtres les reçoivent ou les désirent », a expliqué le président de la CEF.

« Les évêques n’ont pas respecté leur part du contrat »

Du côté des laïcs qui ont participé au processus, certains sont amers. « Nous avions compris de la CEF qu’elle s’engagerait au moins à adopter des votes de principe et d’engagement, actant que les évêques soutiendraient des propositions dans leurs diocèses autant que faire se peut. En ne les soumettant même pas au vote, ils n’ont pas respecté leur part du contrat », fulmine un catholique engagé.

Parmi les mesures élaborées par les groupes de travail et effectivement adoptées, un certain nombre concerne l’accompagnement au ministère de l’évêque. Ils ont donc acté pour eux-mêmes plusieurs résolutions telle « le principe de visites régulières faites à chacun d’entre eux », dans leur diocèse, qui seraient effectuées par un binôme composé d’un évêque et d’un laïc. En revanche d’autres propositions ont été rejetées, comme la publication des bans auprès du diocèse d’origine entre l’annonce de la nomination d’un futur évêque et son ordination épiscopale. « L’annonce d’une nomination deviendrait l’ouverture de la possibilité de délation », a justifié Mgr Eric de Moulin Beaufort.

« Nous travaillons sur du temps long »

La CEF a également voté des réformes sur son propre fonctionnement, telle que la tenue d’une assemblée plénière de style synodal tous les trois ans, dont la première se tiendra en 2025. Chose notable : les évêques n’ont pas ouvert – comme demandé par les groupes de travail – de droit de vote dans cette instance aux trois laïcs actuellement membres du conseil permanent de la CEF. « La préparation de la décision est synodale mais la prise de décision revient aux évêques », a précisé Éric de Moulins-Beaufort.

Enfin des mesures ont également été votées pour renforcer les moyens de contrôle des associations de fidèles. Les évêques ont par exemple acté la vérification, avant toute reconnaissance, de l’histoire du groupe, du projet, du parcours du fondateur. Ils ont aussi décidé de visites régulières dans ces associations et de créer un réseau national pour leur suivi. Un point d’évaluation de toutes les résolutions votées a été fixé par la CEF en mars 2025. « Certains aimeraient des résultats immédiats, a confié Mgr Dominique Blanchet, mais nous travaillons sur du temps long »