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En Corée du Sud, la Cour suprême appelée en renfort des droits des couples homosexuels

Dans un petit immeuble paisible du quartier résidentiel de Séoul dans lequel ils se sont installés, un filet de lumière perce les drapeaux arc-en-ciel qui servent de rideaux à So Seong-wook et Kim Yong-min. Les deux hommes ont toujours du mal à réaliser ce qui leur arrive. «On a reçu des messages de tout le monde, même notre agent immobilier nous a félicités», rigole Seong-wook. Le 21 février dernier, la Haute Cour de Séoul leur a donné raison dans le feuilleton judiciaire qui les oppose au service d’assurance santé du pays. Pour la première fois, une instance juridique sud-coréenne a reconnu un droit à un couple de même sexe.

«L’amour a gagné»

Tout a commencé par une cérémonie de mariage devant 300 personnes en 2019. «J’ai toujours eu cette espèce d’idéal romantique», s’amuse Kim Yong-min. Même sans aucune reconnaissance juridique, ils célèbrent leur union. «Nous avons entendu dire que je pourrais m’inscrire à l’assurance maladie en tant que personne à charge de Seong-wook, alors je l’ai fait.» Le National Health Insurance Service (NHIS) accepte. Mais dès que leur situation est médiatisée et que l’institution comprend qu’il s’agit d’un couple de même sexe, elle lui coupe les droits. En 2021, les deux hommes prennent alors la décision qui les fait passer de couple anonyme à symbole de la lutte pour les droits LGBT+. Soutenus par des associations, ils se lancent dans un combat judiciaire. La première décision de justice leur est défavorable, avant la victoire de cet hiver.

«Aujourd’hui, l’amour a gagné et il va continuer à gagner», assurait alors So Seong-wook, la larme à l’œil après ce succès historique. Malgré l’appel de la NHIS qui les oblige à attendre la décision de la Cour suprême avant de peut-être se voir octroyer un premier droit en tant que conjoint, Yong-min en est certain : l’avenir des personnes LGBT+ en Corée est fait d’avancées majeures. «C’est un seul droit que l’on est en train de conquérir, et cela nous a pris deux ans. On n’a pas 2 000 ans devant nous», assure le militant. Derrière son image de pays ultramoderne, la Corée du Sud cache une législation discriminante.

Le vote d’une loi interdisant la discrimination sur la base du genre ou de l’orientation sexuelle est appelé de ses vœux depuis de très nombreuses années par les associations. En attendant, l’armée interdit toujours les relations homosexuelles entre soldats alors que chaque Sud-Coréen doit servir 18 mois sous les drapeaux. Un paradoxe que Yong-min et Seong-wook ont vécu, car ils se sont rencontrés au service militaire. Durant les premiers temps de leur amour, ils ont dû rester discrets du fait du très polémique article 92-6 du code criminel militaire. Baptisée «loi anti-sodomie», cette disposition a été utilisée par l’armée en 2017 pour condamner deux soldats pour «acte indécent». Ils avaient eu une relation sexuelle consentie hors service. L’année dernière, la Cour suprême a tranché en leur faveur et rejeté la condamnation de l’armée.

«K-Politique»

Si les militants LGBTQ ont recours à la voie juridique pour faire avancer les droits, c’est notamment à cause de l’inaction politique. «J’aimerais que les gens en France sachent que la Corée du Sud a une image très cool avec les K-drama, la K-pop, mais il y a aussi une face moins reluisante, la K-politique.» Plusieurs années de majorité de gauche au Parlement n’ont pas fait bouger les lignes. Résultat : les couples homosexuels ont moins de droits en Corée du Sud que dans les autres démocraties de la région. Taiwan a adopté le mariage entre personne de même sexe en 2019 et plusieurs villes au Japon ont opté pour un partenariat civil ces dix dernières années.

Un immobilisme en partie dû à la pression des groupes religieux protestants conservateurs. Très influents, ils se mobilisent dès qu’un projet de loi ouvrant des droits aux personnes LGBT+ est à l’étude. Souvent, ils défilent en parallèle des gay prides ou des festivals queer pour montrer leur désaccord de manière véhémente. Seo Seong-wook souhaite dire à «ces organisations religieuses qui génèrent de la haine, que j’ai longtemps été catholique, et qu’il me semble avoir lu dans la Bible : “aime ton prochain comme toi-même”». Victime de harcèlement en ligne, il a même reçu des menaces de mort mais souhaite désormais se concentrer sur les messages de soutien. Un optimisme à toute épreuve. Alors que les cris d’enfants jouant dans un parc voisin s’invitent dans leur salon, Kim Yong-min lance : «D’ici dix ans, vous verrez, en Corée du Sud, il y aura le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe.»