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Fin de vie : Emmanuel Macron a « quelques doutes »

En 2017, Emmanuel Macron affirmait vouloir « choisir » sa propre « fin de vie ». Aujourd’hui, il affiche ses hésitations sur cette question « intimidante ».

Par V.P. avec AFP
Emmanuel Macron, qui se presente en  agnostique  sensible a la  transcendance , a beaucoup consulte les representants des cultes.
Emmanuel Macron, qui se présente en « agnostique » sensible à la « transcendance », a beaucoup consulté les représentants des cultes. © MICHEL EULER / POOL / AFP

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Emmanuel Macron a « quelques doutes ». Avant de trancher sur le sujet de la fin de vie, le président ne laisse rien paraître, au point d'instiller aussi l'incertitude sur ses intentions chez les militants de l'euthanasie. Le chef de l'État, venu ce 9 mars sous la coupole de l'Institut de France pour les 40 ans du Comité consultatif national d'éthique proteste contre les « alternatives simplistes », « interdire ou laisser faire ».

Qui est donc l'Emmanuel Macron qui recevra ce lundi l'avis de la convention citoyenne censée l'aider à décider s'il faut légaliser une « aide active à mourir ? » Est-ce le candidat qui, en 2017, affirmait vouloir « choisir » sa propre « fin de vie » ? Ou le président qui affiche ses hésitations sur cette question « intimidante » ? « Pour lui, la convention citoyenne, c'est un point d'étape », prévient un conseiller, assurant qu'il ne faut pas attendre sa décision dès lundi. « Il veut que le débat se poursuive », pour qu'elle soit « acceptée par l'ensemble de la société ».

Baptisé à 12 ans dans la foi catholique, Emmanuel Macron, qui se présente en « agnostique » sensible à la « transcendance », a beaucoup consulté les représentants des cultes. Il a même pris l'initiative d'aborder le sujet avec le pape François, qu'il tutoie, et qui est profondément hostile à l'euthanasie. « Le pape sait que je ne ferai pas n'importe quoi », a confié le chef de l'État après sa dernière audience au Vatican en octobre. Les autorités religieuses saluent en retour sa « gravité ».

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« Voie moyenne »

Il recherche une « voie moyenne », estime Christian Krieger, représentant des protestants de France. « Il a parlé de maturation à poursuivre », relatent celui des évêques Éric de Moulins-Beaufort et le grand rabbin Haïm Korsia. Tous étaient invités le 9 mars à un dîner sur ce thème à l'Élysée, après un premier similaire en 2018. À chaque fois, le président, fils de médecins, a écouté ses convives, qui évoquent des débats intenses mais respectueux.

Médecin dans une unité de soins palliatifs dans l'Aude, elle-même opposée à une évolution législative, Sarah Halioui raconte comment les tiraillements de Emmanuel Macron semblaient « imagés » jusque dans le plan de table : « à sa gauche », le ministre du Renouveau démocratique Olivier Véran, plutôt favorable à une aide active à mourir ; « à sa droite », le ministre de la Santé François Braun, pour qui « l'euthanasie n'était pas un soin ».

Mais le panel d'invités a refroidi les militants de l'euthanasie. « La majorité était pour le statu quo », c'est-à-dire la loi Claeys-Leonetti de 2016 permettant dans certains cas une « sédation profonde et continue » des malades jusqu'au décès, déplore Denis Labayle, qui assure avoir été « le seul » à «  défendre le droit à choisir sa fin de vie ». Même sentiment chez l'homme politique Jean-Luc Romero-Michel, invité en 2018, inquiet d'une « ambiguïté » présidentielle à l'égard de la religion et d'une volonté de « ménager tout le monde ».

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Mots justes

Ce militant de longue date du « droit de mourir dans la dignité » raconte toutefois comment en septembre, Emmanuel Macron lui a promis de faire voter « sa » loi dès 2023, juste après avoir décoré la comédienne Line Renaud. Brigitte Macron, qui « m'était apparue plutôt comme un frein » jusque-là, « m'a attrapé par le bras pour me dire “on avance” », rapporte-t-il. « Le président est pour, son épouse est pour, contrairement à ce qu'on dit parfois », veut aussi croire un ministre, justifiant sa lente maturation par sa volonté de « dépolitiser le sujet ».

Emmanuel Macron, ex-assistant du philosophe Paul Ricœur, a probablement analysé son texte Accompagner la vie jusqu'à la mort, publié en 2006 dans la revue Esprit. L'écrivain y opposait « deux tentations de faire le bien : l'acharnement thérapeutique et l'euthanasie ». « C'est le dilemme entre Éros et Thanatos », lance ainsi le président au dîner de mars, empruntant à Freud l'idée d'une coexistence, en chacun, de pulsions d'autoconservation et de mort. Sa réflexion est empreinte de questionnements « philosophiques, éthiques », dit Alain Claeys, l'ex-député socialiste coauteur de la loi actuelle. Selon lui, il réfute un choix « binaire », car « il ne doit y avoir ni vaincu ni vainqueur, juste des intimes convictions ».

Emmanuel Macron montre qu'il s'attache à trouver les mots justes. Lors d'un dîner, il dit ne pas aimer l'expression « suicide assisté ». Au pape, il confie éviter le terme « euthanasie ». Les soins palliatifs, appelés à être renforcés, pourraient être rebaptisés « soins d'accompagnement ». Quant à confier une éventuelle aide à mourir aux soignants ou à des tiers, « c'est un point qui interroge le président », relève un ministre. Emmanuel Macron l'avançait en octobre : « La mort n'est pas un acte technique. »