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Iter ou la promesse de l’énergie éternelle

C'est un pari fou, mais il est beau. Il est né de l'idée de faire de la fusion une source d'énergie éternelle, il y a plus de trente ans, lors d'un sommet rassemblant les puissances internationales à Genève. Nous sommes en novembre 1985 et c'est l'un des projets les plus ambitieux comme les plus internationaux. Car sur son berceau ce ne sont pas moins de 35 nations qui vont se pencher. Et la petite histoire retiendra que tout part d'une proposition de Mikhaïl Gorbatchev, alors à la tête du Parti communiste d'Union soviétique, faite à Ronald Reagan, président des États-Unis d'Amérique.

Deux ans plus tard, le premier acte fondateur est posé avec un accord qui unit l'Europe, l'Union soviétique, les États-Unis et le Japon, et le lancement d'études de conception. Une conception qui est finalement validée en 2001. On est déjà seize ans après l'éclosion de l'idée. Preuve que le projet exige un temps long, de la patience et de la constance. Et ce n'est pas fini...

Pour porter le tout et parce qu'il faut structurer cette coopération d'un niveau mondial, se forme Iter Organization, composée de sept membres que sont la Chine, la communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis. Iter qui doit prouver scientifiquement et techniquement que la fusion est une solution d'avenir.

S'inspirer du Soleil et des étoiles

La fusion c'est surtout ce qui est là depuis toujours. C'est elle qui permet de ressentir lumière et chaleur. C'est elle qui habite le Soleil et les étoiles. À l'origine, ce sont des noyaux d'hydrogène qui se percutent et fusionnent pour former des atomes d'hélium. Et ce processus libère beaucoup d'énergie. C'est cette énergie qu'Iter veut produire ou reproduire, si on part du principe qu'il s'agit de répéter sur Terre un phénomène qui se produit dans l'Univers.

Dès le XXe siècle, la fusion[1] a été un sujet scientifique et donc un sujet de laboratoire. Parce qu'il faut recréer les conditions naturelles et qu'évidemment, dès lors que c'est provoqué « artificiellement », c'est plus sensible. Trois conditions sont impératives : une température très élevée, une densité de particules de plasma importante et un temps de confinement suffisamment long pour accompagner cette transformation physique.

Le laboratoire, à l'échelle d'Iter, c'est le tokamak. Un nom d'origine russe pour dénommer la machine qui doit - va - démontrer la faisabilité scientifique et technique de la fusion. Une machine qui pèse 23 000 tonnes et qui agit comme une centrale électrogène, utilisant la chaleur provoquée par la fusion des noyaux atomiques pour produire de la vapeur et, ensuite, de l'électricité. C'est une température interne, celle du plasma, de 150 millions de degrés Celsius, soit dix fois celle du cœur du Soleil. C'est aussi ce que l'on appelle la chambre à vide - cavité étanche en acier inoxydable prévue pour accueillir les réactions de la fusion et pesant près de 8 000 tonnes. C'est aussi un rayon de 6 mètres. Et un champ magnétique composé de 10 000 tonnes d'aimants, à la température plus froide que la planète Pluton, soit -269 °C.

À Saint-Paul-lez-Durance, dans le département des Bouches-du-Rhône, 180 hectares sont dévolus à Iter. Dès 2007, les premiers travaux de préparation s'engagent, finalisés deux ans plus tard, mais il faut attendre 2010 pour que les fondations du tokamak débutent. La construction du tokamak lui-même s'effectue en 2014, avec un accès possible dès 2018, mais une finalisation effective en 2021.

C'est à Saint-Paul-lez-Durance aussi qu'est installé depuis plus de soixante ans, un acteur essentiel sur les sujets de recherche et d'énergie, le Commissariat à l'énergie atomique. Un CEA précieux, qui possède un laboratoire dédié à la recherche sur la fusion par confinement magnétique et qui prend toute sa part dans la feuille de route d'Iter.

De la perfection (sur le papier) à la réalité (du terrain)

Bien que poétique en ce qu'elle tente de récréer l'énergie du Soleil et des étoiles, la fusion est toute à la fois durable, abondante, sans émissions de CO2, sans risque de fusion de cœur, comprenons : sans crainte de récréer un nouveau Fukushima !

Durable, la fusion utilise, pour naître notamment, du lithium, présent dans la croûte terrestre comme dans les océans, avec des réserves capables de répondre aux besoins pour des millions d'années. Durable, la fusion l'est aussi en ce qu'elle ne génère aucun gaz à effet de serre ou dioxyde de carbone. Ni d'ailleurs aucun déchet radioactif à vie longue.

En créant une énergie de près de quatre millions de fois supérieure à celle d'une réaction chimique telle que la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz, la fusion promet une abondance qui viendrait répondre à toutes les contraintes énergétiques auxquelles le monde entier fait face, industries y comprises. Voilà un élément qui ouvrirait plus que le champ des possibles et est de nature à bouleverser les modèles économiques tels qu'on les connaît actuellement.

Avantage qui compte aussi, et qui n'est pas le moindre, en ce qu'il agit finalement comme une sorte de réassurance, l'impossibilité à ce que le cœur entre en fusion, permet de balayer les craintes de voir se reproduire un nouvel incident tel celui de Fukushima. Le plasma, en cas de perturbation, se refroidit en quelques secondes, n'entraînant pas le risque d'une réaction en chaîne.

La fusion représente-t-elle alors vraiment l'avenir énergétique de l'homme ? Grande expérimentation, ambitieuse, Iter doit être capable de faire la preuve du concept. Le chemin est forcément tout sauf un long fleuve tranquille. Outre les oppositions que le projet doit affronter depuis sa création, la découverte, en novembre dernier de défauts - des fissures précisément sur les écrans thermiques et les secteurs de la chambre à vide - exigent une extraction des modules atteints afin de procéder aux réparations nécessaires. Un coup dur pour le moral des équipes, pour le calendrier aussi. Car l'horizon pour Iter c'était 2025 avec l'objectif d'effectuer la première fusion à pleine puissance. Un horizon qui s'éloigne forcément, le temps des réparations allongeant les délais. C'est qu'il y a aussi un après Iter. Une étape qui doit voir le passage à la phase industrielle avec la création d'un réacteur de démonstration, initialement prévu pour 2030. Ce sera donc plus tard. Iter ou comment garder, à la fois, la tête dans les étoiles et les pieds sur terre.

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[1] Une fusion ici dite fusion nucléaire en ce qu'elle permet à deux noyaux atomiques de s'assembler pour former un noyau plus lourd. À ne pas confondre avec la fission nucléaire qui divise en deux ou plus, un atome lourd. C'est sur ce phénomène de fission que reposent les centrales nucléaires.


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