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[Présidentielle française] Victoire de Marine Le Pen dans l’Outre-mer : Avertissement sans frais

Le vote des Ultramarins souligne un délitement du lien de confiance, le pouvoir central étant perçu comme un «État colonial».

Dans les départements et territoires français d’Outre-mer, une population à majorité noire, essentiellement composée de descendants d’esclaves, a accordé ses suffrages à une candidate réputée raciste, acquise aux idées fascistes. Quel message ?  © (Image d’archives) Alain Robert/Sipa

Colère, défiance ou volonté de casser le système ? Du pareil au même. Une population à majorité noire, essentiellement composée de descendants d’esclaves, a dit son ras-le-bol. De façon massive, elle a accordé ses suffrages à une candidate réputée raciste, acquise aux idées fascistes et prête à flatter les bas instincts, quitte à élargir les lignes de fracture. Avec 69,60% en Guadeloupe, 60,87% en Martinique, 60,70% en Guyane, 59,57% à la Réunion, 59,10% à Mayotte et, 55,42% à Saint-Barthélemy, Marine Le Pen a été plébiscitée dans les départements et territoires français d’Outre-mer. Malgré les consignes de Jean-Luc Mélenchon, d’anciens Premiers ministres et d’un ancien président de la République, les Ultramarins ont opté pour la candidate du Rassemblement national (RN), faisant triompher leur libre-arbitre. En dépit des mises en garde de la quasi-totalité de la presse, ils n’ont nullement cédé à la peur, renvoyant le président sortant à ses chères études.

Origine ethnique des populations, passé et position géographique des territoires

Au-delà de la seule personnalité d’Emmanuel Macron, c’est un avertissement sans frais pour la nomenklatura française, particulièrement le système politico-médiatique. Comme la grève menée entre novembre 2008 et mars 2009 par Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP – Collectif contre l’exploitation outrancière), comme la révolte de 2021-2022, ce vote traduit un rejet de l’ordre établi, singulièrement le pouvoir central, perçu comme un «État colonial», selon le mot d’Elie Domota. Comme le mouvement social de mars-avril 2017 en Guyane, il souligne un délitement du lien de confiance. De ce point de vue, le pouvoir français aurait tort de le lire comme un simple rappel des revendications sociales ou économiques restées insatisfaites. Il aurait plutôt intérêt à élargir son analyse aux questions identitaires et géopolitiques. Faute de le faire, il pourrait être surpris de voir émerger, un jour ou l’autre, de puissants mouvements souverainistes.

Certes, dans l’Outre-mer, les crises sociales ont toujours été justifiées par des revendications connues de tous : retard de développement, inégalités sociales, cherté de la vie dans des économies centrées sur des rentes de situation, assainissement, immigration incontrôlée … Mais, dans les Antilles comme en Guyane, des syndicats étroitement liés au mouvement nationaliste ont généralement surfé sur cette colère. Du coup, il semble puéril et trompeur de se fier aux discours officiels. Dans l’analyse de la situation, il faut tenir compte de trois éléments : l’origine ethnique des populations, le passé des territoires et leur position géographique. Au vu de l’incapacité de l’Etat central à adapter le financement des collectivités, les Ultramarins doutent de l’avenir. Face au comportement méprisant ou paternaliste de certains responsables politiques, ils se sentent peu considérés, pas du tout intégrés dans la nation française. En octobre 2017, face à des Guyanais médusés, Emmanuel Macron ne déclarait-il pas : «Je ne suis pas le Père Noël» ?

Intégration dans des dynamiques économiques sous-régionales

Comme on l’a vu lors du mouvement contre le pass sanitaire, l’Etat français est confronté à la défiance des Ultramarins. Lui reprochant son indifférence face aux risques sanitaires consécutifs à la pollution au chlordécone, ces populations pointent aussi le manque d’eau courante, le délabrement des services publics, les difficultés d’insertion rencontrées par les jeunes, la confiscation des terres par les Békés et Z’oreilles de race blanche… Pour toute ces raisons, elles ont cru devoir renverser la table ou, tout au moins, alerter sur leur état de désespérance. Faut-il les en blâmer ? Peut-on ne pas les entendre ou rester sourd à leur message ? Sauf à les éloigner toujours un peu plus de la France, nul ne peut le prétendre. Reste maintenant à leur apporter des réponses concrètes. Au soir de sa victoire, Emmanuel Macron en a pris l’engagement. Honorera-t-il sa promesse ? L’avenir le dira.

Dans l’immédiat, le président français devra réfléchir aux moyens d’endiguer la violence et la criminalité dans l’Outre-mer. Il devra aussi se garder d’infantiliser les Ultramarins ou d’en donner l’image de fainéants en quête de cadeau ou d’argent facile. Au-delà, il devra se pencher sur les spécificités de ces territoires afin d’en adapter les statuts, quitte à œuvrer à leur plus grande intégration dans des entités comme l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale (OECO), l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC), la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), la Marché commun du Sud (Mercosur), la Commission de l’Océan Indien (COI) ou l’Association des pays riverains de l’Océan Indien (APROI). En clair, les résultats de ce second tour doivent inciter la France à inscrire les territoires ultramarins dans des dynamiques économiques sous-régionales. Autrement, ce mouvement de colère pourrait prendre une tournure indépendantiste.