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"Chaque année est pire que la précédente": à la fête du miel, les apiculteurs déplorent la disparition de leurs abeilles

Sur un bâtonnet en bois coule un liquide visqueux et ambré. À peine est-il sorti du poussoir qu’il termine aussitôt dans une bouche gourmande.

Les doigts collent, les vêtements n’échappent pas à quelques gouttes sournoises – mais le jeu en vaut la chandelle. C’est la fête du miel aux Arcs-sur-Argens, organisée par les Apiculteurs de Provence. Et elle se termine ce dimanche 1er octobre 2023.

Pour marquer le coup, nombre d’apiculteurs ont fait la route, parfois depuis d’autres départements, pour vendre le dur labeur de leurs abeilles.

Jaune, rouge, visqueux, crémeux; tous les goûts sont dans la nature! "Une nature qui souffre", soufflent soudain les professionnels interrogés. L’heure n’est, en réalité, plus à la fête…

L’hécatombe

Les populations d’abeilles s’effondrent et se renouvellent de plus en plus mal chaque année, s’inquiètent les apiculteurs varois. Photo Sébastien Fabret.

En face des clients, les apiculteurs tentent de garder la face. Les dégustations vont bon train, même si les allées demeurent clairsemées et les ventes timides, "pour le moment".

Mais derrière leurs petits pots, Perrine Barbe et Béatrice Desfassiaux, apicultrices au Gaec apicole de l’Esterel, ne font plus semblant: "C’est une très mauvaise année pour nous, avec très peu de miel", annoncent-elles sans détour. Parmi leurs 160 essaims – une partie d’un cheptel de 400 colonies – "la moitié est morte".

Plus haut, sur les plateaux de Valensole – reconnus pour leurs champs de lavandes – l’exploitation de Christophe Benvenuto a dû dire adieu à 50 colonies sur les 200 qu’elle possède.

Un constat qui se transforme en une inquiétante rengaine. Quel que soit le stand abordé, les termes reviennent: "Nous avons perdu beaucoup d’abeilles." Julien Daval, apiculteur à Earl Miels Daval – basé à Vidauban – accuse "une diminution de 10 et 15%" de sa production. Quand il récoltait 20 à 30kg de miel par ruche "les bonnes années", il peine aujourd’hui à dépasser les 10kg.

Sébastien et Johanna Brunasso-Cattarello, des Ruchers de l’Archer aux Arcs, résument avec gravité la situation: "Depuis environ quatre ans, chaque année est pire que la précédente."

"Les problèmes s’accumulent"

Certains apiculteurs tentent de contenir la hausse des prix du miel, afin de garder leurs pots attractifs sur les marchés. Photo Sébastien Fabret.

Sécheresse; frelon à pattes jaunes; pesticides; Varroa destructor, sorte de petit acarien parasite des abeilles… "Les problèmes s’accumulent", angoisse Marvin Leclerc, exploitant pour Lou Mel, à Montélimar.

Et cette année est particulièrement difficile. "Il a fait très sec, comme en 2022, puis il a plu au mauvais moment", soupire-t-on. Mai et juin ont en effet été lessivés presque sans discontinuer, empêchant, "en pleine période de floraison", les abeilles de sortir butiner. "Elles n’ont pas pu faire correctement leur stock de miel", complète Sébastien Brunasso-Cattarello.

Puis il y a le frelon à pattes jaunes, anciennement appelé "frelon asiatique", et le Varroa. Des prédateurs qui affaiblissent d’année en année les colonies.

"Nous sommes en pleine période des frelons, ils sont partout et déciment des ruches entières!", s’exclament les apiculteurs, dépassés par leur prolifération. Quant au petit acarien suceur de sang, "il ne les tue pas mais les rend vulnérables aux maladies, aux chaleurs et aux frelons".

Dans les allées de la fête du miel, les visiteurs se succèdent, un peu plus nombreux. Perrine Barbe confie avoir vendu 60 pots ce matin. "C’est peu, admet-elle. Je compte sur ce dimanche pour me rattraper."

"Nous nous sentons délaissés par l’État"

Un questionnaire circule discrètement entre les apiculteurs présents à la fête du miel. Ils n’ont pas attendu les journalistes pour "prendre la température" chez leurs confrères: Ressentez-vous du pessimisme quant à l’avenir de votre exploitation? Avez-vous beaucoup de peine à maintenir votre cheptel? Seriez-vous prêts à mener des actions pour l’amélioration de la reconnaissance des apiculteurs et leurs difficultés auprès de l’État et du grand public?
Perrine Barbe, apicultrice au Gaec apicole de l’Esterel, justifie cette initiative: "Nous sommes déprimés, très peu aidés." L’État est ici en partie montré du doigt. En dehors d’aides à l’achat de matériel et une subvention de 21 euros par ruche par la MAEC apicole, les professionnels estiment que "le soutien financier manque" à leur secteur.
"C’est simple, on n’a rien", enfonce Sébastien Brunasso-Cattarello, exploitant aux Ruchers de l’Archer, aux Arcs.

"On vend moins qu’avant"

Dans les paniers des visiteurs, "la plupart retraités", les pots de miel ne s’y disputent pas la place. "Car dans tout ça, il y a aussi l’inflation!", rient jaune les apiculteurs. "Le miel est un produit cher et non essentiel, on vend beaucoup moins cette année", glisse Laurent Genero, du Rucher du Buzard à Sospel (Alpes-Maritimes).

Très dépendant des aléas météorologiques, "dans le détail, le tarif du miel de marque nationale augment[ait] de 20%" selon les analyses d’Europe 1 en mai. "Mais il ne faut pas oublier le prix du verre, de l’acier, du carburant", compte Sébastien Brunasso-Cattarello, qui admet n’avoir que peu touché à ses tarifs.

Des préoccupations que l’on retrouve de l’autre côté du stand. "Je fais très attention à mes achats, dont le miel, qui est très coûteux", acquiesce Georgette, retraitée, qui vient chaque année à la fête du miel. "On achète moins de miel, mais on privilégie la qualité chez les petits producteurs", soulignent quant à eux Nadine et Didier, qui ont stoppé leur achat d’or jaune dans les grandes surfaces.