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"Des touristes nous disent qu'ils font le tour des "Plus beaux villages de France": reportage à Sainte-Agnès où le panneau trône depuis 25 ans

Sainte-Agnès, ses dédales et ses passages voutées est labellisée depuis 1997 comme l'un des "Plus beaux villages de France". Photo Pierre Peyret

"Village du littoral le plus haut d’Europe", "Village fleuri", "Plus beaux villages de France". À l’entrée de Sainte-Agnès, les panneaux décrivant cette commune nichée à 750 mètres sur les hauteurs de Menton s’additionnent comme les décorations militaires sur la veste d’un haut-gradé un jour de commémoration.

Mais s’il y en a un qui est plus prestigieux que les autres, c’est bien ce label "Plus beaux villages de France". Sainte-Agnès et ses 1.300 habitants font partie de cette famille plutôt convoitée. Dans les Alpes-Maritimes, seules quatre communes peuvent s’en targuer. Un club très prisé qui a vu, samedi 23 septembre, Saorge se rajouter au village de la Riviera française, à Gourdon, à quelques kilomètres de Grasse, et à Coaraze, dans l’arrière-pays niçois. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, Entrevaux a aussi rejoint la liste. 

Des panneaux présents depuis 1997

À Sainte-Agnès, les deux panneaux représentant la silhouette d’un village sur un fond rouge installés aux portes de la commune font partie du décor depuis 1997, date du premier classement. Une labellisation toujours reconduite par le réseau national qui n’a accordé ce sésame qu’à 176 communes de moins de 2.000 habitants en 2023, dont 22 rien que pour la région Paca.

Trop de décennies ont passé pour pouvoir dire s’il y a un avant/après labellisation. Mais comme le confirme Frédéric Pélissier, artisan spécialisé dans la création d’objets en vitraux et installé depuis 36 ans au cœur de ce village perché, "on a une clientèle dédiée grâce à ce label. Des touristes nous expliquent qu’ils font le tour des “Plus beaux villages de France”". 

"À chaque fois qu’on passe dans une émission sur ce label, on a du monde qui débarque", abonde Thierry Tibert, du restaurant le Saint-Yves. "Pas plus tard que la semaine dernière, les équipes d'Echappées Belles étaient dans les parages", explique un habitant, assis non loin de la terrasse baignée de soleil offrant un panorama à couper le souffle sur le littoral d’un côté et, de l’autre, sur les virages qui serpentent jusqu’au redoutable col cycliste de la Madone. 

Perchée à 750 mètres d'altitude, la commune offre un panorama époustouflant sur le littoral mentonais. Photo Pierre Peyret.

"Une fréquentation lissée sur l'année"

Si elle a préféré la voiture au vélo, Jacqueline, touriste allemande mariée à un Italien originaire de San Rémo, fait partie de ces visiteurs qui ont découvert Sainte-Agnès grâce à un reportage télévisé. "C’était sur le Fort de la Ligne Maginot", précise-t-elle. Un haut-lieu touristique en lui-même, qui, avant le Covid, fédérait 25.000 touristes chaque année.

Toute cette publicité, dans le cas de Sainte-Agnès, n'entraîne pas de surtourisme, comme cela peut être le cas dans certaines communes de l’arrière-pays niçois, à en croire les commerçants. "On a une fréquentation très lissée presque sur toute l’année", se réjouit de son côté Thierry Tibert, le restaurateur dont la famille possède l’établissement depuis 1933.

En cette fin septembre, pas grand monde dans les dédales de la commune pour troubler la quiétude des chats qui lézardent au soleil. "On a retrouvé la période que l’on aime bien, celle du calme sans trop de touristes", tempère à peine Claude Jausseran, de retour dans la commune depuis 5 ans après une vie passée à Menton. "Ce label, c’est une bonne chose. Ça permet d’assurer de l’activité pour les commerçants présents", assure-t-il. "On a même un médecin et un infirmier sur place", souligne Frédéric Pélissier.

"Les prix augmentent"

Ce mardi matin, seuls quelques travaux dans des logements se font entendre. Sur place, les logements typiques de cette commune perchée de l’arrière-pays azuréen sont l’objet d’importantes rénovations. Si de jeunes couples ont débarqué après le coronavirus pour s’installer à l’année, la commune est prisée par les saisonniers, notamment via Airbnb. "C’est une bonne chose mais il ne faut pas qu’il y en ait davantage", insiste Claude Jausseran, qui a retapé sa maison. "Les prix augmentent. Avant, les gens quittaient le littoral et venaient dans l’arrière-pays car c’était moins cher. Maintenant, le prix du mètre carré est presque le même qu’en bas”.

Difficile cependant d’établir un lien entre le label et cette rénovation à marche forcée de plusieurs logements de la commune, insiste Frédéric Pélissier. Pour lui, le label a un avantage certain: “La commune doit faire des travaux pour pouvoir conserver ce titre”.

Et pour cause. La labellisation n’est pas acquise. Comme le classement d’un site à l’Unesco, ce titre l’oblige. Aussi bien à défendre qu'à faire connaître et valoriser le patrimoine qui lui a permis d’être inscrit. Pas étonnant, donc, de voir le clocher de l’église de Sainte-Agnès être entouré d’une bâche et des ouvriers s’affairaient depuis un échafaudage. Au loin, sur le parking, un minibus déverse de nouveaux touristes, appareils photo autour du cou, prêts à découvrir l’un des plus beaux villages de France.

Photo Pierre Peyret.

"Je ne me verrais pas son panneau": pour les maires déjà concernés, le label est une "force"

"Il existe beaucoup de labels, mais celui-ci est le plus important". Maire de Gourdon depuis 1995, Eric Mèle sait de quoi il parle. S’il n’est pas à l’origine du classement de sa commune parmi les Plus beaux villages de France en 1989, il a contribué à ce que le label perdure. En tant qu’édile, mais aussi en tant que membre de longues années durant de la commission notoriété au sein même du réseau créé en 1982.

D’emblée, il cible "la force" du label. "Avant les communautés d’agglomération, quels moyens avaient les communes de moins de 2.000 habitants pour se faire connaître?", demande-t-il en faisant les questions et les réponses: "Ce guide, il est vendu et distribué dans tous les offices de tourisme. Cela donne une visibilité nationale importante que n’aurions pas de façon isolé. Tous les camping-caristes l’ont dans leur véhicule", illustre-t-il.

“Ce mardi, France 2 a consacré 5 minutes à Entrevaux, dans les Alpes-Maritimes, nouvellement labellisée. Ça va être un boost énorme". Dans le cas de sa commune, "déjà touristique à la base", l’édile est incapable de mesurer précisément le poids d'une telle reconnaissance. Mais pour lui, il n’est pas synonyme de tourisme de masse. “Jusque dans les années 2000, c’était le cas, mais nous nous sommes tournés vers le tourisme vert, vers le patrimoine”. 

"L'association nous dit ce qui ne va pas"

A Sainte-Agnès, le maire Albert Filippi ne compte pas non plus transformer sa commune en Saint-Paul-de-Vence. “Notre fréquentation touristique est satisfaisante, on essaie de la fortifier”. Tout en respectant les contraintes nées des nombreuses exigences – près de 30 critères – liées à ce label, dont l'association se charge de la reconduite tous les 6 ans après un audit poussé. 

Ces critères et ces exigences, il veut faire en une force. “L’association nous dit ce qui ne va pas”, poursuit Albert Filippi. Un exemple ? Les fils sur les murs issus de l’installation de la fibre. “Il faut mettre un mouchoir sur certaines susceptibilités mais j’y vois une démarche d’amélioration du village, qui va chercher aussi bien dans le cadre de vie que dans le côté touristique”.

"Si on venait à le perdre, on disparaitrait des radars de la communication"

Un constat partagé par Monique Giraud-Lazzari, la maire de Coaraze, dont la commune est labellisée depuis un quart de siècle. Elle aussi a eu droit à la remarque sur des fils disgracieux sur les murs de son village. "Ce n'était pas une priorité", reconnait-elle, référence aux attentes de ses administrés. Mais des efforts seront apportés, malgré un budget toujours plus compliqué à boucler. 

"Je ne me verrai pas sans mon panneau", reprend Eric Mèle, à Gourdon “Tous les administrés le connaissent même s’ils ne se doutent pas du travail derrière. Mais si on venait à le perdre, en 2-3 ans, on disparaitrait des radars de la communication."