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La mer Méditerranée qui monte, cela se mesure ici, au millimètre

La visite est rare, le lieu mythique. Il symbolise 140 ans d’observation du niveau de la mer, "l’une des séries les plus longues du monde", glisse le chercheur Jonathan Chenal. C’est en bord de Méditerranée, sur un éperon rocheux de Marseille, que le marégraphe donne toujours le cap, étalon rustique et solide des satellites les plus modernes qui envoient leur regard vers la terre.

"Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, le marégraphe ne mesure pas la marée, annonce en souriant Alain Coullomb, président des Amis du marégraphe. La marée est très facile à prédire, car elle dépend de l’attirance des astres. Non, il mesure le niveau de la mer!"

Une vigie moderne, sortie d'un livre de Jules-Verne

L’association compte un illustre président d’honneur, le paléoclimatologue Jean Jouzel. Ce n’est pas un hasard. Malgré son apparence digne d’un roman de Jules-Vernes, le marégraphe de Marseille n’a rien d’un livre ancien. En mai 2023, il a été reconnu par les Nations-Unies, "comme station marine dont les observations portent sur plus de 100 ans".

C’est justement son ancienneté qui lui confère un rôle de vigie pour l’observation du changement climatique et de ses répercussions sur "le système terre dans son ensemble".

Jonathan Chenal en explique les ressorts. Il est en charge de la stratégie sur le changement climatique à l’IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, propriétaire des lieux. "Depuis 1885, le niveau de la mer a augmenté, en tendance, de plus de 19 centimètres." Ce qui n’empêche pas de profondes variations.

Comment sait-on si la mer monte?

Pendant plusieurs semaines, ou mois, voire années, "on peut enregistrer des niveaux plus bas en Méditerranée. Cela s’est produit entre 1960 et 1980. Mais c’est temporaire. Tout dépend de l’échelle de temps. Grâce au marégraphe, on s’intéresse à des tendances longues."

Mais comment détermine-t-on si la mer monte? Au bout d’un escalier en fonte, enroulé dans l’angle d’un mur, une salle étroite est creusée d’un puits vers la mer. Il est joliment nommé "le puits de tranquillisation". Qui atténue la hauteur des vagues.

"L’eau arrive par une galerie de huit mètres de long, creusée dans le rocher, ponctuée de chicanes et fermée de deux portes en bronze percées de trous", décrit l’amoureux des lieux, Alain Coulomb.

Un trésor du 19ème siècle pour calibrer les satellites

Rond comme un couvercle, un grand flotteur baigne à la surface tranquille de l’eau. Il transmet ses mouvements à un appareil de mesure, trésor de la mécanisation du 19ème siècle. "Une pièce unique au monde, classée monument historique", glisse Alain Coulomb.

Alain Coulomb, président des Amis du marégraphe détaille les rouages qui permettent de tracer la courbe du niveau de la mer. Photo Valérie Le Parc.

Faire la visite du marégraphe, en images, c'est par ici.

Sur la feuille de papier se trace une courbe de dentelle, un rouleau par mois, douze dans une année, pendant 140 ans. Cette profondeur historique fait la richesse du marégraphe, sachant qu’on a mis 40 ans à considérer qu’il était correctement étalonné.

Voilà pourquoi l’appareillage reste en fonction aujourd’hui encore, malgré l’émergence des radars, et des observations satellitaires. "On en a eu besoin pour calibrer les satellites qui ont révolutionné l’observation du niveau de la mer, explicite Jonathan Chenal. Les marégraphes permettent de remettre les données satellitaires dans un contexte de plus long terme."

Monte moins vite que l'Atlantique

Mer fermée, la Méditerranée a aussi tendance à "s’élever moins vite que l’Atlantique, elle a sa propre dynamique, qui ne peut pas être identique à celle des autres océans". À Marseille, les relevés récents indiquent une hausse de 3 millimètres par an, "mais il faut du recul pour consolider la tendance.".

Les scientifiques ont encore "beaucoup de choses à comprendre", estime encore Jonathan Chenal. En particulier, la part de chaque paramètre, dans l’élévation du niveau de la mer.

En plus "des apports de fonte d’eau douce", le réchauffement climatique entraîne la montée de la température de l’eau, appelée "extension thermique". Ce phénomène de dilatation du volume de l’eau pourrait représenter "de 30 à 50 % de la hausse totale", ce qui est colossal. Les élévations des températures de l’air influent mécaniquement sur le niveau des mers.

À sa conception, le marégraphe a relevé le défi de déterminer "le point fondamental de l’altitude zéro en France continentale". 150 ans plus tard, il nous permet de regarder vers le futur.