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Papillomavirus: une campagne vaccinale compliquée par les fausses informations et les réticences

La campagne gouvernementale tente de déminer la méfiance d'une partie du public et de rattraper ainsi le retard de la France, où moins de la moitié des adolescents sont vaccinés contre les papillomavirus humains, contre plus de 80% en Suède. Ces virus, souvent désignés sous leur acronyme anglais HPV, sont à l'origine de près de 6.500 nouveaux cas de cancers (utérus, vagin, pénis, gorge...) chaque année dans le pays.

Face aux réticences, les "foires aux questions" se multiplient, sur les sites web de l'Assurance maladie et de l'Institut national du cancer notamment, relayés jusque dans les boîtes mails des parents de collégiens. Elles rappellent que ce vaccin est efficace contre l'infection aux HPV, mais aussi contre le risque de déclarer un jour un cancer.

"Bien sûr, une telle campagne va provoquer des questionnements, mais qui pour beaucoup mèneront à une vaccination", estime le sociologue Jérôme Gaillaguet, qui travaille sur la question depuis plusieurs années, ajoutant qu'il est "important de répondre aux questions des parents".

D'autant que certaines familles, pointe la sociologue des sciences Romy Sauvayre, vont chercher des réponses sur les réseaux sociaux, où prolifèrent les fausses informations, de deux ordres: "Le vaccin provoquerait de graves effets secondaires et ne serait pas efficace".

Les internautes l'accusent ainsi de "provoquer l'insuffisance ovarienne et donc la stérilité des jeunes filles" ou encore assurent qu'on peut "acquérir une immunité naturelle" au HPV, énumère Mme Sauvayre.

Bien que la vaccination soit facultative et soumise à l'accord des deux parents, des groupes Facebook conseillent de "ne pas mettre son enfant au collège" le jour de la vaccination. Ce vaccin protégeant contre un virus sexuellement transmissible est aussi la cible des plus religieux, catholiques comme musulmans, qui refusent d'aborder la sexualité avec des enfants de 11 ans et de leur donner ce que certains nomment "un passeport d'immoralité".

Malaises en Colombie, volte-face au Japon...

Vaccination d'une élève contre les papillomavirus, dans un hôpital de Tokyo, le 15 février 2022 Photo AFP/Archives / Kazuhiro NOGI.

Les fausses informations et fantasmes sur le vaccin anti-HPV n'ont cessé d'essaimer depuis sa commercialisation dans les années 2000.

En Colombie, où 15 adolescentes avaient été prises de malaises après une vaccination collective en 2014, des vidéos de ces évanouissements avaient provoqué une épidémie de symptômes similaires chez des centaines d'autres jeunes filles, un phénomène attribué à un stress collectif par les scientifiques.

En 2013, le gouvernement japonais avait quant à lui dû faire marche arrière deux mois seulement après le lancement de sa campagne de vaccination anti-HPV, à cause de doutes sur un lien entre l'injection et des "douleurs chroniques".

Grâce à de nouvelles études rassurantes, la réputation du vaccin a toutefois été réhabilitée dans l'opinion publique japonaise, de nouveau activement encouragée à se faire vacciner depuis avril 2022.

En France, l'histoire du vaccin anti-HPV a aussi été entachée par la médiatisation du calvaire de Marie-Océane Bourguignon, cette jeune fille ayant connu des symptômes proches de la sclérose en plaques après deux injections. Son état s'est ensuite stabilisé et la justice l'a déboutée de sa plainte contre le laboratoire.

En juillet, le collectif E3M, accusant les vaccins anti-HPV de provoquer une maladie non reconnue, la myofasciite à macrophages, a lui saisi la justice pour demander un moratoire sur cette campagne gouvernementale.

Pour Elise Lavier, doctorante en sociologie spécialiste des vaccinations hépatite B et HPV, "il est difficile de parler d'acceptabilité du vaccin anti-HPV tant il y a de méconnaissance".

Dans une étude de 2022, Santé Publique France montrait que la moitié des personnes interrogées ne connaissaient pas le vaccin. Et en 2015, une étude Inserm auprès des médecins révélait que la majorité ne parlaient pas systématiquement de ce vaccin.

"Si cette campagne échoue, on va dire que les parents sont réticents, mais c'est surtout une affaire de mobilisation politique et des professionnels de santé", juge Mme Lavier, rappelant qu'en France "la priorité a longtemps été le dépistage organisé plutôt que le vaccin, très coûteux".

A ses yeux, la campagne peut "routiniser" une vaccination qui n'a rien d'évident, car "il y a un 'trou dans la raquette'" autour de la tranche d'âge visée: les 11-14 ans ne consultent plus les pédiatres et ne sont pas encore confrontés au virus, transmis sexuellement.