Tunisia
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‘‘Golda Meir’’ : un premier ministre colonialiste responsable d’une guerre

Durant les années 70, un voisin avait prénommé sa chienne Golda. L’antisémitisme ne faisait alors pas florès. Il démontrait ainsi, autant le peu de considération qu’il portait à la race canine, que la haine qu’il éprouvait envers les spoliateurs de la Palestine, dont la figure emblématique était alors représentée par Golda Meir, celle qui, étant Premier ministre, avait publiquement affiché du haut de son arrogance son mépris envers les Arabes. 

Par Mounir Hanablia *

C’est donc fort à propos que la lecture de ce livre récent vient éclaircir les aléas de la vie de ce personnage qui demeure controversé. Il importe peu pour un Maghrébin de savoir qu’elle soit née et ait passé son enfance en Ukraine. Pourtant, ce fait n’est pas dénué d’importance. C’est sur un fond de menaces constantes d’attaques perpétrées par les cosaques que sa  personnalité d’enfant se développe.

À l’âge de  six ans, Golda émigre aux Etats Unis d’Amérique avec sa famille, ce qui lui permettra d’avoir une connaissance parfaite de ce pays qui jouera un rôle important dans le déroulement de sa carrière politique. Comment a-t-elle été embrigadée par les sionistes? A l’adolescence, en assistant à une réunion, en Amérique.

Déguisée en bédouin chez le Roi Abdallah

A l’âge de 21 ans, Golda émigre en Palestine sous mandat britannique après s’être mariée. Elle est affectée à un Kibboutz où les conditions de vie et le travail sont durs. Son mari ne résiste pas et tombe malade probablement frappé par le paludisme. Elle est donc obligée de quitter et de chercher un travail en ville. En participant à des réunions syndicales, et bien que dénuée d’éducation, et de diplômes universitaires, ses talents oratoires, sa force de conviction et de persuasion, sa pugnacité, attirent l’attention. Elle va alors trouver les amitiés masculines nécessaires à son ascension politique, au détriment de son mariage, de sa vie familiale. Grâce au syndicat Histadrout et aux relations qu’elle y noue, des responsabilités de plus en plus importantes lui sont confiées, notamment au sein de l’Agence Juive pour laquelle elle accomplit souvent des collectes de fonds aux Etats Unis, du fait de sa connaissance du pays et de sa parfaite maîtrise de la langue. Elle y acquiert une réputation de franc parler qui ne laisse pas indifférente la communauté juive américaine.

Après la seconde guerre mondiale, en 1947, Golda est envoyée à Amman déguisée en bédouin s’entretenir avec le Roi Abdallah afin de le convaincre d’accepter la création de l’Etat d’Israël. C’est une erreur. Son ton péremptoire indispose le souverain qui n’a pas l’habitude de discuter avec une femme. C’est elle qu’il accusera d’être responsable de la guerre. La légion arabe participe aux combats, et empêche les forces juives d’occuper la Cisjordanie et Jérusalem.

Entretemps, la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël est proclamée et Golda Meir en est l’un des signataires. Les juifs, contrairement aux Arabes ont accepté le plan de partage de l’Onu mais pratiquent le nettoyage ethnique préconisé par David Ben Gourion afin de s’assurer une majorité de 80% dans leur nouvel Etat avant même sa naissance officielle. 800.000 Arabes quittent ainsi leurs foyers sous la menace des forces sionistes, sans possibilité d’y revenir.

Fait à peine croyable, en apprenant la fuite des Arabes à Jaffa, Golda Meir se précipite pour les convaincre de rester, sans résultat. Peut-être s’est-elle souvenue à ce moment-là de sa propre fuite d’Ukraine. Mais de ces scrupules, il ne restera rien. Elle devient ensuite ministre dans les cabinets israéliens successifs où les partisans d’une entente avec les Arabes conduits par le Premier ministre Moshé Sharett, et leurs adversaires regroupés autour de Ben Gourion, qui arrivent à faire nommer un des leurs au ministère de la Défense, afin de torpiller toute possibilité de paix. Ce sera le scandale Lavon, lors la découverte en Egypte d’un réseau formé de jeunes juifs égyptiens opérant pour le compte d’Israël et chargés d’organiser des attentats terroristes contre la représentation diplomatique américaine et contre des biens juifs.

A l’Onu pour justifier l’agression contre l’Egypte

Avec le retour de Ben Gourion à la tête du gouvernement, Golda Meir est nommée à la tête du ministère des Affaires étrangères, mais sans autorité réelle; en réalité sa nomination vise à écarter celle de candidats plus indépendants et parfois partisans d’une solution diplomatique au conflit israélo arabe. Elle aura néanmoins toute latitude d’établir des relations amicales avec les pays africains.

Lors de la guerre de Suez, en 1956, Golda Meir se rend à l’Onu pour justifier l’agression contre l’Egypte. A partir de 1963, souffrant d’un lymphome, elle prend sa retraite. En 1967 survient la guerre des Six jours au cours de laquelle Israël occupe la Cisjordanie, Gaza, le Sinaï et le plateau du Golan. En 1969 lors du décès de Levi Eshkol, le Premier ministre, elle est choisie par le Parti travailliste, faute d’entente sur deux autres candidats, et sort de sa retraite à 71 ans pour présider le gouvernement.

Le mandat de Meir sera riche en évènements et marquera les mémoires. Face à l’intransigeance israélienne, il y a d’abord la guerre d’usure qui durant deux ans fait rage autour du canal de Suez et que l’acquisition de chasseurs bombardiers américains Phantom par Israël élargit à la totalité du territoire égyptien. L’Egypte conclut alors un pacte avec l’Union Soviétique afin de mettre fin aux raids aériens, et les Israéliens doivent désormais en tenir compte. Il y a ensuite les attaques des fedayins palestiniens.

Golda Meir mobilise ses services secrets pour traquer les responsables d’attentats anti-israéliens, particulièrement celui des Jeux olympiques de Munich en 1972.

Chassée par les familles des soldats

Enfin la guerre d’Octobre 1973 survient, les services de renseignement israéliens sont pris de court, l’armée et l’aviation subissent  de lourdes pertes durant les premiers jours, au point que Moshé Dayan, le ministre de la Défense, parle de la perte du troisième temple. La guerre se termine par un match nul; Sadate n’a pas osé attaquer les cols de Mitla et Giddi dont le contrôle aurait verrouillé l’accès au canal quand il en avait la possibilité dès les premières heures, alors que les forces juives avaient subi une déroute sur le canal et que la route était libre, et quand il l’a fait, il était trop tard. Désormais les Américains sont les maîtres du jeu. Les pertes israéliennes sont lourdes: plus de 2500 morts et environ 8000 blessés. L’opinion publique israélienne est sous le choc, et en fait porter la responsabilité au Premier ministre. Elle est chassée des obsèques des soldats par les familles. On lui reproche son autoritarisme, sa réaction tardive aux prémices de la guerre, son entêtement, ainsi que son opposition à la résolution 242 du conseil de sécurité et au plan Rogers sur le retrait des ou de territoires occupés, son refus de discuter des offres de paix du président Sadate qui a été à l’origine de la guerre. Elle est finalement mise hors de cause  par une commission d’enquête; la raison de l’Etat sioniste a ainsi prévalu. Elle remporte même les élections mais elle est incapable de former une majorité parlementaire et fatiguée, malade, elle préfère se retirer.

Une politique de colonisation agressive

Il importe peu que Meir fut une militante ambitieuse qui, en dehors de son franc-parler, dut aussi son ascension politique à ses nombreux amants. Golda Meir ne laissera pour l’opinion publique mondiale d’autre souvenir que celui de ses années à la tête du gouvernement. Il est vrai que sa nomination ne fut qu’un compromis au sein de son parti, ou même un pis-aller. Vieillie et malade, elle se cramponna à sa vision pure et dure de militante sioniste, pour qui le peuple palestinien n’existait tout bonnement pas. Elle cautionna une politique de colonisation agressive, dont la population palestinienne fit les frais humains et matériels. Le seul impératif moral à ses yeux ne fut autre que ce qu’elle estimait être la sauvegarde du peuple juif et il lui importa peu de garder pour cela les territoires arabes occupés au détriment de la justice et au mépris des lois internationales.

Etant convaincue de la supériorité militaire israélienne, et méprisant les Arabes, elle ne crut jamais qu’ils pouvaient se lancer dans une guerre de reconquête avec des chances de succès, et elle refusa en conséquence toujours les offres de paix, ne faisant aucune confiance aux Arabes, et soupçonnant toujours leur volonté de détruire Israël.

Meir fut donc toujours dépourvue de cette vision d’homme d’Etat capable de prendre les décisions que les circonstances imposent, et son pays en paya un prix conséquent.

Cinquante années après, et alors que les Israéliens normalisent leurs relations avec un nombre important de pays arabes, et que la question palestinienne est en passe d’être territorialement réglée par la colonisation sioniste, un film sorti récemment vient évoquer le souvenir de celle qui demeure dans son pays l’un des fondateurs de l’Etat, et même la mère de la Nation. Sans doute l’extrême-droite actuellement au pouvoir en Israël veut-elle signifier à son peuple que c’est la colonisation qui a mené à la paix avec les Arabes, que le pays doit malgré tout rester vigilant, et qu’une guerre (contre l’Iran) est toujours nécessaire pour prévenir une attaque comparable à celle de 1973 qui avait mis en péril l’existence de l’Etat juif. Mais si Israël est doté d’une vision de l’avenir en cohérence avec son passé, l’amnésie arabe semble en passe d’atteindre la phase du coma profond.

* Médecin de libre pratique.

‘‘Golda Meir. La femme derrière la légende’’ de Dominique Frischer; éd. Archipel ; 25 avril 2015: 350 Pages.