Mauritius
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"Sauf circonstances exceptionnelles, il n’y aura pas d’élections générales anticipées”

Interview – Lindsay Riviere

‘La crainte d’un jugement défavorable serait-elle une raison impérieuse de dissoudre le parlement ? Je ne crois pas que le PM choisira cette voie. Jugnauth ne le fera pas, par tactique et par orgueil’

* ‘Un come-back est toujours extrêmement difficile. Le PTr et Ramgoolam vont donc faire face à une ‘uphill battle’… Ce n’est pas à coup de conférences de presse que l’on prend le pouvoir!’

* ‘Sans Bérenger, le MMM s’effondrera. Il estime donc devoir rester. Et Bérenger, comme Duval en 1969, a accepté de réviser à la baisse ses ambitions’

La pétition électorale logée par SurenDayal alimente les débats politiques du jour. Nous restons dans le court terme. Il s’agit de savoir qui fera alliance avec les grands partis et quel sort sera réservé aux petits partis lesquels, selon notre invité, ne pourront guère émerger comme des opposants de taille sur le terrain politique. Lindsay Rivière, journaliste et fin connaisseur de la politique dans le contexte mauricien, nous en parle…

Mauritius Times: Eu égard à l’affaire de la pétition électorale logée par SurenDayal contre l’élection des trois candidats du MSM au No. 8 – dont le Premier ministre lui-même – et le risque que le jugement des Law Lords pourrait modifier la donne pour ce parti, la question qui s’impose en ce début d’année, c’est de savoir si PravindJugnauth voudrait s’exposer à un tel risque ou le contourner en organisant des élections anticipées. Quelle analyse en faites-vous ?

Lindsay Riviere: La simple peur d’une défaite ou même d’une raclée aux élections municipales en juin ne me semble pas être une raison sérieuse pour dissoudre le Parlement et aller directement à des élections générales prématurées. Beaucoup de gouvernements ont, dans le passé, perdu beaucoup d’élections municipales, sans que cela n’affecte leur capacité à gouverner.

Le MSM n’est d’ailleurs pas supposé gagner la majorité aux élections municipales. Sa victoire dans quelques ‘wards’à Vacoas-Phoenix, Quatre-Bornes ou Port-Louis pourraient même alimenter la perception d’une victoire inéluctable aux élections générales, beaucoup de gens croyant de plus en plus que le ‘Hindu Belt’ (les circonscriptions 4 à 14) est majoritairement acquis au MSM. Enfin, même en perdant d’éventuelles élections municipales en juin, le gouvernement pourrait encore gouverner jusqu’à la mi-2025, soit encore 24 mois.

Pour moi, le PM ne dissoudra pas le Parlement uniquement pour éviter les élections municipales. Il peut, d’ailleurs, renvoyer de nouveau les Municipales, comme il l’a déjà fait deux fois jusqu’à maintenant, malgré l’indignation momentanée que cela pourrait susciter. PravindJugnauth n’en est pas à une controverse près et je le crois parfaitement capable d’agir de la sorte. Aujourd’hui, le régime est surtout dans une logique de gagner du temps afin de consolider au maximum son bilan jusqu’en 2024.

* Mais un jugement défavorable des Law Lords pourrait modifier la donne pour le leader du MSM, non?

Tout à fait, car plus grave et décisif serait un jugement défavorable des Law Lords dans la pétition Dayal, avec des conséquences immédiates et terriblement importantes. Cela mettrait en cause l’élection personnelle et donc la légitimité du PM et la légalité des actions et des décisions de son régime depuis 2019.

Personne ne peut anticiper ce jugement dans un sens ou dans l’autre ; personne ne sait quand ce jugement sera rendu. La crainte d’un jugement défavorable serait-elle une raison impérieuse de dissoudre le parlement plus tôt que prévu et de rappeler le pays aux urnes ? Je ne crois pas que le PM choisira cette voie. Cela serait considéré comme un signe de panique et l’anticipation d’un jugement défavorable. Cela, PravindJugnauth ne le fera pas, par tactique et par orgueil.

Non, je pense qu’il attendra tranquillement le jugement en espérant qu’il lui sera favorable, sans précipiter les choses et qu’il avisera par la suite. Sauf circonstances exceptionnelles, selon moi, il n’y aura pas d’élections générales anticipées. D’ailleurs, le “Donnez-nous au moins les Municipales” de Patrick Assirvaden et Paul Bérenger en dit déjà long sur l’état d’esprit des partis de l’Opposition !

*Au-delà des ‘electoralfreebies’ pour les pensionnaires et les classes moyenne et ouvrière, qui seront probablement annoncés lors du prochain exercice budgétaire, PravindJugnauth voudra sans doute rééditer l’exploit de 2019 qui lui a permis d’accéder au pouvoir avec seulement 37% des votes. Or, le rapport de forces sur le plan électoral sera différent avec probablement une alliance de l’Opposition en face. Cette dernière fera sans doute aussi preuve d’une extrême vigilance lors des prochaines élections. Ce n’est donc pas évident que le MSM parviendra à réaliser le même score électoral ou à mieux faire en 2023 ou même en 2024. Qu’en pensez-vous?

Attention ! Nous ne sommes pas dans la situation de 2019, où une vraie lutte à trois a permis au MSM de rester au pouvoir avec 37% des suffrages, le PTr 32% et le MMM 20%. Dans plusieurs circonscriptions, seules quelques dizaines ou centaines de voix séparaient les candidats en 2019.

Sur papier, une coalition PTr-PMSD-MMM formelle l’aurait sans doute emporté cette année-là.

La différence principale aujourd’hui réside dans le fait que le MMM, le PMSD et le PTr ont déjà publiquement décidé de liguer leurs forces, comme en 1995. Cette alliance semble devoir tenir dans la durée. MMM, PTr et PMSD savent parfaitement qu’ils ne peuvent gagner qu’en étant unis. Malgré une implosion possible au MMM et des remous possibles au PTr,il est certain que l’Opposition parlementaire n’ira pas en forces dispersées et queRamgoolam, Bérenger et Duval demeureront leaders de leur parti respectif jusqu’aux élections car ils ont plus de chances avec ce scénario que s’ils se joignent au MSM et doivent alors défendre le gouvernement MSM.

S’il y a une ‘Troisième force’ symbolique réunissant Linion Pep Mauricien, le Reform Party de Bhadain et le Rassemblement Mauricien de NandoBodha, cette coalition des petits partis ne fera pas plus de, disons, 5% des voix. Et là encore, on voit bien Navin Ramgoolam laminer cette opposition extra-parlementaire en appelant au “Vote Utile” et en offrant deux ou trois tickets à RoshiBhadain, Rama Valayden ou Dev Sunnassy, en demandant à Bérenger de prendre Bodha sur sa liste à lui afin de projeter son inévitable slogan ‘Anybody but Jugnauth!’.

Cette nouvelle configuration de l’Opposition parlementaire serait très différente de 2019, et il faudrait alors au MSM et à PravindJugnauth 45 à 50% des suffrages pour rééditer une solide majorité. Une chose est sûre: L’élection qui vient sera plus difficile pour le régime que celle de 2019.

* Cependant, ce qui est prévisible, c’est que PravindJugnauth saura utiliser l’appareil d’Etat à bon escient. Son parti disposerait aussi de moyens considérables pour financer sa campagne électorale, et il misera sans doute sur une amélioration de la situation économique dans les mois à venir. Votre opinion?

Je crois qu’après avoir tenté divers rapprochements à divers moments avec les autres partis, PravindJugnauth se rend compte aujourd’hui qu’il ne pourra faire d’alliance officielle ni avec le PTr, ni avec le MMM, ni avec le PMSD (qui, eux, choisissent comme je l’ai toujours dit dans vos colonnes et ailleurs la voie d’une ‘coalition classique’ menée par Navin Ramgoolam, encadré de Xavier Duval et de Paul Bérenger). Le gouvernement en a trop fait depuis 2014 pour que les autres grands partis se rapprochent de lui sans subir les foudres de leurs électorats respectifs.

Alors que fera PravindJugnauth ? Il a deux calculs:
(a) Consolider son régime autant qu’il peut afin d’établir définitivement leMSM comme (de loin) le plus grand parti politique du moment et le gouvernement naturel du pays – comme le PTr entre 1963 et 1982 -avec un œil tout particulier sur les régions rurales;
(b) Construire, autour de Steven Obeegadoo et Alan Ganoo, une plus large et plus solide Plateforme Militante composée d’ex-MMM favorables à un rapprochement avec le MSM et des parlementaires MMM actuels dont quelques tenors prêts à faire le saut plus près des élections – une espèce de MMM bis sans Bérenger, comme le RPR de Nababsing/De L’Estrac en 1995 en provoquant une implosion massive du MMM. On dit, à cet effet, que même certains députés MMM influents sont exaspérés du leadership de Bérenger.

* Il faut aussi tenir compte du fait que malgré une longue liste de scandales, les allégations de ‘hit lists’ et des épisodes de ‘drugplanting’, les effets de l’inflation et une baisse significative du niveau de vie, le gouvernement ne semble pas forcément faiblir aux yeux d’une part importante de l’électorat. Qu’est-ce qui explique cela, selon vous?

D’abord, il y a une culture de la peur grandissante à Maurice. Par ailleurs, les Mauriciens sont d’humeur très changeante, ils oublient tout très vite et passent rapidement à autre chose, confirmant qu’une actualité chasse l’autre. Qui parle encore de ‘sniffing’, présenté hier comme le ‘scandale du siècle’, ou de Sherry Singh?

Mais il ne faut pas conclure que le sentiment anti-gouvernemental s’estompe. A Maurice, les citoyens votent plutôt « contre » que « pour » un parti politique quelconque. On verra si l’Opposition saura provoquer, le moment venu, ce sentiment « anti ».

* Quelle opinion faites-vous des spéculations de certains politologues et autres observateurs politiques autour d’un arrangement électoral entre le MSM et le MMM, ou celui d’un deal entre le MSM et le PMSD, ou même avec le PTr, concocté sous la pression d’une puissance étrangère? En ce qui concerne le MMM, ce n’est pas évident que Paul Bérenger voudrait terminer sa carrière politique en s’exposant à l’hostilité de ce qui lui reste de ses partisans, non?

Il est vrai qu’à deux ans peut-être des prochaines élections (si le jugement des Law Lords est favorable au PM), nous sommes largement dans le domaine des spéculations.

Pour ma part, contrairement à d’autres observateurs, je pense que les configurations actuelles tiendront. Il n’y aura pas d’alliance entre le MMM officiel et le MSM, même si cela doit entrainer une implosion du MMM. Bérenger a le plus grand mépris pour PravindJugnauth et le MSM ; et c’est réciproque. Ses partisans le quitteraient en masse s’il cautionnait demain le MSM au pouvoir.

Navin Ramgoolam ne fera pas, non plus, alliance avec Jugnauth, même sous pression des puissances étrangères. Il veut sa vengeance et remettre le PTr en haut du podium.

Xavier Duval préfère de loin travailler avec le PTr que le MSM “car il y a certaines choses que le MSM est capable de faire mais que le PTr ne fera pas”.

Enfin, Bodha et Bhadain ne peuvent rien accomplir au plan national s’ils ne se joignent pas à une grande alliance, permettant une lutte à deux.

Je l’ai toujours dit et les évènements m’ont presque toujours donné raison: Le jeu politique mauricien est bloqué et il n’y a point de salut hors des grands partis et des grandes coalitions.Tout ce que j’ai dit depuis des années à cet effet s’est vérifié : la consolidation du leadership de Ramgoolam au PTr; le fait que Ramgoolam et Bérenger ne s’en iront pas d’eux-mêmes ; l’échec prévisible de L’Entente de L’Espoir; Bodha et Bhadain n’allant nulle part comme PM éventuels; une coalition ‘classique’ PTr-MMM-PMSD; l’acceptation par le MMM et le PMSD de Ramgoolam comme PM après avoir souhaité son départ, etc.

Je sais que c’est terriblement frustrant pour certains, qui n’aiment pas mon supposé cynisme ou qui n’aiment pas que je dise qu’il y a trop d’émotions dans la politique à Maurice mais c’est comme ça et la politique mauricienne suit des schémas tout à fait prévisibles.

* En tout cas, cette question de deal qu’envisagerait le leader du MSM, avec soit le MMM ou le PMSD ou même le PTr, reste toutefois toujours d’actualité eu égard au flou que laisse planer le leader du PTr quant à la concrétisation d’une alliance avec les deux autres partis de l’opposition ‘mainstream’, en particulier le MMM pour les élections générales. La hantise de 2014 pourrait être toujours présente chez lui?

Tant il est vrai que le MMM et le PMSD seuls ne peuvent gagner beaucoup de sièges, il est aussi vrai que le PTr a besoin des votes MMM et PMSD des villes et des 10 à 15% de votes ruraux MMM, car il ne faut jamais oublier que les électeurs des régionscôtières votent aussi et pourraient bien apporter les centaines ou les milliers de voix dont le PTr aura besoin pour damer le pion au MSM. Bref, dans ces alliances, en 2024 ou 2025, tout le monde aura besoin de tout le monde. Read More… Become a Subscriber

Mauritius Times ePaper Friday 20 January 2023

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