Mauritius
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

"Le risque que le trio de l’opposition ne s’entende pas est réel.

Vu la complexité de la répartition des tickets ou encore de la place à accorder ou pas à Bodha, voire à Bhadain”

* ‘Pourquoi Pravind Jugnauth paierait-il cher pour une alliance avec le MMM,
quand il peut tout à fait cueillir uniquement les mauves qui l’intéressent ?’

* N. Ramgoolam subit les appels du pied l’appelant à permettre aux rouges d’accéder à coup sûr au pouvoir à travers une alliance avec le MSM’

* ‘Certains titres de presse ont choisi de rapporter l’existence de la risible « hit list » sans prendre aucune sorte de recul’

Cette semaine, Rabin Bhujun souligne les difficultés persistantes de l’opposition, ce qui n’aide pas à redonner confiance en un avenir meilleur. Malgré tous les soubresauts de la classe politique mauricienne, la masse reste muette à propos de ses intentions de vote pour les prochaines élections. Mais notre invité, est optimiste. Un changement pourrait se poindre à l’horizon si les leaders des partis politiques décident de sortir des sentiers battus, cassent les codes pour faire jaillir les idées innovantes. Mais ces derniers sauront-ils faire la différence ? 

Mauritius Times: Quand vous examinez le bilan du gouvernement de Pravind Jugnauth au bout de ces trois années passées au pouvoir, quelle analyse faites-vous de ses réalisations, de ses manquements et de ses perspectives d’avenir sur le plan politique?

Rabin Bhujun: C’est un vaste sujet qui nécessite une longue réponse. Pour faire simple, envisageons une évaluation sur quatre dimensions : Economique, Infrastructurelle, Institutionnelle et Sociale.

L’économie est bel et bien repartie après la crise de la Covid. Dans la dernière édition de MCB Focus, l’estimation du taux de croissance de 2022 a été légèrement revue à la hausse à 6,2%. Mais la prévision pour l’année prochaine a été rabaissée à 5%. Le tourisme connait une fin d’année faste, les industries de l’exportation ont bien rebondi tandis que le secteur des services financiers démontre sa résilience année après année.

Toutefois, la guerre en Ukraine, le ralentissement des économies de nos principaux marchés, le manque criant de main-d’œuvre dans plusieurs de nos industries, l’inflation importée, entre autres, ne permettent pas de penser que nous pourrons continuer bien longtemps sur la trajectoire des 5% de croissance.

Sur le plan infrastructurel, l’an 3 du précédent mandat de ce gouvernement était déjà marqué par des avancées assez importantes du projet Metro Express ou encore la fin des réparations sur l’autoroute Terre-Rouge/Verdun, véritable artère névralgique du pays. L’entrée en opération de la première phase de projet à la veille des législatives de 2019 était le point d’orgue du programme infrastructurel du dernier mandat.

Il y a bien quelques projets d’envergure qui ont été et vont être inaugurés dans les mois et l’année à venir. Mais aucun n’a le même « wow factor » et l’effet immédiat sur la mobilité de milliers de Mauriciens. Pire, l’entrée en opération du Metro Express cause un cauchemar quotidien pour des milliers de Mauriciens à Quatre-Bornes ou à Vacoas.

Sur le plan institutionnel, le bilan est aussi catastrophique que honteux. Ce gouvernement a installé ses partisans et ses sous-fifres dans toutes les institutions du pays. On peine à discerner, dans cette foule de médiocres, les « right (wo)men in the right place ». De Air Mauritius aux corps paraétatiques les plus stratégiques, c’est la culture du « wi misié » qui s’est installée et qui prime.

Toutefois, la chose la plus grave et inquiétante, à mon sens, c’est que ce gouvernement a plus ou moins réussi à fracturer ce pays en deux. Entre, d’une part, ceux qui cultivent une défiance permanente et maladive envers le gouvernement – et pire – l’Etat lui-même ; et d’autre part, ceux qui vaquent à leur train-train quotidien sans moindrement s’intéresser ou s’offusquer de ce qui enflamme les colonnes de nos journaux et les lives de nos radios.

Soyons réalistes toutefois, les torts sont aussi partagés. Cette polarisation est instiguée par des forces politiques – pas qu’au gouvernement – qui pensent cyniquement en tirer un capital politique et électoral.

* S’il y a eu des avancées, principalement sur le plan infrastructurel, par contre on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne la question de la bonne gouvernance, ou même de l’attitude du gouvernement vis-à-vis de ses adversaires politiques – parlementaires ou non-parlementaires. Dans le fond, il ne semble pas qu’il y ait de différence fondamentale entre la méthode d’Anerood Jugnauth et celle de son fils, non?

Il y a bien une différence fondamentale entre Sir Anerood Jugnauth et son fils. SAJ savait déléguer. Pour cela, il faut avoir une certaine confiance en ses collaborateurs – qu’ils soient ministres ou nominés politiques. Même si SAJ effectuait bien évidemment des choix partisans dans la plupart des cas, il était aussi connu pour ne pas se fier uniquement au critère partisan.

Pravind Jugnauth installe, lui, des médiocres à toutes sortes de postes de responsabilité sur la seule base de leur fidélité et de leur profil. SAJ était « enn tipe pli tipti ki bondie » pour certains de ses admirateurs. Pravind Jugnauth est lui – carrément -le tout-puissant pour ceux qui lui doivent leur existence politique.

Il y a pire. SAJ entretenait une relation saine avec ses collaborateurs. Il accueillait et écoutait les avis divergents, même s’il était celui qui décidait en dernier ressort. Pravind Jugnauth est un sphinx, qui écoute sans rien laisser transparaître de ce qu’il pense. Ses ministres n’osent pas lui dire ses quatre vérités. Leurs nombreuses frustrations ne sont vraiment exprimées qu’en petits comités.

Les plus téméraires réfléchissent même à des stratagèmes pour faire remonter les messages via le puissant et influent Kitchen Cabinet de Pravind Jugnauth, dans l’espoir d’amener le Premier ministre à agir sur certains dossiers sensibles. Par exemple, plusieurs ministres orange souhaitent ardemment que Yogida Sawmynaden soit exclu du parti, afin d’envoyer un signal fort. Mais Jugnauth et sa ‘Cuisine’ ne le lâchent pas, pour je ne sais quelle obscure raison.

* Pour revenir aux méthodes employées sous la tutelle de l’actuel gouvernement, on n’a qu’à se référer aux récents coups du ‘Special Striking Team’ de la force policière – la perquisition suivie de l’arrestation d’Akil Bissessur et de sa compagne, la descente et la perquisition chez les beaux-parents de Sanjeev Teeluckdharry et celles chez Bruneau Laurette – tous figurant sur une ‘hitlist’ alléguée du régime… Rien n’a été prouvé jusqu’ici car les enquêtes sont toujours “on” dans certains cas. Mais tout cela ne peut pas se résumer à des actes impulsifs. Qu’en pensez-vous ?

Il faudrait aussi créer une liste de tous les crédules qui croient tout et n’importe quoi en lisant les nombreuses idioties publiées quotidiennement sur les réseaux sociaux. Il est quand même consternant de constater que certains titres de presse ont choisi de rapporter l’existence de la risible « hit list » sans prendre aucune sorte de recul.

N’importe quel journaliste rationnel et qui se respecte verrait la supercherie en deux secondes et n’en ferait absolument pas état. Ou alors, il le ferait afin de bien préciser que c’est – au mieux – un canular ou – au pire – une tentative concertée de manipulation de l’opinion avec la complicité de médias complaisants ou partisans.

Pour revenir à votre question, il y a un « political narrative » bien établi autour de l’arrestation de Laurette et de Bissessur. Je pense donc qu’il faut absolument se distancier de ce que les uns ou les autres veulent nous faire croire. J’attends de voir comment les deux enquêtes aboutissent pour me prononcer.

Entretemps, je note juste que le ton et le propos des avocats de Laurette ont considérablement changé entre le moment où il a été appréhendé et ce début de semaine. Je les ai même entendu louer le professionnalisme des enquêteurs. De quoi se sont-ils rendu compte ? Que leur a-t-on expliqué ? Que leur a-t-on montré pour qu’ils soient soudainement bien moins belligérants? Je n’ai pas la réponse à ces questions.

Par contre, je pense que la perquisition chez les beaux-parents de Sanjeev Teeluckdharry est, elle, choquante. Cet épisode nous donne l’impression qu’un mandat de perquisition au cadre assez large a été rédigé afin que la police puisse effecteur une « fishing expedition » la veille de la manifestation organisée par Laurette et ses sympathisants. C’est un épisode qui apparaît comme une manœuvre de harcèlement, de rétorsion et de pression : c’est un très mauvais signal.

Pour l’heure, je n’ai aucun a priori – ni positif, ni négatif – sur le travail de la Police Head Quarters Special Striking Team de l’ASP Jagai. Il est dans le feu de l’actualité et il s’occupe de nombreux « very high profile cases ». Tout ce que je lui souhaite, c’est qu’il ne contracte pas les mêmes habitudes et le même syndrome qu’un autre ASP jadis très connu et controversé, Prem Raddhoa.

* Malgré toutes les secousses et autres scandales qui le frappent, le gouvernement de Pravind Jugnauth parvient toutefois à maintenir le cap. Il y a aussi l’usure du pouvoir ou les manifestations de rue ou celles devant les tribunaux. Quelle explication donner à tout cela?

Si Pravind Jugnauth s’en tire aussi bien, c’est parce que l’opposition échoue lamentablement. La dernière manifestation de Bruneau Laurette a, une nouvelle fois, démontré que le PTr, le MMM et le PMSD ne s’entendent toujours pas sur le fondamental : le grand rassemblement de toutes les forces de l’opposition. Xavier Duval pousse un coup de gueule suite au soutien très visible des rouges à Bruneau Laurette ; deux jours plus tard le trio PTr/PMSD/MMM annonce une alliance pour les municipales… alors que Laurette a dit vouloir siphonner l’électorat bleu et mauve.

L’opposition souffle en permanence le chaud et le froid sur sa capacité à représenter une alternative cohérente, crédible et donc gagnante face au gouvernement. C’est bien pour cela qu’on entend davantage les rumeurs de députés s’apprêtant à quitter les rangs des partis de l’opposition que l’inverse.

L’opposition, contrairement à la dynamique 2003-2005 en faveur du Parti Travailliste, n’apparait pas vraiment comme étant une menace réelle et imminente pour le gouvernement.

* Par ailleurs, même s’il existe un sentiment anti-gouvernement très fort sur les réseaux sociaux et dans certains titres de presse, il est difficile de bien saisir le ‘mood’ réel de l’électorat vis-à-vis du gouvernement. Est-ce possible qu’un nombre important d’électeurs – souvent silencieux – soit d’un avis différent des internautes?

Les réseaux sociaux ne sont absolument pas le reflet de la réalité du ‘mood’ de l’ensemble du pays. Leurs algorithmes sont conçus pour vous servir du « more of the same», c’est-à-dire que les fans de Pravind Jugnauth verront le plus souvent du contenu à sa gloire tandis que les partisans de l’opposition verront surtout défiler des ‘posts’ critiques à l’égard du gouvernement.

Par ailleurs, ce sont ceux qui ont choisi leur camp qui s’expriment le plus souvent sur les réseaux. Donc, même en ligne et dans les colonnes de commentaires des articles des grands groupe de presse, il existe une majorité silencieuse, qui regarde et lit sans commenter et dont on ne connait pas l’opinion. Cela ne doit pas étonner. Souvenez-vous, le sondage Straconsult/Le Mauricien de mai 2022 concluant que 56% des Mauriciens n’optent pour aucun parti

Je ne peux donc pas répondre à votre question en disant qu’une majorité silencieuse ne partage pas le sentiment que vous estimez prédominant sur les réseaux sociaux. Je peux, par contre, seulement conclure que puisque cette majorité existe et elle est silencieuse, on ne peut pas supputer sur ce qu’elle pense. Il se peut que les prochaines législatives soient une redite quasi identique de 2019 ou alors qu’on se retrouve dans une dynamique tardive et réelle aboutissant au même type de conséquences qu’en décembre 2014. Read More… Become a Subscriber

Mauritius Times ePaper Friday 11 November 2022

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.


Thank you.