Burundi
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Divergences autour de la suppression du système des quotas ethniques

A quelques jours du début des travaux d’évaluation du système des quotas ethniques au Burundi, les citadins divergent sur son maintien ou sa suppression. Pour le parti Uprona, en faire fi risque d’exacerber les exclusions ethniques alors que pour le Conseil national des églises, cela est possible sous conditions.

« Que cela soit rayé. Celui qui est membre d’une institution ne représente pas son ethnie », a réagi un citadin. Et un autre de renchérir : « Si les quotas ethniques ne sont pas supprimés, nous resterons en arrière. Il faut qu’ils soient effacés pour que des gens soient choisis selon leurs compétences. »

Pour un autre citoyen approché, le Sénat ne devrait pas gaspiller les moyens de l’Etat pour consulter la population. Il faut pour lui, supprimer les quotas ethniques dans les institutions. « Les blancs nous ont trompés, nous n’avons qu’une seule ethnie, seule des Burundais. »

Une autre source pense que le problème ethnique n’est plus d’actualité. Le plus grand défi, est le manque de carburant et autres produits : l’eau, l’électricité, le sucre…Il juge que le problème ethnique ne concerne que les politiques.

Un autre est gêné par le fait que le président de la République et son vice doivent être d’ethnies différentes selon le système des quotas ethniques. « C’est pour se surveiller ? », se demande-t-il.

Il ne comprend pas pourquoi le ministre qui a la sécurité publique dans ses attributions doit être d’une ethnie différente de celui qui a la défense dans ses attributions.

Pour lui, les pourcentages de 40% et 60%, respectivement pour les Tutsi et les Hutu au Parlement et au gouvernement sont à l’origine des suspicions. Et de renchérir :« Il faut que quelqu’un occupe un poste parce qu’il a des compétences, non pas parce qu’il est Hutu ou Tutsi. »

Risque de crise

Néanmoins, un autre citadin estime que le système des quotas ethniques a encore sa raison d’être dans la Constitution. Il explique que dans des institutions où les quotas ethniques ne sont pas exigés, la plupart des membres ont une seule ethnie alors que des gens capables ne peuvent pas appartenir à une seule catégorie de la population. « Cela risque alors de raviver des conflits comme dans le passé. »

Et son proche d’affirmer que la suppression des quotas ethniques au niveau des institutions risque de replonger le Burundi dans la guerre, car cela, risque d’exclure certaines ethnies dans la gestion des affaires du pays.

Une autre source au centre-ville de Bujumbura soutient d’ailleurs que ces quotas ethniques n’étaient plus respectés dans toutes les institutions. Donc, pour lui, l’exclusion sur base ethnique risque de s’aggraver si les quotas ethniques sont supprimés.

D’autres personnes jugent qu’ils devraient être maintenus parce qu’ils ont permis une accalmie après des guerres qui ont emporté beaucoup de vies humaines. « Si les quotas ethniques sont supprimés, il faudra au moins que le mode d’élection qui préconise les listes bloquées des candidats des partis politiques soit aussi changé afin que les candidats se fassent élire individuellement sur une liste ouverte », recommande une d’entre elles.

Inquiétudes du parti Uprona

Olivier Nkurunziza : « Là où les quotas ne sont pas exigés, c’est presque le mono-ethnisme. Les Tutsis sont exclus »

Le parti Uprona reste sensible aux quotas ethniques. Il informe qu’il est en train de finaliser une enquête sur les équilibres ethniques dans des institutions non concernées par le système des quotas ethniques.

Il n’est pas temps de supprimer le système des quotas ethniques au Burundi. « Là où les quotas ne sont pas exigés, c’est presque mono ethnique, les tutsi sont exclus », constate Olivier Nkurunziza, président de l’Uprona.

Et de donner des exemples : « Le Burundi ne compte que 2 gouverneurs de province d’ethnie tutsi. Au niveau des directeurs provinciaux de la santé, il n’y a qu’une seule personne d’ethnie tutsi. Et aucun au niveau des directeurs provinciaux de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, pas un seul tutsi. »

Olivier Nkurunziza déplore qu’il y a même des directions générales où tous les directeurs sont d’une même ethnie : « Allez voir à la Radiotélévision nationale du Burundi, le directeur général et tous les directeurs sont tous d’une même ethnie. »

Le président du parti Uprona ne mâche pas ses mots : « Toutes les commissions nationales sont toutes dirigées par des Burundais d’ethnie hutu. Toutes les banques stratégiques sont dirigées par des Hutu. »

Selon lui, la situation est similaire pour les secrétaires permanents des ministères, les assistants des ministères et les directeurs des hôpitaux. « Cela fait peur. Il n’y a pas d’exemple qui peut rassurer. S’il y avait des Tutsi et des Twa, cela inspirerait confiance. »

Des craintes subsistent

Pour le président du parti du héros de l’Indépendance, des signaux montrent qu’une fois les quotas ethniques supprimés, il n’y aura plus des Tutsi et des Twa dans les institutions. « Cela réveillera les vieux démons ethniques, ce qui peut encore une fois causer des guerres au Burundi ».

Pour prévenir, le parti du prince Louis Rwagasore propose de garder les quotas ethniques dans la Constitution. À ceux qui disent qu’il faut privilégier les compétences, il réplique que les compétences se trouvent dans toutes les ethnies.

Olivier Nkurunziza craint que des extrémistes puissent intimider les gens. Il demande alors au Sénat d’en être conscient et de défendre l’intérêt supérieur de la nation au lieu des intérêts sectaires.

Lors des consultations, le parti Uprona propose au Sénat de considérer les acteurs politiques importants, les responsables politiques et les leaders d’opinion qui ont des informations sûres, pas émotionnelles : « Aller sur le terrain et prendre des masses influencées par quelques gens ne donnera pas de vraies informations. » Et de rappeler que la responsabilité reviendra au Sénat : « C’est au Sénat de voter. Qu’il ne fuie pas sa responsabilité. »

L’Uprona assure que même là où les quotas ethniques sont exigés, ils ne sont pas toujours honorés et recommande au Sénat de veiller à ce qu’ils soient respectés.

« Eviter les émotions »

Pour Sylvestre Bizimana, secrétaire général du Conseil des Églises du Burundi (CNEB), il est important que tous les Burundais se prononcent sur l’opportunité de briser les barrières des quotas ethniques dans l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il note de bons signes comme les mariages inter-ethniques qui s’observent.

Sylvestre Bizimana : « On n’est pas encore à un niveau où on peut dire que le problème ethnique est déjà éradiqué »

Néanmoins, observe-t-il, on n’est pas encore à un niveau où on peut dire que le problème ethnique est déjà déraciné. Il ose espérer que des institutions qui proviendront des élections de 2025 et 2027 puissent être mises en place sans considération des quotas ethniques.

Il juge que c’est un travail de longue haleine qui doit être fait par les leaders politiques et religieux. « Cela dépendra aussi de la guérison des âmes », renchérit ce pasteur. S’il y a un passé douloureux qui n’est pas traité, pense-t-il, cela peut faire retourner le pays dans les crises. Et de recommander : « Que la CVR fasse son travail. Que les confessions religieuses fassent leur travail et le gouvernement fasse le sien pour guérir le Burundi du passé douloureux. »

Une conditionnalité

M. Bizimana est quand même convaincu que le Burundi peut en finir avec les quotas ethniques, mais sous une condition : « Si particulièrement les leaders politiques n’utilisent plus les ethnies pendant la campagne électorale, le problème ethnique n’aura plus sa raison d’être au Burundi. » Et de rappeler que le pays sera développé par la promotion de la compétence au lieu de l’appartenance ethnique.

Pour réussir les consultations qui approchent, il conseille au Sénat de faire une enquête scientifique et académique afin de prendre une décision basée sur des données scientifiques : « Avec un échantillon représentatif, on pourra conclure si les Burundais sont réellement guéris. » Sinon, avertit ce serviteur de Dieu, le Burundi peut replonger encore une fois dans la violence.

Il demande au Sénat d’éviter les émotions dans ce genre de travail et de ne pas faire des consultations pour des raisons politiques : « Il faut faire en sorte que des chiffres soient dégagés. Tel nombre de Burundais a dit qu’il faut garder les quotas ethniques. Tel autre nombre a dit qu’il faut les supprimer.»

Pour rappel, les cérémonies de lancement officiel de l’évaluation du système des quotas ethniques dans l’exécutif le législatif et le judiciaire sont prévus lundi 31 juillet 2023. La Constitution du 7 juin 2018, dans son article 289, accorde un délai de 5 ans au Sénat pour évaluer le système des quotas ethniques afin d’y mettre fin ou de le maintenir.